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Chronique Concert

Vivaldi, Récital Vivica Genaux

Europa Galante, dir. Fabio Biondi

 

 

Vivica Genaux © Harry Heleotis

 

 

Antonio Vivaldi

La Verità in Cimento, ouverture
"Quell"usignuolo" (Farnace)
"Sin nel placido soggiorno" (La fede tradita)
Concerto pour deux violons et violoncelle en ré mineur op. 3 n° 11 RV 565
"Alma oppressa" (La Fida ninfa)
"Splender frà'l cieco orror" (Tito Manlio)
Concerto pour deux violons en la mineur op. 3 n° 8 RV 522
"E prigionerio e rè" (Semiramide)
"Come in vano il mare irato" (Catone in Utica)
Ercole sul Termodonte, sinfonia d’ouverture
"Agitata da due venti" (Adelaide)

Vivica Genaux (mezzo-soprano)

Europa Galante
Direction Fabio Biondi

14 décembre 2009, Théâtre des Champs-Elysées, Paris, dans le cadre du cycle Les Grandes Voix

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Catch me if you can !

Après l’excellent récital Pyrotechnics (Virgin Classics), d’une ébouriffante virtuosité, nous étions impatients de retrouver la mezzo en chair et en os pour un récital vivaldien dont le programme n’était d’ailleurs pas exactement identique à celui enregistré.

Passée l’ouverture de La Verita in Cimento, encore un peu raide, Europa Galante fait montre de son style expressif et bondissant, de cette poésie élégiaque des deux violons solistes de Fabio Biondi et Andrea Rognoni, solaires et étonnamment assurés, même dans leurs duels acharnés. L'orchestre joue en grande majorité debout, dirigé depuis le violon de Biondi, épine dorsale flexible et sans cesse mouvante. Le continuo est ferme et dynamique, structurant la ligne (en bons baroqueux maniaques, on déplorera un violoncelle muni d’une pique), le noyau de corde, particulièrement précis et énergique, ce qui n’étonnera guère les habitués de l’ensemble. Ainsi, les 2 concertos extraits de l’Estro Armonico sont interprétés avec une fougue ravageuse et d’un enthousiasme contagieux, avec des moments de suspension oniriques conférant aux adagios un caractère rêveur et aérien. On distingue ainsi particulièrement le premier Allegro, d'une pâte puissante et sombre du n°11 en ré mineur, puis son Largo, à la texture dense et moussue, et où la mélodie se fait tendresse. De même, l'Allegro final du n°8 en la mineur laisse libre court à une radicalité assumée, et à un discours étincelant et fier.

Mais nous étions impatients devant les archets italiens de retrouver Vivica Genaux, et de goûter sa Pyrotechnie si séduisante au disque. Et si, pour briser le suspens, nous avouerons dès à présent que l'artiste révélé une incroyable présence et virtuosité à compter du "Come in vano", il faut aussi rapidement conter un début de concert relativement décevant, où la chanteuse s'est peut-être ressourcée pour accomplir ses éprouvantes acrobaties finales.

L'affaire débute par le "Quell'usignolo" de la Gilade de Farnace, plainte amoureuse où le capitaine de Bérénice compare la cruauté de son destin à celle du rossignol amoureux. Vivica Genaux y dévoile un timbre coloré, et une belle inventivité dans les ornements et les passages imitant le chant des oiseaux, mais l'interprétation demeure très retenue, l'émission moyenne, souvent recouverte par l'orchestre. Le "Sin nel placido soggiorno" - où Vivaldi s'abandonne à une très intéressante fusion de timbres avec hautbois, flûte et vrombissant violoncelle" - s'avère plus fluide et naturel, avec là-encore une extrême agilité dans le da capo. On demeure toutefois un peu sur sa faim, du fait d'un chant dramatiquement peu investi, trop "papier glacé", et qui se traduit même dans ses postures physiques pratiquement immobiles.

Cette sagesse excessive se dissipera doucement avec un "Alma oppressa" plus engagé, à l'intensité émotionnelle forte, en dépit d'articulations encore trop discrètes. Et puis voici bientôt un "E prigionero e re" nuancé et touchant, première étincelle d'émotion de la soirée qui s'enchaîne soudainement sur un "come in vano il mare irato" inattendu par sa violence directe, où la mezzo se jette totalement à l'eau, bouscule l'auditeur de ces rivages frappés par la mer déchaînée. La mélodie franche et un peu haendélienne, la virtuosité assumée et discontinue, les acrobaties permanentes sur plus de deux octaves sans aucun répit laissent pantois, assommé par le choc. Cela monte, cela descend, amoncelant les doubles-croches encore et encore, dans une prestation aussi spectaculaire que vivante. Et l'on retrouve la Vivica Genaux que l'on attendait, celle d'un chant excitant, musclé, d'une redoutable technicité, d'une vivacité affolante. L'orchestre de Biondi jubile et donne la réplique avec toute la vitesse qu'on lui connaît. Ce n'est plus un air, mais le grand prix de Monaco, course abyssale et dangereuse d'une musicalité étonnamment vibrante, loin des préjugés d'un Vivaldi brillant et superficiel qui ont encore la vie dure.

Le reste du concert fut un jardin des délices avec une "Agitata a due venti" tout aussi saisissante, qui laisse le mélomane presque aussi exsangue que la chanteuse face à une ligne cassée et des notes assénées en cascade. Et la salle en délire, applaudissant à tout rompre, refusant de croire ce qu'elle a entendue, bénéficiera encore du moment de grâce d'un "mio cor" d'Athénaïde, très doux avec ses pizzicati, et l'air d'Irene de Broschi tiré du Bajazet prolongeant encore un peu ce récital impressionnant et habité.

Ajoutons enfin que le programme, agréablement rédigé, comprenait une analyse de chaque air, le texte chanté et sa traduction, ce qui fut très apprécié des - très heureux - spectateurs.

Viet-Linh Nguyen

Théâtre des Champs Elysées : www.theatrechampselysees.fr

Les Grandes Voix : www.lesgrandesvoix.fr

Antonio Vivaldi, "Pyrotechnics", Vivica Genaux, Europa Galante, dir. Fabio Biondi (Virgin, 2009) 

 

 

 

Affichage recommandé : 1280 x 800

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