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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Festival “Premiers Songes”: Sor Juana Inès de la Cruz et sa musique Françoise Atlan, Ensemble Constantinople
L'Ensemble Constantinople - D.R. “Premiers Songes” : Sor Juana Inès de la Cruz et sa musique Françoise Atlan, soprano Ensemble Constantinople
15 juin 2011 – Abbatiale de Saint-Philbert de Grand Lieu Le Sommeil, le voyage et l'éveil Alors que le mois de juin déploya sur les bords humides du lac de Grand Lieu ses voiles gris de pluie nourricière, au fond des antiques jardins, du verger des moines absents, coulait le ru tranquille des eaux dormantes. Juste troublé par le vol gracieux des cormorans ou l'éclair diaphane des mouettes, parfois la nage discrète d'un ragondin fugitif et sur le pont ancien, témoins des invasions de naguère, les cliquetis consonnants des trots de joggeurs. Près des pierres anciennes de l'abbatiale, dans un silence presque recueilli, la fontaine psalmodiait seule les quelques litanies de fraîcheur dans la transparence de sa source. Dans cette bâtisse carolingienne, dont la seule évocation du Nouveau Monde semblait surréaliste, les pas et les parfums du couvent de Las Jeronimas se fit entendre, entre les hautes voutes en berceau, au-dessus du tombeau miraculeux et même sur l'herbe menue des jardins, les chants des luths et des longues mélodies mexicaines empourpraient les airs de leur or embrasé. Sor Juana Ines de la Cruz passa, d'une mer à l'autre en traversant les temps et l'espace pour prendre vie dans l'éclat des scintillants accords du tar. Si bien curieux est le choix de l'Ensemble Constantinople, de rendre audible la musique mexicaine du XVIIème siècle avec les percutions orientales et le tar persan, cela évoque le temps jadis où la mère Espagne conjuguait dans son sein trois cultures et trois empires de l'esprit. Sor Juana, la nonne philosophe, la fille de Kirschner, la sœur de Galilée, la mère de Rosario Castellanos et d'Octavio Paz. La poétesse dont la mort en 1692 clôt comme un éclair définitif et funeste le “Siècle d'Or Espagnol”, murée dans un silence abject par la perfidie des évêques jaloux, mais son étoile comme toutes celles des génies, brille depuis le XVIIème siècle dans la poésie, aussi érotique que mythique, frôlant à peine le mysticisme qu'elle ne touchait que très rarement. Sor Juana est en plus la personnification du cosmopolitisme, née sur les flancs du terrible et humant Popocatepetl, volcan blanc de neige, au cœur de feu, gardien redoutable de la vallée de Mexico. Très jeune elle apprend la lecture par la ruse, elle s'instruit de tout, elle vit dans un Mexique colonial au syncrétisme extraordinaire, mi-chrétien, mi-idolâtre. Elle va au delà de la foi, elle est universelle, et le parti pris de l'Ensemble Constantinople et de Françoise Atlan éveille cette essence de conjugaison de toutes les cultures autour de Sor Juana, à la fois espagnole, mexicaine, indigène et métisse. Incarnant la poésie amoureuse et philosophique de Sor Juana, telle un médium aux mélismes délicats et variés, Françoise Atlan fait de sa voix l'évocation parfaite, poétique et passionnée de l'universalisme avec ses ornements mozarabes. Nous avons fortement goûté sa présence enchanteresse et le soin extrême porté à la déclamation. En choisissant des musiques mexicaines de l'époque de Sor Juana et adaptant sa poésie à chaque morceau, l'Ensemble Constantinople a trouvé l'équilibre dans l'enthousiasme et la couleur dans l'ornementation. Parce que la nuit est magique et lorsque les Canarios de Sanz ont surgi comme une fontaine irisée de mille feux, la danse gracieuse de deux chauve-souris tissèrent dans leurs entrelacs invisibles le voile épanoui de la passion. Gardiennes de la nuit elles ont accompagnées telles deux sentinelles réincarnées, la voix envoûtante de Françoise Atlan qui a rendu à Sor Juana un très bel hommage et l'a rendue à l'univers.
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