Genre : œuvres pour clavier
Carl Philipp Emanuel BACH
(1714-1788)
Rêveries pour connaisseurs et
amateurs
Cantabile (Sonate für
Kenner und Liebhaber“ n°3 Wq 55, Leipzig 1779)
Rondo n°1 Wq 58 (Sonaten für Kenner und Liebhaber, Leipzig 1783)
Fantaisie in F-Dur Wq 59 (Sonaten für Kenner und Liebhaber, Leipzig 1785)
Fantaisie in B-Dur Wq 61 (Sonaten für Kenner und Liebhaber, Leipzig 1787)
Sonate in a-moll Wq 65/33 (Berlin 1759)
Rondo n°1 in C-Dur Wq 56 (Sonaten für Kenner und Liebhaber, Leipzig 1780)
Freie Fantasie in fis-moll Wq 67 (Hamburg 1787)
Abschied vom Silbermannschen Klavier Wq 66 (Hamburg 1781)
Jocelyne
Cuiller (clavicorde)
56'11, Fuga Libera 536, enr. 2007

L'un des rares disques consacrés au
clavicorde
Sous ce titre emprunté partie à
Jean-Jacques Rousseau (Rêveries du promeneur solitaire), partie à
Carl Philipp Emanuel Bach (Sonates pour connaisseurs et amateurs) se
dissimule l’un des rares disques consacrés au clavicorde qui existent – et
sans doute l’un des plus passionnés. Une telle pénurie n’est pas étonnante :
nous sommes en présence d’un instrument au son plutôt faible, entre le
clavecin et la guitare mais qui tient en réalité plutôt du piano, au répertoire déterminé de manière presque
entièrement subjective par les interprètes, mais aux possibilités
expressives indéniables. Cet instrument, Jocelyne Cuiller le défend
de la plus belle manière, en le laissant parler, en faisant entendre ses
piano et ses forte, son doux vibrato, mais aussi tout simplement
en le faisant sonner et chanter d’une manière étonnante. Et si l’on est
d’abord surpris par cette sonorité hybride, un rien "artisanale" avec ses
aigus bringuebalants, on est vite séduit. D’autant qu’une fois rentré dans
cet univers sonore, on peut apprécier la douceur des mouvements lents (dès
le début, avec le cantabile de la Sonate für Kenner und Liebhaber
n°3), tout comme l’emportement des arpèges ou des accords presque
plaqués (dans les fantaisies). Il y a du Sturm und Drang - oui,
assurément - mais il y a indéniablement autre chose : un sentiment
d’apaisement, de calme infini et de franchise. Avec un son si intimiste, le clavicorde
est finalement un instrument proche du silence.
Le goût de C. P. E. Bach pour cet
instrument - on sait qu'il l'adorait - apparaît à l’écoute comme une
évidence. Il faut pouvoir apprécier cette musique d’exception, parfois un
peu répétitive, mais si sincère, en s’isolant presque totalement du monde
pour l’heure que dure le disque. Les premières mesures sont une invitation à
ce cours ermitage, on y est happé jusqu’à la dernière mesure sans voir le
temps passer ou plutôt en le sentant doucement s'écouler, mais avec plaisir,
comme si l'écoulement du temps était finalement une excellente chose.
On comprend dès lors le rapprochement
avec les textes de Jean-Jacques [Rousseau] qui sont reproduits dans le
livret, souvenir d’un spectacle avec Philippe Lenaël. Ce disque est ainsi
lui aussi, à sa façon, un autre monde ; non pas un monde de voyages et de
découvertes, mais plutôt un monde d'une proximité sans surprise, sans rien
d’autre que quelques pages de littérature et quelques cordes doucement
frappées. Non pas un monde idéal, mais un monde où on ne cherche qu’à
prendre le temps d'écouter. Et c’est si rare !
Technique
: bon
enregistrement. Pas de remarques particulières.
Interview :
"En fait le
clavicorde n'a rien à voir avec le clavecin", entretien avec
Jocelyne Cuiller autour du clavicorde et de C.P.E. Bach