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Chronique Concert

Rameau, Naïs, opéra pour la paix,

La Simphonie du Marais, dir. Hugo Reyne

 

 

Hugo Reyne - D.R.

 

Jean-Philippe RAMEAU (1683-1764)

 

Naïs, "Opéra pour la Paix"

Pastorale héroïque sur un livret de Louis de Cahusac
 

Mireille Delunsch soprano, Naïs
Jean-Paul Fouchécourt haute-contre, Neptune
Dorothée Leclair soprano, Flore (Prologue), une bergère
Mathias Vidal haute-contre, Astérion
Arnaud Marzorati baritone, Télénus
Alain Buet bariton, Jupiter (Prologue), Tirésie
Matthieu Heim basse, Pluton (Prologue), Palémon

 

Le Chœur du Marais

La Simphonie du Marais
Direction Hugo Reyne
 

6 avril 2011, Cité de la Musique, Paris

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Un Rameau d'olivier

Pastorale héroïque en trois actes, dit "Opéra pour la Paix", Naïs fut commandé par l'Académie royale de Musique à Rameau pour célébrer la paix d'Aix-la-Chapelle, qui mit fin à la guerre de Succession d'Autriche. L'œuvre fut représentée à l'Académie royale de musique, le 22 avril 1749, un an après la signature du Traité avec des décors grandioses, tout comme lors de la reprise de 1764. Disons-le d'emblée, le souci de cette œuvre réside dans l'extrême faiblesse du livret de Cahusac (pourtant ce même librettiste nettement plus inspiré fournit ceux de Zoroastre ou des Boréades) et la pauvreté du langage ("Venez tous, venez m'apprendre / Le sort qu'auront vos soupirs. / Ouvrez-moi votre cœur, le mien à vous entendre / Retrouve encor le charme des désirs." Tirésie, II,6), conjuguée à une progression dramatique quasi-inexistante met à mal l'attention des auditeurs, d'autant plus que l'œuvre est proposée en version de concert. Et si le prétexte de l'intrigue est l'amour de Neptune pour la nymphe Naïs, fille du devin aveugle Tirésie, force est d'avouer que l'on a tout de même du mal à se figurer comment Naïs donna lieu au nombre impressionnant de 70 représentations à l'époque.

Il faut clairement disculper Hugo Reyne du succès mitigé de la représentation : ce n'est pas la faute du chef si près d'un quart du public s'est échappé entre l'entracte et la fin de la pastorale, mais bien celle du coupable auteur, et ce défaut structurel rend méritoire la tentative de réveiller les charmes ramistes. Car la musique est belle. Belle à l'instar de ce Prologue "l'Accord des Dieux"  et son Ouverture surprenante, inventive et colorée, loin des habituelles et majestueuses notes inégales. Audacieuse avec un usage du basson, un art de la couleur et du mouvement consommés, auxquels la Simphonie du Marais rend pleinement justice tout au long de plus de 2h30. Les danses, opulentes, rythmées, fonctionnelles, sont superbement rendues, avec un sens de la mélodie et un naturel confondant. De même, le Choeur du Marais exalte avec jubilation la gloire du monarque, qu'il s'agisse de la grande page monumentale "Attaquons les cieux, / Bravons le tonnerre" (I,1) ou du dramatique "Quel Oracle ! O Neptune ! O fatale colère." (II,7) plein d'urgence et de fureur. Hélas l'écriture de Rameau virevolte, butine, tourbillonne et ne refuse de s'appesantir sur un climat ou de bâtir d'amples scènes hypnotiques à la manière d'un Lully ; le compositeur juxtapose ainsi les mouvements, fragmente le discours ce qui nuit ultimement à l'unité de l'œuvre, dont on aura bien du mal à citer les passages-phares, tant les combats tant attendus sont démêlés rapidement, dépêché d'une plume distraite et alerte.

Les récitatifs et ariosos, nombreux, sont interprétés avec justesse et souplesse. Toutefois, à l'exception d'un Jean-Paul Fouchécourt superlatif et totalement impliqué dans son rôle ( cf. air final "Cessez de ravager la terre"), le reste de la distribution se révèle nettement moins théâtral et déclamatoire. Si Mireille Delunsch - bien échauffée à compter du second acte - a délivré un touchant monologue "Dois-je le croire ? Ah ! Dieux !" (II,2) de son soprano sensible et nuancé, Alain Buet vibrant et imposant n'a pas su rendre pleinement l'éclat tragique de la scène de la prophétie. Le trio Arnaud Marzorati, Mathias Vidal et Matthieu Heim, stylistiquement impeccable et au chant élégant peine enfin à émouvoir en raison d'un certaine distance parfois presque ironique.

Hugo Reyne dirige l'ensemble avec équilibre, insistant sur la richesse de l'écriture, caressant les combinaisons instrumentales, laissant respirer une œuvre qui sans sa pompe et son apparat visuel pourrait être damnée. Et malgré les faiblesses inhérentes ¨la construction de Naïs elle-même, malgré la coupable médiocrité de Cahusac (oui, osons vilipender un mort, bien que le principe soit des plus méprisables), malgré la fébrilité trop sautillante de Rameau, l'on quitte l'amphithéâtre le sourire aux lèvres, après un bis endiablé où le public a scandé en applaudissements la danse du Grand Calumet de la Paix...

Viet-Linh Nguyen

  Site officiel de la Cité de la Musique : www.cite-musique.fr

 

 

 

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