Janvier 2007. Dès les premières secondes, l'on sent que l'on
a affaire à un grand disque. Happé, entraîné, submergé par le violon plein et
déchirant de Monica Huggett, l'auditeur frémit, troublé par la poésie et la
douleur du paysage qui s'offre à lui. Deux autres violons font leurs entrées, en
imitation, en dialogue, sans jamais s'imposer tandis que Paul Beier égrène son
théorbe avec grâce, effeuillant les notes... Il ne faut cependant pas croire que
l'Ensemble Galatea se morfond dans une approche d'une musicalité
désespérée, dans un lugubre morbide qui fait frissonner. La Sonata
Quinta "Poi che noi rimena" s'ouvre avec quelques accords de théorbe
rebondis, prétexte à un duel de virtuosité solaire. Les reprises du
thème d'abord imposé avec force, susurré timidement, scandé martialement
permettent aux musiciens de faire preuve d'un art du phrasé et de
combinaisons de timbres impressionnants. Les variations finales, avec
force glissandi une basse continue mouvante troublent les sens.
D'ailleurs, à l'image des troupes de M. de Condé, Galatea change souvent
de formation et l'on retrouve
théorbes, chitarrone,
archiluths, bassons au détour des pièces, avec une nette
prédilection pour les alchimies de cordes pincées. Ainsi le Balletto
terzo est interprété par 2 luths, 2 théorbes un chitarrone et un
archiluth ! Le Balleto primo propulse Paul Beier et d'autres cordes
pincées sur le devant de la scène grâce à un art de cour d'une noblesse
juste, enlevée mais digne, déclamatoire sans être pompeuse. De temps à
autre, le cornet de Bruce Dickey fait une noble apparition, un
rien pincée. Les aigus sont acides, mais la ligne souple et les
diminutions aisées. . Sans citer une à une les œuvres, on avouera un
penchant pour le basson bedonnant de la Sonata Prima a 3 qui se glisse
comme un halo de brume derrière les arabesques de Monica Huggett.
Que dire de plus, sinon que la
virtuosité omniprésente passe presque inaperçue, que ces sonates, ballets et
danses des années 1630 possèdent encore une liberté formelle, synonyme de
surprise et de quasi improvisation, que l'on ne retrouvera bientôt plus, et que
ces magnifiques œuvres n'ont pas pris une ride ? Que dire encore sinon que le
programme du disque privilégie les changements de climats, allie la
vigueur rythmique aux épanchements élégiaques et qu'il faut absolument
se le procurer pour bien commencer l'année ?