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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Henry Purcell, The Fairy Queen Le Concert Spirituel, dir. Hervé Niquet
Hervé Niquet - D.R.
Henry Purcell (1659-1695)
The Fairy Queen (1692) semi-opéra sur un livret anonyme d’après Le Songe d’une nuit d’été, William Shakespeare
Sopranos : Sophie Karthäuser, Emmanuelle de Negri Ténors : Emiliano Gonzales Toro, Cyril Auvity Basse : Christopher Purves
Chœur et orchestre du Concert Spirituel : Sopranos : Virginie Lefebvre, Gwenaëlle Clemino, Marie-Pierre Wattiez, Agathe Boudet, Aude Fenoy, Marie Griffet, Hélène Richer Altos : Arnaud Raffarin, Emmanuel Bardon, Eric de Fontenay, Gabriel Jublin, Yann Rolland Ténors : Gauthier Fenoy, Pascal Richardin, Edouard Hazebrouck, Nicolas Maire, Randol Rodriguez Basses : Justin Bonnet, Frédéric Albou, Sydney Fierro, Eric Chopin, David Witczak
Violons : Alice PIerot, Nathalie fontaine, Yannis Roger, Florence Stroesser, Olivier Briand, Myriam Cambreling, Stephan Dudermel, Bérangère Maillard Altos : Judith Depoutot-Richard, Marie-Liesse Barau, Géraldine Roux Violoncelles : Tormod Dalen, Julie Mondor Viole de gambe : Yuka Saito Flûtes à bec : Maud Caille, Pierre Boragno Hautbois : Héloïse Gaillard, Luc Marchal, Benoît Richard Bassons : Mélanie Flahaut, Nicolas André Théorbes : Caroline Delume, Marie Langlet, Thomas Dunford Clavecins : Elisabeth Geiger, Benoît Hartoin Trompettes : Gilles Rapin, Jean-Baptiste Lapierre Percussions : Isabelle Cornelis
Direction Hervé Niquet
6 novembre 2011, Salle Pleyel, Paris (version de concert) concert diffusé par France Musique le mardi 6 décembre à 20h. Un songe bien furtif… … et presque indigent en poésie. L’on connait et apprécie d’ordinaire les interprétations exaltantes orchestrées par Hervé Niquet, qui vont souvent de pair avec des tempi enlevés. Après Didon et Enée et The King Arthur enregistrés chez Glossa (2001 et 2004), le chef du Concert Spirituel nous a présenté ce soir une version étourdissante de rapidité (à peine deux heures et quart) d’une des dernières grandes œuvres de Henry Purcell. Empruntant au Songe d’une nuit d’été ses personnages et action fantastiques, The Fairy Queen est comme un vaste patchwork des éléments opératiques de la fin du XVIIème siècle, dont Purcell a su faire la géniale synthèse. L’on y trouve une plainte, une scène de sommeil, de nombreuses danses, une ouverture à la française, une canzon italienne… autant d’éléments qui suggèrent des atmosphères et des états d’âme différents ; et ils nécessitent par là-même des instrumentations et des caractères variés. Il est vrai que la salle Pleyel n’est pas le lieu le plus adéquat pour la musique ancienne, et les orchestres baroques y sonnent généralement très "petit". Il nous faut donc entrer dans une autre échelle de nuances sonores ; mais si les élans expressifs semblent toujours nivelés dans leur amplitude sans pouvoir aller au-delà du mezzo forte, comme si un plafond empêchait qu’ils ne s’épanouissent trop, les nuances pianos quant à elles ressortent avec une présence et une netteté étonnantes. C’est là ce qui nous fait regretter certains choix de tempo et d’instrumentation qui firent passer ce concert comme un puissant courant d’air… Tout, en effet, semblait procéder d’une unique respiration, comme porté par un souffle à la fois chaud et vif, espiègle et vigoureux. Chaud et vigoureux, car le Concert Spirituel possède un son toujours plein, riche des timbres de tous les instruments présents de manière bien équilibrée, ce qui donna lieu à d’intéressants mélanges. Ainsi dans le prélude de l’air dit des oiseaux (Acte II), ou encore dans la Plainte (Acte V), violons et flûtes tenaient en tutti les mêmes parties ; mais si leur chant charmait par sa rondeur et ses multiples couleurs, le maintien au complet de l’effectif des dessus dans ces pièces éveillerait plus d’une contestation, ne serait-ce que par un souci de justesse (notamment en fin de phrase). L’effet produit semblait en effet toujours porter des accents de pastiche, tant une telle masse sonore semble en démesure avec le caractère des airs. Sophie Karthäuser marqua pourtant son interprétation d’un réel engagement mais sans parvenir à toucher l’auditoire. L’on assistait bien à une lamentation malheureuse, terrible même à en croire le texte, mais l’allure presque pressante ne laissa de place ni aux soupirs, ni à la compassion. La basse obstinée, généreusement réalisée par les trois théorbes, se déroulait comme un travelling, et nous ne pouvions malgré nous goûter à la beauté de l’écriture, faute de temps pour entrer dans son intimité. Cette même sensation de respiration contrainte devint presque oppressante dans l’air de la Nuit (Acte II) ou encore dans celui de l’Hiver (Acte V) dont les frottements harmoniques foisonnants suscitent habituellement plus d’un frisson.
Le Concert Spirituel © Satochi Aoyagi
Au-delà de cette crainte manifeste du dépouillement, le Concert Spirituel sut insuffler aux mouvements orchestraux – et notamment aux danses - une énergie vivifiante, transmise par des dynamiques toujours menées avec conviction. Gilles Rapin et Jean-Baptiste Lapierre animèrent avec brio les parties de trompettes qui, au vu des tempi choisis, requéraient une haute virtuosité. Les solistes et le chœur accordèrent un grand soin à la prosodie, au détriment d’une ornementation parsemée bien pauvre, lorsqu’elle n’était pas inexistante. Cette carence d’agréments devenait particulièrement sensible en fin de phrase, et les cadences semblaient bien nues sans leur tremblement. Christopher Purves fit montre à deux reprises de son habileté à incarner un rôle avec peu de moyens ; dans la scène de poète ivre (Acte I) comme dans celle de Corridon et Mopsa (Acte III), il mit beaucoup d’humour en peu de gestes et parvint à introduire un goût de surprise et de divertissement, par ailleurs un peu absent. Dans cette même scène, Emiliano Gonzales Toro s’était glissé dans la peau d’une jeune gourde, vêtu d’une sorte de robe-rideau à pois verts et bleus et coiffé d’un fichu assorti. Ce duo rustique ravit par ses mimiques et le comique d’un jeu très suggestif mais sans jamais sombrer dans la vulgarité. Dans les airs des fées (Actes I et III), Emmanuelle de Negri dessina avec souplesse et précision des vocalises rythmiquement périlleuses, et se hasarda même à quelques ornements mais sans qu’ils ne s’inscrivent toujours dans le goût des airs. Les points culminants de chaque phrase étaient souvent atteints de manière trop rectiligne, notamment dans l’air "Ye gentle Spirits of the airs" (Acte III) ; la rigueur rythmique y prit le pas sur la mise en haleine de l’auditeur, au lieu de jouer avec sa curiosité et son besoin d’être supris. Cyril Auvity attesta d’une projection toujours généreuse qui lui permit de survoler avec aisance le tapis roulant déployé par le continuo dans l’air "Come all" (Acte II). Celui de l’Eté (Acte IV) manquait malheureusement d’inventivité, en dépit d’aigus clairs et apparemment faciles qui laissaient espérer quelques enjolivures, même simples. En définitive, le songe de cette soirée automnale aura été comme emporté par un vent d’une insouciance un peu désinvolte. Homme de grandes manœuvres, Hervé Niquet en dégagea les contours par des traits larges et rapides, traduits musicalement par d’amples phrasés, un certain lyrisme, et un orchestre puissant et expressif qui peinait cependant à quitter ses gros sabots lorsque la musique en appelait à la finesse. Point de mystère donc pour une majestueuse Reine des Fées où tous les genres se côtoyaient, mais qui en sortit quelque peu désenchantée.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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