"Noël, Noël !" s'écrie le peuple en liesse,
massé aux portes de la cathédrale alors que le dauphin vient d'être couronné.
"Noël, Noël !" crie votre fils en tournant autour de ses cadeaux. Pendant ce
temps, vous triez du regard votre discothèque pour trouver une ambiance sonore
appropriée. Hélas, votre femme s'impatiente (ah, ces nymphes capricieuses !) et redemande les langoureuses
Christmas Songs de Diana Krall. Après quelques pas de danse et deux coupes de champagne, vous profitez perfidement de la somnolence de votre
ravissante épouse pour revenir vers votre étagère de musique baroque. Pendant ce
temps, votre bambin commence à déchirer les emballages colorés avec violence,
avant minuit bien sûr.
Vous n'y prêtez guère attention car une seule question se pose : que diable vais-je pouvoir écouter ?
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. Lorsque plusieurs enregistrements figurent dans un paragraphes, les notes
attribuées apparaissent par ordre de citation.
Commençons notre balade
musicale du Nord au Sud par les terres germaniques. Au sein de cet amas
politiquement morcelé, au climat ingrat et peuplé de barbares chevelus menaçant
la pérennité de l'Empire romain (NdlR : oups... parenthèse revancharde
hors-sujet et digne de la IIIème République à gommer) apparaissent
miraculeusement 2 incontournables
: la sélection des Cantates de Noël de Bach, soit dans la version Herreweghe
(Harmonia Mundi) avec ses très beaux chœurs, soit dans la tonitruante
interprétation d'Harnoncourt-Leonhardt
(Teldec)
aux cuivres rutilants et à l'enthousiasme indémodable (parfois préjudiciable
à la justesse). Dans la foulée, personne ne résistera au kitchissime DVD
de l'Oratorio de Noël (Deutsche Gramophon) par Nikolaus Harnoncourt avec
des solistes enfants, le tout agrémenté de plans fixes sur une crèche et alors
que tous les musiciens sont vêtus de soutanes et barbus comme des Pères Noël. Un
témoignage inestimable, qui pour les spectateurs sensibles, peut être utilisé
comme simple CD en reliant le lecteur à vos enceintes acoustiques. Sinon, la
version de René Jacobs
chez Harmonia Mundi est tout à fait recommandable.
Bien
que d'autres interprètes aient rendus l'œuvre avec plus de force ou de passion,
l'Histoire de la Nativité de Heinrich Schütz n'a jamais retrouvé ailleurs la
chaleureuse intimité et fervente simplicité de l'Ensemble Sagittarius
(nom latinisé de Schütz d'ailleurs) doucement mené par la baguette de Michel Laplénie
(Accord).
Signalons
qu'il est
fort dommage que le magnifique CD-double Un Noël baroque allemand par la
Fenice de Jean Tubery comprenant des œuvres de Praetorius, Schütz, Scheidt,
Schein, Buxtehude, Bach, Hammerschmidt, Altenburg, Schelle, ou Weckmann soit si
difficile à trouver (Ricercar) malgré une ré-édition en deux disques séparés. Le
Père Noël peut-il être soumis à l'humanité décevante des ruptures de stocks ?
En
revanche et malgré une tentative louable, l'Oratorio de Noël de Telemann par le
bien-nommé mais malheureux
Telemann-Kammerorchester
ne
vaut que par la présence de Klaus Mertens (CPO).
Si l'on
revient de ce côté-ci du Rhin, Harmonia Mundi nous gâte avec un coffret de 5
disques de Marc-Antoine Charpentier à prix aimable contenant notamment l'Oratorio et la Pastorale
de Noël par les Arts Florissants
,
sans oublier la
Messe de Noël et Noël sur les instruments
du même compositeur. William Christie s'y montre comme un poisson dans l'eau, à
défaut d'une carpe dans les fontaines de Versailles (on sait que le Grand Roi
déplorait leur trépas prématuré), avec la noble élégance qui le caractérise.
Poursuivant notre périple vers le Sud, la virtuosité italienne et son soleil
hivernal nous attend enfin avec
une agréable anthologie des Concertos et Cantates Per la Notte di Natale
de Vivaldi ou Scarlatti par le Collegium Musicum 90 dirigé par Simon
Standage et son violon bondissant (Chandos).