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mise à jour 20 janvier 2014
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Genre : opera Antoine DAUVERGNE (1713 - 1797)
Les Troqueurs (1753) Opéra-bouffon en un acte et un ballet, livret de Vadé, d'après le conte de La Fontaine
Concert de Simphonies a IV parties (1751) Opus 3 n° 2 en Fa majeur
Mary Saint-Palais (Margot), Sophie Marin-Degor (Fanchon), Nicolas Rivencq (Lubin), Jean-Marc Salzmann (Lucas)
Capella Coloniensis Direction William Christie
1 CD, 72' 31". Harmonia Mundi. Enregistré en novembre 1992, en co-production avec WDR.
Le parti français à l'heure de la Querelle des Bouffons
C'est en 1753, année de la Querelle des Bouffons, que Jean Monnet, alors directeur du théâtre de la Foire Saint-Laurent, commanda à Antoine Dauvergne (à l'aube de sa longue carrière musicale) un "opéra bouffon" ou intermède à la manière italienne brillamment initiée par Pergolèse. L'arrivée à Paris d'une troupe italienne d'opéra bouffe connaissait un grand succès populaire, qui semblait écorner celui de l'opera classique français tout droit inspiré de Lully. Les succès des grands opéras français avaient certes inspiré des séries de pastiches d'inspiration populaire, mais il s'agissait là d'une commande à un compositeur appartenant à la Musique du Roy. Monnet imposa le livret, directement inspiré du conte de La Fontaine. Cédant toutefois à une certaine pruderie, ce ne sont pas leurs épouses, mais leurs fiancées que les deux jeunes gens projettent d'échanger, présageant ainsi de ce qui sera très exactement le thème de Cosi Fan Tutte chez Da Ponte et Mozart... Les airs sont assez peu nombreux, on en retient surtout des ensembles bien bâtis, et inspirés d'une dynamique propre qui porte littéralement l'action jusqu'au final convenu : depuis le duo "Troquons, troquons" jusqu'au quatuor final "Ne me rebute pas". Certains passages constituent des parodies appuyées du grand opéra, et devaient provoquer un effet comique certain auprès du public : le grand air de Lubin "Sa nonchalance" est bâti comme un air de bravoure, avec des effets de voix tout à fait burlesques. De même, le duo "Sans rire" constitue un clin d'œil appuyé au répertoire de Rameau. Signalons aussi le curieux air de Margot ("Ah qu'il me tarde"), qui débute sur le mode galant, pour verser brutalement dans la fureur, ou le récitatif accompagné de Lucas "Va, j'épouserais morbleu plutôt le Diable", très réussi. Les chanteurs semblent à l'aise dans cette parodie burlesque où ils s'en donnent à cœur joie. Exigence incontournable pour le répertoire baroque français, leur diction dans la langue de Molière est soignée. Les voix basses d'hommes viennent appuyer l'effet comique : le timbre de baryton de Nicolas Revencq (Lubin) s'égaie avec bonheur au début de la partition ("On ne peut trop tôt", "Margot morbleu est par trop joyeuse") pour culminer dnas le faux air de bravoure ; la basse plus profonde de Jean-Marc Salzmann (Lucas) se déploie avec une générosité ductile dans le récitatif accompagné. Du côté des femmes, les airs sont réservés au rôle de Margot, tenu par Mary Saint-Palais. Son timbre aérien fait merveille pour la parodie lyrique avec da capo "D'un amant inconstant", et mue avec souplesse vers la fureur pour conclure le "Ah qu'il me tarde". Sophie Marin-Degor (Fanchon) complète aimablement les ensembles. La direction de William Christie, à la tête de l'orchestre Capella Coloniensis, est fluide et animée. Elle met en relief les nuances des différents passages, dans une dynamique parfois tourbillonnante qui souligne dès l'ouverture le caractère parodique de l'œuvre. Soulignons en particulier les accents des cors, qui rehaussent régulièrement l'ouverture comme le ballet. Ce dernier est certes un peu conventionnel, avec un largo un peu austère. Y dominent la marche d'entrée, des suites de tambourin animées, les gracieux menuets, et l'entraînante contredanse finale. La "Simphonie a IV parties" comporte en fait de nombreux mouvements. Elle donne une idée assez intéressante de ce qu'était une symphonie à l'époque, bien différente des canons du classicisme posés au XIXème siècle. Il s'agit en fait d'une succession de morceaux assez courts, depuis la majestueuse ouverture en trois mouvements (grave/ presto/ adagio), mais qui ne présentent pas véritablement d'unité musicale. On a plutôt le sentiment d'explorer les possibilités des différentes cadences musicales connues, chaque mouvement étant traité de manière autonome et selon les canons du répertoire musical de l'époque. Signalons tout particulièrement la lancinante chaconne, d'une durée plus longue que les parties précédentes (près de cinq minutes), qui conclut la symphonie. Le CD est accompagné d'une plaquette reprenant le livret (avec traduction anglaise et allemande), complétée d'une notice musicologique. A l'heure où un ouvrage très documenté vient de retracer avec brio la longue carrière d'Antoine Dauvergne chez l'éditeur Mardaga (chronique à paraître prochainement dans ces colonnes), ceux qui voudront découvrir l'œuvre de ce musicien mal connu du siècle des Lumières y trouveront un témoignage fort divertissant, attestant de l'intégration réussie au répertoire français d'un genre nouveau venu d'Italie.
Technique : prise de son claire quoiqu'un peu sèche.
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Affichage minimum recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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