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Chronique Concert

Hugo Reyne,

Pièces de clavecin en concert de Rameau

 

 

Hugo Reyne - D.R.

 

Jean-Philippe RAMEAU (1683-1764)

 

Pièces de clavecin en concerts (1741)

 

Hugo Reyne (arrangements et clavecin)

 

1er concert : La Coulicam – La Livri – Le Vézinet

2ème concert : La Laborde – La Boucon – L’Agaçante – Menuets I & II

3ème concert : La Lapoplinière – La Timide – Tambourins I & II

4ème concert : La Pantomime – L’Indiscrète – La Rameau

5ème concert : La Forqueray – La Cupis – La Marais

 

18 juin 2008, 20h30, Nantes, Musée des Beaux-Arts

 

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Prémonition ramiste

L'on pourrait dire au sujet des fameux « concerts » présentés ce soir, que tout le monde en parle, mais qu'on les entend rarement, que ce soit au disque ou plus encore au concert, et plus rarement encore intégralement. Il faut dire aussi que la partition est aussi exigeante et virtuose pour les trois instruments, quels qu’ils soient. Rameau a en effet signé avec ces Pièces des clavecin en concerts une œuvre ouverte, puisque la formation originale, clavecin – violon – viole, réunion des goûts français (la viole) et italien (le violon), peut se voir adaptée : la viole peut-être remplacée par un autre violon, le “premier” violon par une flûte, offrant du même coup un éventail de quatre possibilités différentes.

Prenant au mot Rameau lui-même qui précise dans son Avertissement que les pièces pourraient être aussi bien jouées au quatuor, Hugo Reyne en a réalisé un nouvel arrangement, adjoignant le hautbois, la flûte et le basson, instrument particulièrement apprécié par Rameau. Cette version est différente de celle, sans doute apocryphe, connue sous le nom de « Pièces en sextuor ».

Ce qui a pu frapper dès l’entrée dans la salle du concert, c’est l’absence de clavecin. Il n’est guère courant d’entendre une œuvre baroque sans basse continue, et qui dit basse continue dit clavecin. Mais, dès les premières mesures, l’adéquation de la musique à l’ensemble choisi saute aux oreilles, la contrebasse doublant par endroits les violoncelles, par exemple dans cette descente au début de La Coulicam. Rappelons que l’œuvre “originale”, ou plutôt, pour mieux dire, la formation originale, ne comprenait pas non plus de basse continue, et que le clavecin y jouait un rôle tout à fait indépendant. Le clavecin a été translaté dans l’orchestre, car on a ici bel et bien l’impression d’entendre un orchestre, et non un assemblage hétéroclite de parties.

Il en résulte pour ces pièces une plus grande facilité d’approche pour l’auditeur. Ceci grâce à l’enthousiasme et au plaisir qu’y met toute la Simphonie du Marais :  on a rarement vu un ensemble qui semble aussi heureux d’offrir la musique au public, créant de fait une véritable ambiance et une étonnante proximité autour de ces œuvres. Il faut noter avec plaisir qu’Hugo Reyne a pris le temps d'expliquer le recueil, la forme, puis, entre chaque concert, le sens des titres de chaque pièce, et ce avec une grande honnêteté, avouant l'imprécision des hypothèses, soulignant les (quelques) certitudes, y ajoutant surtout une approche personnelle et beaucoup d’humour : Qui d’autre aurait oser dire qu’ "il y a dans Le Vézinet une prémonition du chemin de fer qui relie aujourd’hui Paris à Saint-Germain-en-Laye" ? Ou que, dans La Laborde, "certaines formules sentent le banquier" ?

Le chef a par ailleurs choisi de diriger ses douze musiciens assis, expliquant là encore que Rameau dirigeait lui-même ainsi son petit ensemble chez son mécène, et ajoutant que c’est comme si nous étions nous-mêmes dans le salon de La Pouplinière, qui donne par ailleurs son nom à la première pièce du 3ème concert. Le plaisir en devient communicatif. Par deux fois, le chef redevenait pour le temps d’une pièce flûtiste et se joignait à François Lazarévitch ; d’abord dans les Tambourin (3ème concert), puis dans la magnifique Cupis dénotant une parfaite complicité entre les deux artistes.

Et puis, docere (« enseigner ») certes, mais movere (« toucher ») aussi ! Ce n’est pas seulement vrai pour La Cupis, ça l’est pour toutes les pièces qui ne prennent un réel sens qu’en sonnant sensibles, et c’est bien rare avec cette musique, qui reste souvent trop sage et plate. Quand a-t-on pu entendre expression plus délicate de la langueur (La Boucon) ? Rumeur et commérages plus perceptibles (L’Indiscrète) ? Sens du théâtre plus vif et dansant (La Pantomime) ? Dans la Rameau, on a l’impression d’entendre une force créatrice à l’état pur.

Si Rameau était, comme il a été dit en plaisantant en début de soirée, présent parmi nous ce soir-là, c’était autant par sa musique que dans l’arrangement d'Hugo Reyne qui semblait sortir de la plume de l’auteur du Traité d’harmonie lui-même ! Une sage mais puissante inventivité illuminait l’ensemble du recueil, et on ne peut que se réjouir des futures publications liées à ce concert : la partition d’une part, le disque de l’autre. Une fois goûté au fruit défendu, on ne veut que mordre à pleine dents dedans à nouveau !

 

Loïc Chahine

 

 

 

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