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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival Les Amours de Ronsard Il Ballo, dir. Leonardo Loredo
Boiserie du Château d'Ecouen © Château d'Ecouen, Muse Baroque
"Les Amours de Ronsard"
Luanda Siqueira, soprano Julien Michaud, ténor
Ensemble Il Ballo : Nicolas Sansarlat, violon et lira da braccio Isabelle Dumont, viole de gambe Anne Dumont, virginal,
Direction, luth et guitare : Leonardo Loredo de Sà
2 octobre 2009, Château d’Ecouen "Mignonne, allons voir..."
Ce sont donc plusieurs sonnets de Pierre de Ronsard, extraits des recueils des Amours, et quelques-uns uns de son ami Joachim du Bellay, qui vont être tantôt récités, tantôt chantés sur les compositions de Roland de Lassus, François Regnard ou encore Antoine de Bertrand, auxquels s’entremêlent quelques intermèdes instrumentaux, bransles et gaillardes venant pimenter les mignardises sucrées et fleuries offertes par le prince des poètes aux Belles Dames d’alors. A Luanda Siquiera, charmante soprano à l’accent délicieusement exotique, répond le ténor Julien Michaud dont le phrasé un peu trop appliqué dans la déclamation fait place, lors des parties chantées, à une voix de belle prestance, profonde et bien calibrée. "Bonjour mon cœur, bonjour ma douce vie, bonjour mon œil [?], bonjour ma chère amie, [...] Bonjour ma douce rebelle...", "Je vous envoie un bouquet que ma main Vient de trier de ces fleurs épanouies", "Maîtresse, embrasse-moi, baise-moi, serre-moi, Haleine contre haleine..." se susurrent-ils tandis que, sous le toucher ductile d’Anne Dumont au virginal et de Leonardo Loredo au luth, monte une mélodie sensuelle, enveloppante et moelleuse, évoquant à merveille les jardins clos, encore un peu médiévaux, de la Renaissance, qui offraient comme autant de lits de verdure aux amants épris. Le timbre chaud de la viole de gambe, autour de laquelle s’enroulent avec une grâce toute serpentine les bras et l’archet d’Isabelle Dumont, vient souligner chaque morceau en y ajoutant ainsi une touche de caractère plus viril, plus masculin. Eh oui, la civilisation du XVI°siècle, toute Renaissante qu’elle soit ou se veuille, est encore bien proche de celle d’un Moyen-âge âpre et dur. Les guerres de religion et les exactions cruelles qui en découlent viennent ensanglanter l’époque, et les joliesses que compose Ronsard pour charmer les oreilles des suivantes de Catherine de Médicis ne peuvent cependant masquer la rudesse de tempérament des hommes et des femmes d’alors. La musique du temps de Ronsard, avec ses tonalités parfois plus dures et plus grinçantes, reflète bien, en effet, la transition entre la fin de la Renaissance et les prémices de l’époque baroque, où un mouvement qui se veut plus spirituel se détourne avec dédain d’une culture où la poésie est encore proche de la vie, dans toute sa vérité : amour charnel, plaisir des sens, odeur des corps, menace imminente de la violence, de la maladie, de la mort.
Nous sommes ici plus proches de Brantôme que de Racine ! Rappel médiéval encore, cette lira da braccio, aux intonations adamantines, descendante de la vièle à archet utilisée jusqu’au début du XVII°siècle, et que Nicolas Sansarlat manie avec la même dextérité et la même finesse de jeu que ses deux violons. Alternant avec les sonnets, quelques airs de danse apportent une note plus guillerette et très entraînante à l’ensemble, rappelant ainsi que les contemporains de Ronsard et du Bellay aimaient particulièrement exprimer leur joie de vivre et leur gaité par la danse, dite alors "bransle" puisqu’en effet il s’agissait de se mettre en mouvement... Nous évoquerons ici le Bransle de la torche (de Michael Praetorius), suivi du Tourdion (anonyme), au cours desquels chaque instrument entre tour à tour en piste, de la guitare à la lira, en passant par la viole de gambe et le virginal. Pour conclure, on saluera un très beau concert, donné dans un cadre parfaitement approprié. L'auditoire était composé dans sa majeur partie de seniors, et l’on ne peut s’empêcher de regretter que la beauté des poèmes de Ronsard n’attire pas un public plus jeune (peut-être plus concerné par les baisers, les nuits folâtres et les blessures d’amour). On notera au passage quelques détails techniques : la salle étant relativement petite (bien que ce soit l’une des plus grandes du château), la présence de 130 personnes a tendance à écraser un peu les sons, tels celui du virginal et du luth qui disparaissent rapidement derrière la viole et le violon. Enfin, de la proximité déplorable de l’aéroport de Roissy découle une relative nuisance sonore due à des avions en cours de descente ou de décollage, pollution que l’épaisseur des murs du château de parvient pas toujours, hélas, à endiguer.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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