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Chronique Concert

Haendel, Theodora

Gabrieli Consort & Players,

Paul McCreesh

 

 

Paul McCreesh - D.R.

Georg Frederic Haendel

Theodora HWV 68

 

Renata Pokupic : Theodora

Anna Stephany : Irene

John Mark Ainsley : Septimius

Iestyn Davies : Didymus

Simon Kirkbride : Valens

 Richard Rowntree : un Messager

Gabrieli Consort & Players : orchestre & chœur

 

Paul McCreesh : direction

 

5 octobre 2009, Salle Pleyel, Paris

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Theodora : une œuvre toujours incomprise ?

Si l’auditoire de la salle Pleyel était loin d’être clairsemé en ce lundi 5 octobre au début du concert, force est de constater qu’il commençait à l’être, après l’entracte, lors de la seconde partie… De là à penser que l’histoire se répète, il n’y a qu’un pas : l’oratorio Theodora de Haendel ne fut donné qu’à trois reprises à sa création en 1750 en raison du faible succès qu’il rencontra. Pourtant, beaucoup d’ingrédients étaient réunis lors de cette soirée pour apprécier le trop rare et sous-estimé oratorio de Haendel : le Gabrieli Consort and Players dirigés par Paul McCreesh.  

Theodora c’est, à l’inverse de la majorité des œuvres de Haendel, une histoire simple. L'oratorio repose sur un drame sentimental qui se déroule à l’ère chrétienne. Au IVe siècle à Antioche, sous l’occupation romaine, le président et gouverneur Valens décrète que tous les citoyens devront offrir un sacrifice aux déesses Venus et Flora, sous peine d’un châtiment sévère. L’officier Septimius doit veiller que tout le monde obéit, mais Didymus son ami secrètement converti au christianisme, demande qu’on épargne les citoyens dont la conscience religieuse leur interdit ce sacrifice. Dès lors la suite est annoncée : Theodora, jeune chrétienne de la noblesse d’Antioche défie Septimius qui la fait prisonnière pour être prostituée. Didymus réussit à la rencontrer grâce à Septimius, auquel il a avoué qu’il était chrétien et qu’il aimait Theodora. Didymus organise la fuite de Theodora et prend sa place en prison. Il est alors condamné à mort pour ce qu’il a fait et Theodora réapparaît pour tenter de le sauver. Mais Valens condamne les deux chrétiens à mort. C'est une distribution très honnête mais parfois peu dramatique qui a été rassemblée pour cette représentation des deux martyrs.

Simon Kirkbride nous a gratifié d’un Valens noble par la beauté du timbre, étonnamment plutôt bonhomme, à l'émission inégale. Cela rend son personnage crédible dans les airs d'apparat où le gouverneur est en représentation, notamment dans le "Go, faithful soldier, go" après avoir annoncé à la foule l’obligation de participer aux rites sacrés. On regrette toutefois que les menaces "Racks, gibbets, sword, and fire" dirigées contre les chrétiens désobéissants n’aient pas trouvé leur écho dans un chant furieux, alors même que l’orchestre était déchaîné.   

Dans le rôle de Septimius, le ténor John Mark Ainsley a globalement fait montre de sobriété et de clarté, ce qui reflète bien la droiture de l’officier romain auquel on s’attend au début. Le ténor fait preuve d'agilité et de souplesse stylistique face aux nombreuses embûches semées par le compositeur. En effet, à la fois capable de vocalises sûres dans "Dread the fruits of christian folly", ainsi que d’une certaine expressivité dans "Yet nor Venus, nor Flora delight in the woe", Ainsley saura avec élégance et musicalité évoluer avec son personnage, tiraillé entre l’obéissance au pouvoir et son amitié pour Didymus.

Côté féminin, Renata Pokupic nous a hélas peu convaincu dans le rôle titre de Theodora. Apparemment handicapée par un manque de tenue, elle semble par moments remplacer l’abnégation et la pureté de la vierge par une sorte de plainte lascive voire débridée ! L'interprétation est inégale, plus ou moins inspirée : alors que la mezzo délivre l’air magnifique "With darkness deep as is my woe" avec ampleur et retenue (rappelons qu’elle est condamnée à la prostitution), elle ne parvient pas à maintenir une ligne homogène dans "O that I on wings cou’d rise", la blanche colombe a le tournis… On retrouvera cette caractéristique, malheureusement, dans le duo avec Didymus "To thee, thou glorious son of worth", qui la desservit d’autant plus que le contre-ténor était parfait. 

Pour camper Irene, l’acolyte de Theodora, la mezzo-soprano Anna Stephany a mis tous les atouts dans son jeu. En effet, malgré une certaine discrétion dans l’émission, un manque d’aisance surtout au début ("Bane of virtue, nurse of passions"), cette chanteuse nous a offert globalement de belles qualités vocales et une interprétation expressive. A l’aide d’un beau timbre, d’abord sombre dans "As with rosy steps the morn advancing", puis cuivré dans "Defend her, heav’n", elle a mis en avant tout au long du concert une tenue efficace et un respect nuancé du texte.

Enfin, cette soirée restera marquée cependant par un éblouissant contre-ténor en la personne de Iestyn Davies. "Il a tout pour plaire" pourrait-on dire devant un timbre homogène, rond et sans agressivité, une souplesse à toute épreuve dans l’articulation et les vocalises, une belle tenue, ainsi qu’un sens théâtral aigu dans sa manière d’accentuer le texte. Didymus sera tour à tour menaçant, généreux, gracieux… Impossible de citer un passage en particulier, tant l'artiste a su tout éclairer – y compris le plus petit récitatif - d’une lumière chaude et sereine, et ainsi nous guider vers la beauté de son sacrifice pour l’amour de Theodora.

Les autres points forts ont été indéniablement l’orchestre et le chœur, le tout sous la baguette captivante de Paul McCreesh. Le premier a servi la partition avec à la fois une grâce subtile (beau tissu orchestral dans "As with rosy steps the morn advancing", touches impressionnistes des violons dans "Defend her, heav’n", couleurs somptueuses dans "New scenes of joy come crowding on") et une énergie contenue (au début de la seconde partie), et ce, tout en mettant en valeur les chanteurs (un vrai dialogue avec Didymus dans "Deeds of kindness to display" ou encore en soutenant le duo Didymus – Theodora "To thee, thou glorious son of worth").

Quant au chœur, qui représente les chrétiens, il possède une palette infinie : à la fois puissant ("Come, mighty father, mighty lord"), cinglant ("All pow’r in heav’n above") et méditatif (à la fin de la première partie "Go, gen’rous, pious youth"), il a presque fait oublier les quelques imperfections vocales qui ont jalonné le concert.

Bref, une belle soirée, même si les solistes n’étaient pas tous à la hauteur de ceux qui ont gravé l’œuvre en 2000, avec Paul McCreesh et toujours le Gabrieli Consort and Players (Archiv).

Frédéric Laglaive

Site officiel de la salle Pleyel : www.sallepleyel.fr

 

 

 

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