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20 janvier 2014

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LE PANIER DE LA MUSE
où le lecteur avide & curieux
trouvera d'autres brèves
sur les parutions reçues
Janvier - Juin 2011
(actualisation continue)

©
Musée des Azulejos de Lisbonne / Muse Baroque, 2010
Le succès de notre
Muse - et de la foule amicale de nos lecteurs qui investit ces pages afin de
nourrir la bête immonde du Lekteur CD / DVD, monstre vorace protégé de sa
cuirasse qui trône dans leurs salons et dont la boulimie n'a d'égale que
l'attachante tendresse - le succès de notre Muse - et nous en aussi flattés
qu'abattus devant la lourde responsabilité de contenter une assemblée aussi
exigeante et fidèle - le succès de notre Muse (disions-nous, avant que nos
incises mégalomanes ne nous éloignent du sujet) nous permet d'être les
destinataires d'un nombre non négligeable de mystérieux colis.
Si l'on excepte les
caisses de champagnes (vite traitées), et les enveloppes kraft emplies de
billets aux numéros de série discontinus (qui garantissent notre impartialité),
devant le nombre croissant des parutions que nous recevons, et des disques
dignes d'intérêt que nous regrettons vivement parfois de ne pouvoir chroniquer
en détail, devant l'amertume du Triangle des Bermudes des galettes argentées qui
croupissent en dépit de leurs attraits et qualité, des lecteurs frustrés, des
artistes méconnus, des attachés de presse impatients, nous avons décidé d'ouvrir
à tous le Panier de la Muse : une collection de brèves signalant certains
enregistrements récents, qui, quoique décrits d'une plume moins volubile mais
non moins éloquente, n'en méritent pas moins vos
détours de mélomanes...
M.B. 
Un disque qui
Fash

Derrière ce titre teuton que l'on pourrait volontairement mal traduire
par "Joyeuse musique des champs" et qui est celui que Krieger donna en 1704 à un
recueil de pièces pour bandes de hautbois se cache une réalisation louable de
Benoît Laurent et de son ensemble Lingua Franca, visant à explorer le
répertoire de musique de divertissement de plein-air allemande influencée par la
mode versaillaise. On trouva ainsi aux côtés d'une Partita de Telemann des
œuvres rares de Johann Fisher ou de Johann Michael Müller. Pourtant, la lecture,
ciselée et élégante, pêche par une sage bonhomie, un équilibre serein, des
hautbois et bassons justes mais insuffisamment colorés, reléguant ce répertoire
à ce qu'il est : à savoir une musique aristocratique d'occasion, à laquelle il
manque un soupçon de profondeur (mais la faute aux compositeurs et au genre ?),
et d'enthousiasme pêchu.
Nul
n'est inchaillyble

Dernier volume de la trilogie bacchienne de Riccardo Chailly,
après une Saint-Matthieu
dramatique mais expéditive et des Brandebourgeois plombés par leurs
instruments modernes, cet Oratorio de Noël, fortement apprécié par nos
confrères d'Outre-Manche, se distingue des deux autres incursions du chef par sa
démarche plus aboutie et plus cohérente. Toutefois, les baroqueux que nous
sommes demeurons hélas perplexe face à une vision légère et presque extérieure,
d'une exubérance certes festive mais où les écarts stylistiques abondent et
finissent par distraire ou agacer l'auditeur (tempi rapides, battue uniforme,
chant pré-vériste, Gewandhausorchester pateux). Pourtant, l'ensemble se
révèle souple quoique monochrome, et les solistes, notamment Carolyn Sampson,
ne déméritent pas au sein d'une vision spectaculaire, mais dont les ressorts
sont - comme on pouvait le craindre - extrêmement éloignés de nos attentes
et du travail de recherche musicologique et d'interprétation historiquement
informée de ces 40 dernières années.
Ferveur...

Le
contre-ténor Axel Potter se lance avec l'Ensemble Chelycus dans ce
programme dédié à des motets de Rosenmüller, entrecoupés de sonates
instrumentales. A la facture soignée du digipack répond un égal souci de
qualité, et de découverte d'œuvres datant notamment de la période vénitienne du
compositeur, assez peu exploitée. On goûte l'opulence des sonorités, notamment
le moelleux des trombones et dulcians, les larges cordes, la précision inspirée
d'Axel Potter. Les motets sont stylistiquement très variés, d'un O Salvator
dilectissime résolument tourné vers la péninsule, très dramatique avec de
nombreux passages instrumentaux. Le Christum ducem te per crucem,
construit sur une basse de chaconne surprend par sa vitalité et son énergie, sa
virtuosité théâtrale presque relâchée, son dulcian égrillard... pour chanter le
martyre du Christ ! A l'inverse, le O dives omnium bonarum, mise en
musique de la méditation de Saint-Augustin, d'une profonde religiosité rehaussée
par la gravité des timbres et l'écriture polyphonique instrumentale se révèle
passionnant. On regrettera simplement parfois un peu trop de sécheresse (In
te Domine Speravi), et des sonates élégamment troussées et parfaitement
rendues, mais dont la virtuosité lumineuse trouble la cohérence programmatique
du disque.
Orient lointain

L’ensemble
Beatus a choisi pour ce nouvel enregistrement un titre
que les frimas persistants de l’hiver européen rendent bien attrayant. L’on
s’imagine face à l’immensité du désert, entendant résonner au loin la voix
puissante d’un muezzin, et savourant la chaleur et la suavité exhalées par les
terres orientales. Mais les premières minutes du disque laisse place à une sorte
de désenchantement. Est-ce dû à la prise de son trop proche qui isole les deux
musiciens, à la monotonie qui s’installe par manque de diversité de mode de jeu,
au soin presque (trop) systématique porté à la prononciation ? Autant de petits
détails qui font que, malgré l’engagement réel des interprètes et leurs qualités
techniques, les chants de Guillaume IX, de Peire Vidal et de quelques autres
sonnent comme dans le vide, et le voile de mystère dont les Maures se couvrent
le visage leur fait défaut. Jean-Paul Rigaud et Jasser Haj Youssef
nous parlent pourtant de voyage, d’amour courtois, d’espérance ; la beauté des
poèmes choisis est admirable et suggère différents états d’âme, propices à la
rêverie et à l’errance de l’esprit. L’on regrette alors que la sensibilité
extrême des mots ne soit restituée que de manière édulcorée ; l’interprétation
est certes précise et soignée, mais on l’aurait souhaitée plus passionnée.
21, voilà le CPE !

Que voilà une courageuse initiative de l'éditeur BIS qui en est à son
infatigable 21ème volume sur 31 de prévus (et même 22ème car les parutions
s'enchaînent plus vite que nos traits de plume) de l'œuvre pour clavier seul de
Carl Philipp Emanuel Bach avec le non moins infatigable Miklòs
Spányi qui du clavecin au pianoforte, en passant
par le clavicorde, semble bien décidé à héroïquement extraire la substantifique
moelle du compositeur. Après un volume 20 très admiré par nos confrères, cet
opus-ci continue de se consacrer à des sonates, ici un Recueil de Six Sonates
pour le clavier avec reprises variées (les ornements des reprises sont
entièrement écrits par le compositeur) dédiée à la sœur de Frédéric II la
Princesse Anna Amalia de Prusse, élève du strict Kirnberger et sans doute assez
virtuose au vu de la difficulté technique des morceaux.
On admire la simplicité sensible de Spányi,
le timbre sonore et rebondi de l'intime clavicorde, l'ambiance de conversation
feutrée entre confidents au bord d'un sofa. L'Allegro aimable de la Wq50/1, puis
son Vivace plus vif que déchaîné, plus gracieux que virtuose est à l'image d'une
lecture assurée et nonchalante, d'une aisance fluide et lumineuse. De ce monde
de taffetas moiré se distingue l'Allegro assai de la Wq50/2 plus "scarlattien"
et énergique, et la noblesse dansante et très mélodique du Presto de la Wq50/3.
A suivre, pour les amateurs.
"L'éducation peut tout : elle fait danser les ours."
(Leibniz)

Roi des animaux au début du Moyen-Age, héros tout droit sorti des limbes
germaniques, l'ours est le symbole de lubricité, gloutonnerie et colère.
Pourtant, sous la baguette de Guy van Waas, c'est plutôt l'animal pataud
accompagnant les foires, enchaîné et muselé qui transparaît à l'écoute d'une
symphonie haydnienne "L'Ours" Hob.I:823 aux Eléments à la texture
épaisse. Les attaques assurées et fermes, les articulations carrées refusent
tout gracieux avilissement, se concentrant sur des effets de masse tonitruants
dans le Vivace initial ou Final et dans le Menuet. Seul l'Allegretto offre un
bienvenu moment de douceur tendre nimbé de l'immédiateté charmeuse d'une mélodie
presque populaire. Même constat pour la Symphonie en ré majeur Hob.I:86 trop
démonstrative et qui perd en nuances. On soufflera plus du côté du Concerto en
do majeur pour hautbois et orchestre de Ludwig-Auguste Lebrun, quoique
là-encore, les tournures presque martiales de l'Allegro ne laissent pas
s'épanouir le discours, et que le joli Rondeau, en dépit de l'excellent hautbois
solo, pâtit d'un orchestre trop pesant et vertical.
"O Dio mio! La chiesa in mani dei catalani"

Sous le titre d'"In mani dei catalani", clin-d'oeil aux remarques
assassines des Italiens à l'élection du Pape Calixte III, se cache un petit
trésor regroupant une sélection d'œuvres des XIVème et XVème siècles, adaptées
en version instrumentale, comme les pratiques du temps le permettaient. On reste
admiratif devant le kaléidoscope de timbres, la puissance évocatrice des cuivres
(superbes sacqueboutes), le sens du discours de La Caravaggia et de son
directeur Lluis Coll i Trulls. Chaque pièce sait préserver son caractère
propre, établir un climat, provoquer un affect chez l'auditeur, des rythmes
belliqueux et répétitifs du "Gentil Caballero" anonyme, à une altière "Morra"
d'Isaac en passant par la douceur de la flûte de "Soleta sò ya açí"... et nous
n'en sommes qu'au début du programme, constitué de morceaux très courts, de 3
minutes maximum. La prise de son est exemplaire, ample et chaleureuse, le voyage
sinueux et tendre, d'une générosité à fleur de peau, d'une poésie fantasque.
Nous avouons avoir longtemps laissé traîné sur notre étagère ce disque pourtant
si méritoire. Que Sa Sainteté le Pape Calixte nous pardonne, tandis que nous
ferons pénitence en en vantant les mérites et en l'écoutant en boucle...
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