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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert "Venezia, dalle strade ai Palazzi", Le Poème Harmonique, dir. Vincent Dumestre
Vincent Dumestre - D.R.
"Venezia, dalle strade ai Palazzi"
Claudio Monteverdi Dormo ancora (extrait de Il Ritorno d’Ulisse in Patria) Lamento de la Ninfa
Francesco Manelli La Barchetta passagera Canzonetta : Sguardo lusinghiero Jacarà : Aria alla napolitana Ciaccona : Acceso mio core
Biaggio Marini Sonata terza
Benedetto Ferrari Chi non sà come Amor Son ruinato appassionato
Claire Lefilliâtre : dessus Serge Goubioud : ténor Jan Van Elsacker : ténor Arnaud Marzorati : basse
Mise en geste : Benjamin Lazar
Le Poème Harmonique Vincent Dumestre, direction
18 novembre, Théâtre du Beauvaisis, Beauvais "Je ne sais si je veille, où si je rêve encore" "Venezia, dalle strade ai Palazzi" (Venise, des rues aux palais), est une invitation que nous adresse Vincent Dumestre et le Poème Harmonique à les suivre à bord d’une barque dont ils sont les passeurs. Cette barque nous conduit vers l’illusion théâtrale et l’on ne sait si elle nous guide ou va nous perdre. Tout à son bord n’est qu’apparences. Nous y devenons les passagers d’un instant d’éternité dont on aimerait tant qu’il nous emprisonne dans cet étrange tableau aux clairs-obscurs, aux doux reflets d’ors qui émanent de la flamme des bougies qui éclairent la scène. Les spectateurs se sont pressés nombreux en ce soir du 18 novembre au Théâtre du Beauvaisis. Il faut souligner d’emblée le mérite de ce théâtre et de cette municipalité qui proposent à leur public une programmation d’une belle richesse alliant variété et découverte, du baroque au contemporain. Et ce public dont on nous dit qu’il pourrait craindre le baroque a été envouté. Il s’est laissé glisser, emporter par le mouvement d’une onde musicale où s’entremêlent musique savante et populaire, provenant non seulement des ruelles et palais de la Sérénissime, mais également de Rome, de Naples et de l’Espagne. Ce programme évoque tous ces carnavals, où à la vie, à la mort, se jouent les passions, ces amours impossibles, perdus, abandonnés. Ils sont l’opéra en train de naître. Car Venezia nous laisse entrevoir ces origines de l’opéra. Rassemblant en quelques airs, canzonette, chaconne et sarabande, tout ce qui va s’unir pour créer cet art total. De la rue, de la commedia del’Arte, la verve, la joie, la dérision simple, le bonheur malgré tout et contre tout. Des palais, la tragédie, la pastorale. A moins que ce ne soit le contraire. Tout n’y que jeu et miroir. Monteverdi, le plus noble y côtoie et est influencé par ces compositeurs de l’ombre Manelli et Benetto Ferrari, dont l’histoire est aussi sujette à caution, que les noms d’autres compositeurs qui ne nous sont pas parvenu comme pour la Villanel ch’all acqua Vai Venezia est un tableau qui s’anime, une scène de théâtre montée sur des tréteaux dans la rue ou dans un palais. De sa nuit surgissent les 4 chanteurs qui en solo, duo, trio ou quatuor, vont avec les musiciens du Poème Harmonique et avec le public partager joie et souffrance, passion et jalousie, gourmandise et vantardise, comme autant de plaisir ineffable, unique, éternel. Jan van Elsacker à la prestance aristocratique, nous invite à le suivre dans le songe monteverdien, dont il est le ténor idéal dans Dorma ancora qui ouvre le programme. Son timbre élégant, son phrasé si noble y exprime les ombres qui surgissent du sommeil, du songe amoureux. Devons-nous le suivre ? Il ne peut rien nous promettre car la barque où ses compagnons le rejoignent, La Barchetta passagiera semble bien incertaine, dans son ivresse gourmande. A son bord Arnaud Marzorati, Serge Goubioud et Claire Lefilliâtre donnent à ces langues si charabiesques d’une Italie multiple toutes ses couleurs et leur richesse. Chanteurs mais aussi comédiens, ils caractérisent chacun de leurs personnages avec justesse. La basse fluide d’Arnaud Marzorati et sa joie de vivre sur scène est communicative, et fait rire ses compagnons. Serge Goubioud, ténor au timbre séducteur est chanteur de rue, chanteur de charme. Mais qui mieux que Claire Lefilliâtre peut donner toute la force de la tragédie et de la flamme que déchirent les dissonances de l’amour dans Son ruinato, appasionato. Dans une robe rouge sang, elle semble se consumer sur scène. Son timbre chaud, se brise en éclat de glace dans cette souffrance infinie d’aimer. Dans le Lamento de la Ninfa elle nous éblouie. Son interprétation est tout en sensibilité, en douleur intériorisée, en murmure qui s’écoule, en sensualité douce amer. La mise en geste de Benjamin Lazar, permet au public de mieux percevoir la force de ce qui se joue devant lui. Belle, harmonieuse, sa rhétorique souligne, accompagne la parole et donne sens. Et les quatre chanteurs se l’approprient avec plaisir. La direction de Vincent Dumestre souligne la somptuosité et la diversité de ces œuvres. Sa direction est nuance et écoute. Chaque note qui émane du Poème Harmonique, semble surprendre chacun de ses membres. Chaque échange de regards, de sourires dit le bonheur de laisser surgir ombres et lumières de ces musiques. Un tout jeune violoniste, Johannes Frish accompagne les plaintes, les aident à s’élever toujours plus haut, phrasant, dialoguant avec les chanteurs. Jean-Luc Tamby au colascione, instrument du carnaval rythme l’ivresse dans la Barchetta. Tandis que les percussions de Joël Grare, viennent souligner la violence de la mort qui s’amuse et s’incarne dans l’amour. Françoise Enock et Lucas Peres au violone et au Lirone offrent une profondeur sombre d’une beauté confondante au continuo. Leur complicité est fusionnelle. Vincent Dumestre est aussi un guitariste virtuose alchimiste des notes. Dans la chaconne finale, Acceso moi core, il fait de chacune d’elles, des grains de sable, sable qui s’écoule entre ses doigts et nous emporte dans le mouvement du temps dont on souhaiterait que jamais il ne s’arrête tant il nous libère de la souffrance.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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