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6 janvier 2014

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Chronique Concert

Henry Purcell, King Arthur,

Le Concert Spirituel, dir. Hervé Niquet,

mise en scène Shirley et Dino

© Nicole Bergé
 

Henry Purcell

King Arthur

Semi-opéra en 5 actes sur un livret de John Dryden (1691)

 

Chantal Santon-Jeffery, Julie Fuchs (sopranos)
Mathias Vidal (haute-contre)
Marc Mauillon (taille)
João Fernandes (basse)

 

Orchestre et chœur du Concert Spirituel


Direction musicale Hervé Niquet
Conception et mise en scène : Corinne et Gilles Benizio (Shirley & Dino)
Lumières : Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos
Costumes : Catherine Rigault


2 Mars 2011, Opéra Royal du Château de Versailles

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Sacré Graal !

Cette production créée pour le Festival de Radio France et Montpellier en 2008, et qui a fait l’objet d’un DVD chez Glossa, est assurément de celle qui diviseront les cénacles de baroqueux et animeront les discussions de vos dîners en ville. Quoi de plus naturel que de jouer les passages musicaux de ce semi-masque qu’est King Arthur – c’est-à-dire une "Dramatick opera" (sic) où le théâtre parlé est ponctué de nombreuses interventions musicales un peu à la manière de notre comédie-ballet – dans le cadre prestigieux de l’Opéra Royal ? Quoi de plus iconoclaste aussi que de proposer la lecture décapante de Shirley et Dino, inspirée de l’univers du music-hall et des Monty Pythons, d’un burlesque décomplexé et bon enfant au milieu des ors de Gabriel ?

Cela commençait pourtant normalement. Hervé Niquet, dont on n’apercevait pas encore le kilt, commençait doctement à résumer l’argument du livret de Dryden. L’on connaissait pourtant le grand chef moins nonchalant et plus précis, et à dire vrai, le propos, peu intelligible, commença à faire froncer les sourcils au moment où débarquait l’Inspection générales des impôts… Et à compter de ce moment, pendant 1h45, l’action déferlera en une succession débridée de gags ininterrompus, d’une hardiesse à en faire chavirer les perruques. Des fiers guerriers qui se prennent les cottes de mailles dans des sceaux, aux prêtres bondissants dignes de Broadway en passant par le machiniste (Dino) qui passe l’aspirateur en coupant une soprano surgit de son cintre, l’on reste bouche bée devant cet océan comique dévastateur qui emporte l’œuvre sur son passage plus qu’énergique. Et tandis que les inter-actes sont occupés par… Hervé Niquet chantant "Célestin" ou encore "On aime le tyrol quand on est tyrolien" affublé des pantalons et des shorts les plus improbables, que la mythique scène du froid voit des pingouins sortir d’un frigidaire géant avant que des skieurs pseudo-suisses ne perturbe une scène déjà perturbée par la lutte féroce entre 2 infirmières, que l’acte final se finit dans des ripailles de pacotilles où certaines gentes damoiselles portent la barbes, on ne sait plus à dire vrai où donner de la tête devant un spectacle échevelée et mené tambour-battant.

 

Hervé Niquet (!!!) © Le Concert Spirituel / Glossa

On rit donc énormément, et le but ludique du spectacle est indubitablement atteint (comme la tarte du même nom). Quid alors de la musique de Purcell ? Eh bien, certes, le livret - déjà décousu et complexe – en devient méconnaissable et bien subtils seront ceux qui, dans l’acte 2 par exemple, reconnaîtront l’elfe Philidel qui vient chercher refuge auprès de Merlin (d’ailleurs il est où, cet enchanteur ?). Pourtant, quand bien même les sketches troublent la concentration du spectateur, et en tenant compte de l’implication théâtrale des choristes et des solistes qui s’en donnent à cœur joie et ne sont parfois pas dans les postures les plus dignes pour délivrer leurs parties (on pense aux chorégraphies du chœur, et à son patinage sur glace, au chœur qui chante avec un cheveu sur la langue ou bien la bouche pleine), la réalisation musicale demeure d’un remarquable niveau. L’orchestre du Concert Spirituel délivre une sève énergique avec de très belles couleurs dans les cordes et un continuo dynamique. Il jouera d’ailleurs une ritournelle dans le noir absolu, suite à une pseudo coupure d’électricité, avec une précision exemplaire. De même sur scène se distingue le truculent souverain campé avec gourmandise par João Fernandes, au timbre profond et à la puissante projection, de même que le moinillon de Marc Mauillon, à la voix élégante et au phrasé bien articulé.

© Nicole Bergé

Mais en définitive, c’est bien la mise en scène euphorisante de Shirley et Dino que l’on retient, avec ses gags d’une drôlerie incisive, évitant de verser dans l’écueil de la vulgarité, insufflant une vitalité jouissive et sans autre prétention que de divertir à un King Arthur qui ne garde de sa représentation au Dorset Garden's Theatre de mai 1691 qu’un vague lien de parenté. Ceux qui souhaitaient assister à une représentation purcellienne à jour des derniers ragots musicologiques en seront pour leurs frais (d’ailleurs une fausse question sur la comparaison dans l’usage des quintes de violons chez Purcell et Lully a été posée par un complice, à laquelle le chef a répondu, apparemment perdu et incompétent, d’un laconique "oui"). Les autres se souviendront encore longtemps de ce tourbillon de folie sur l’Opéra royal.

Viet-Linh Nguyen

Saison musicale 2010-2011 du Château de Versailles : www.chateauversailles-spectacles.fr

 

 

 

Affichage recommandé : 1280 x 800

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