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Chronique Concert

Vivaldi & Haendel virtuoses, Sandrine Piau, Ensemble Matheus, dir. Jean-Christophe Spinosi

Sandrine Piau et Jean-Christophe Spinosi dans la Galerie des Glaces

© Château de Versailles spectacles

 
Antonio VIVALDI
La Fida Ninfa : "Dolce fiamma de mio petto", "Dite ohime", "Alma oppressa"
Concerto pour violoncelle en si mineur
Concerto pour hautbois en ré mineur RV 454
 
Georg Friederic HAENDEL
Alcina : "Credete al mio dolore", "Tornami a vaggheggiar", "Mi restano la lagrime"
 
Nicolo PORPORA
Concerto pour violoncelle en sol majeur
 

Sandrine Piau, soprano

Jérôme Pernoo, violoncelle

Magdalena Karolak, hautbois solo

 

Ensemble Matheus

Direction Jean-Christophe Spinosi

6 Février 2009, Galerie des Glaces du Château de Versailles.

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"Quatre colonnes placées au-dedans de la galerie devant un pareil nombre de pilastres embellissent ses entrées, et sont accompagnées dans les mêmes faces de huit autres pilastres séparés par des piédestaux où l’on a élevé quatre statues antiques de marbre blanc. Le Bacchus du Louvre et la Vénus envoyée de la ville d’Arles sont vers le septentrion proche le salon de la Guerre. Et au bout opposé proche le salon de la Paix, il y a des figures de femmes couvertes de vêtements ; l’une est couronnée d’étoiles, et l’autre auprès de laquelle est un autel allumé représente une vestale.


À l’égard des deux grandes faces de la même galerie, quarante-huit pilastres semblables aux précédents, c’est-à-dire tous de marbre, enrichis de bases et de chapiteaux de bronze doré, sont disposés avec beaucoup de symétrie, dans les intervalles de trente-quatre arcades d’égale grandeur qui se répondent les unes aux autres. Les arcades du côté de l’occident sont autant d’ouvertures de fenêtres. Et toutes les arcades opposées sont remplies de glaces de miroir, qui font paraître la galerie double et comme percée de toutes parts. À chaque côté de la galerie, l’arcade la plus proche de chacune des extrémités est séparée des autres par un intervalle, où sur un escabellon de marbre dressé entre deux pilastres on voit un buste antique dont la tête est de porphyre et le reste d’agate. De pareils intervalles se trouvent ainsi ornés au-delà de trois des arcades suivantes ; et deux intervalles plus larges qui divisent les neuf arcades du milieu de chaque face de la galerie, ont dans de grandes niches des statues antiques de marbre blanc des plus estimées ; l’une qu’on appelle la Diane d’Éphèse est placée à l’orient avec une autre statue antique de femme très bien conservée, apportée de Tripoli il y a peu d’années, et qui représente la pudicité. L’on voit vis-à-vis à l’occident la statue qu’on nomme le Germanicus, et une Vénus qu’on peut comparer à la Vénus de Médicis.


Seize grands guéridons servent à porter des girandoles de cristal de roche aux côtés de ces statues et des quatre autres qu’on a remarquées aux deux bouts de la galerie. Il y a douze tables d’agate et d’albâtre portées par des pieds dorés et enrichis de sculpture au-devant des niches et des huit autres intervalles des grandes faces."

 

Félibien, Description sommaire de Versailles ancienne et nouvelle, Paris, 1703

Même dépouillée de son mythique mobilier d’argent jadis envoyé à la fonte pour couvrir les besoins de Mars, la Grande Galerie de Versailles a fière allure lorsqu’on la découvre, après avoir lentement traversé la débauche de marbres polychromes des Grands Appartements soudain moins emplis que dans la journée, illuminée de ses 3 rangées de lustres, et ses girandoles supportées par les torchères de bois doré. On se rend compte alors de la profusion de couleurs et de matières, encore amplifiée par l'exemplaire restauration dont ce lieu magique a bénéficié et que la musique magnifie.

Dès le premier air "Dolce fiamma" extrait de la Fida Ninfa, le récital démarre en trombe. Sandrine Piau révèle avec espièglerie de beaux sons tenus et une projection ample, des articulations racées, des vocalises souples et d'une aisance décomplexée. L'Ensemble Matheus offre un écrin enthousiaste et dynamique à cette voix de tragédienne qui sait insérer de superbes trilles et des da capos ornementés avec inventivité. L'approche interprétative orchestrale est plus franche et directe qu'au disque (Naïve), Jean-Christophe Spinosi ayant adouci son penchant pour les contrastes extrêmes au profit d'un noyau de cordes précis et bondissant et de rythmes bien marqués. Le "Dite Ohime" balaie d'un revers de gorge le climat extraverti et spectaculaire de l'air précédent pour un instant languissant et attristé, nimbé d'un luth d'une poésie évanescente, l' "Alma opressa" impérial dans sa peinture d'une âme tourmentée où Piau excelle à camper en quelques notes un profil psychologique poignant.

Le Concerto pour violoncelle en si mineur rappelle que la virtuosité instrumentale vivaldienne est tout aussi démonstrative. Jérôme Pernoo en livre une vision extrêmement vive et habitée, très personnelle pour un morceau aussi rebattu, déchirant avec une rage conquérante les deux Allegros de son archet ébouriffant de ductilité. Le Concerto en sol majeur de Porpora, d'une écriture plus préclassicisante mais tout aussi techniquement redoutable s'avère d'une italianité lumineuse, et le soliste poussera ses harmoniques jusqu'aux extrêmes retranchements du possible dans une profusion d'ornements jetés à une telle allure que l'Ensemble Matheus s'en trouve parfois comme abasourdi et admiratif. Pour clore ce paragraphe instrumental, on sera en revanche moins emporté par le Concerto pour hautbois RV 454 de Vivaldi, en raison du jeu certes juste et gracieux de Magdalena Karolak mais trop timide et réservé, qui rend l'imagination mélodique vivaldienne relativement décorative, loin de l'investissement théâtral et abrupt de son collègue violoncelliste.

Passant allégrement de la lagune à la Tamise, Spinosi et Piau ont également sélectionné trois airs d'Alcina, qu'on ne vantera plus. Le "Credete al mio dolore" dénote une tension dramatique intense, proche du point de rupture, la voix se faisant parfois filet fragile et misérable, reflétant parfaitement le texte. Le "Tornami a vaggheggiar", enlevé et joueur en dépit d'un hautbois toujours un peu lisse, s'avère tout à fait jubilatoire dans son da capo surorné à l'image des stucs de la Galerie et d'une rafraichissante spontanéité. Enfin, le concert se conclut - officiellement s'entend - par le "Mi restano le lagrime" aux aigus glacés, d'une solitude désolée, chant désespéré d'une noirceur dépressive qui hantera tant le public qu'une à deux secondes s'écouleront avant que les miroirs aux mercures ne reflètent les salves nourries d'applaudissements finals, puis les bis tout aussi réussis d'un attendu "Lascia ch'io pianga" et d'un autre air de la Fida Ninfa "Della gioia et dall' Amore". On résumera ce concert en un mot facile : royal.

Viet-Linh Nguyen

 

Saison Musicale 2010 du Château de Versailles (Versailles, Février - Juin 2010)

 

Le site officiel des spectacles du Château de Versailles : www.chateauversailles-spectacles.fr

 

 

 

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