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mise à jour 20 janvier 2014
| Genre : opéra Pier Francesco Caletti Bruni dit CAVALLI (1602 – 1676) Ercole Amante Opéra en un prologue et cinq actes sur un livret de Francesco Buti mêlé de ballets Jean-Baptiste Lully (Paris 1662)
Ercole – Luca Pisaroni Iole – Veronica Cangemi Dejanira – Anna Maria Panzarella Hyllo – Jeremy Ovenden Licco – Martin Miller Giunone – Anna Bonitatibus Nettuno – Umberto Chiummo Hebe – Wilke te Brummelstoete Cinzia – Johannette Zomer Mercurio – Marc Tucker Paggio – Tim Mead
Concerto Köln & Choeur de la Nederlandse Opera Direction Ivor Bolton Mise en scène : David Alden
2 DVDs, 261 min, Opus Arte, 2010.
H-Man ou Les Maîtres de l'Univers “Les Machines en étoient si grandes & si surprenantes, qu'il y en avoit qui enlevoient jusqu'à cent personnes”
Ercole Amante est tiré en partie des textes mythologiques anciens et de la tragédie de Sophocle, Les Trachiniennes. Si bien des entorses sont faites pour la gloire du monarque qui se fond dans l'image herculéenne de l’invincibilité, Cavalli n'oublie pas le drame de Déjanire et sa folie malheureuse. Tout comme Haendel 80 ans plus tard et bien d'autres, Cavalli dépeint le fils de Zeus et d'Alcmène comme l'éternel combattant des passions qui se voue aux aléas de sa virilité et la testostérone à fleur de peau. Un séducteur très particulier, à mi-chemin entre la brute épaisse et le plus délicat des galants. L'Ercole Amante, à l'image de bien d'opéras et surtout de la tragédie lyrique, est un jeu incessant de miroirs et de reflets, une sorte de labyrinthe de glace qui renvoie des images et des contre-images dans un jeu splendide de symboles. Opéra courtisan en somme, Ercole Amante, intègre la longue lignée des compositions d'apparat. Ajoutons que l'opéra est née dans les festivités matrimoniales, que ce soient l'Euridice de Peri ou de Caccini et l'incontournable Orfeo de Monteverdi, l'opéra à sa naissance chante l'amour conjugal et le mariage politique. Longtemps considéré comme une curiosité muséale, Ercole Amante n'a pas eu un destin à la hauteur de sa beauté et des circonstances de sa création. Après un enregistrement honorable chez Erato par Michel Corboz, et plus près de nous, les extraits donnés dans le disque "Musiques pour le mariage de Louis XIV" par Hugo Reyne, Ercole Amante était victime de l'immensité de sa forme. Cependant, avec courage et originalité doublés d'un casting idéal, l'Opéra d'Amsterdam monte contre toute attente cet ouvrage. Outre l'ampleur de la tâche “herculéenne”, il est bien ironique que ce soit le pays des plus coriaces ennemis du système Bourbon et de Louis XIV lui-même qui recrée sur scène, un des opéras qui glorifient le plus le monarque solaire. S'il est vrai que la mise en scène de David Alden n'a pas fait l'unanimité dans la critique - et même au sein de la rédaction - elle s'accorde tout à fait sur le caractère spectaculaire, surprenant et fantastique de l'œuvre. Cette mise en scène conjugue parfaitement le respect de l'opéra dans son dramatisme et son but idéologique et à la fois multiplie les lectures en injectant ça et là des appels contemporains. À la fois pédagogique pour le spectateur moderne et préservant les symboles, la mise en scène de David Alden dépouille Ercole Amante de la poussière que l'oubli avait entassé sur ses dorures et la remet au goût des années 2010 sans la dénaturer. L'impression semble simplement la même qu'en 1662, la surprise et l'émerveillement.
© Opus Arte / DeNederlandseOpera Endossant le rôle-titre, Luca Pisaroni à la basse veloutée et puissante, héroïque en somme, campe un Ercole subtil dans le jeu d'arrogance et de brutalité mais élégiaque dans certains airs jusqu'à l'apothéose du duo “Così un giorno”. Avec le latex et la perruque à la Macgyver ou d'autres Mel Gibson l'Hercule de Luca Pisaroni semble directement sorti des animations de Marvel et ses Maîtres de l'Univers, clin d'œil aux générations des années 1980, qui, tout comme le jeune Louis XIV en 1662, rêvent de puissance et de gloire en 2010, les mythes évoluent mais ne disparaissent pas. Délicate et sensible, la soprano argentine Veronica Cangemi nous ravît à nouveau avec un rôle qui lui va comme un gant. Incarnant la naïve et jeune Iole, elle modère ses aigus et sublime la pâte musicale avec un prisme qui enchante et séduit. Dans un registre beaucoup plus dramatique, l'extraordinaire Anna Maria Panzarella est à la fois la malheureuse Déjanire et la reine Marie-Thérèse de France dans le costume. Investie dans la douleur et avec la noblesse de la souveraine offensée, elle nous émeut avec ses supplications, ses pleurs et la profondeur de sa douleur d'épouse bafouée. Nous saluons aussi la grâce de ses mouvements sur scène et la perfection de son jeu. Avec un look de reine maléfique, la superbe mezzo-soprano Anna Bonitatibus est une Giunone idéale. Perfide dans ses insinuations, terrible dans ses colères et lyrique dans ses lamentations, elle nous offre encore une fois une voix juste, aux couleurs sombres et un jeu parfait qui frôle l'autodérision. Dans les rôles moins représentés l'équipe est intégrée de grandes voix qui s'investissent avec humour et dramatisme dans leurs rôles respectifs. Que ce soit l'Hyllo parodique et sentimental de Jeremy Ovenden, la triple prestation du désopilant Umberto Chiummo ou bien le paggio picaresque de Tim Mead, la masculinité est déclinée autour de la virilité écrasante d'Ercole. Du côté des femmes, la sensibilité et la passion de Wilke te Brummelstoete ou le lyrisme de Johannette Zomer ajoutent des nuances superbes à la partition de Cavalli. Dirigeant avec légèreté et précision la partition redoutable de Cavalli, Ivor Bolton est inventif d'effets et de couleurs, face à un Concerto Köln cristallin et dynamique et réussit au bout de plus de 3h d'opéra à rendre l'action homogène malgré la diversité des situations et la myriade des personnages. L'orchestre et son chef prennent le parti de la mise en scène et l'accompagnent dans la réinvention d'un mythe, ils jouent avec les reflets entre fosse et scène nous offrant un Cavalli passionnant, fougueux, moderne malgré les récitatifs. Par ailleurs, ils réussissent aussi parfaitement à intégrer totalement les ballets de Lully dans l'action en gommant les frontières du pastiche. L'Ercole Amante a eu une très courte vie, condamné à n'être donné qu'une fois pour célébrer un grand événement, puis rangé dans les archives de la monarchie comme un trésor précieux mais désuet. Après ce coup d'éclat, suivront les tragédies lyriques qui ont eu un avenir plus long. À l'image du Pomo d'Oro de Cesti ou de Constanza e Fortezza de Fux, Ercole Amante est un spectacle total qui est victime de son prestige, ses codes sont vite dépassés. Cependant, ce que la recréation scénique du Nederlandse Oper en 2010 nous démontre est la réunion des goûts. Au delà des effets surannés, dans un monde qui n'a pas la même narrative que le XVIIème siècle, le parti pris de faire appel aux codes de la mythologie contemporaine pour ressusciter la fable d'Hercule s'avère réussi. Dans les mentalités les codes évoluent très lentement, la logique des reflets intellectuels se développe avec les moyens de communication, à la base cet Ercole Amante ne fait que refleurir dans un autre jardin, sous un soleil nouveau. Vraisemblablement, ce DVD nous offre encore une fois la preuve que l'opéra baroque n'est pas un genre poussiéreux, ni une curiosité snob et complexe, mais une carte postale ancienne, un miroir qui nous reflète mieux qu'on ne le soupçonne.
Technique : captation riche et précise.
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Affichage minimum recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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