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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert
© Ferrante Ferranti
Claudio Monteverdi (1567-1643)
Il Vespro della Beata Vergine (Vêpres à la Vierge) 1610
I Favoriti de la Fenice :
Claire Lefilliâtre, Céline Scheen, sopranos
Ensemble La Fenice Jean Tubery, Cornet & Direction
31 janvier 2011, Salle Gaveau, Paris (Philippe Maillard Productions) Tu es belle, mon amie, fille de Jérusalem douce et fraiche... Le strapontin, quoique excellemment placé, n'était pas des plus accueillant après la froidure du début de soirée, et le critique compulsait avec frénésie les notes de programme afin de trouver des réponses aux choix musicologiques cornéliens de Jean Tubéry pour ces Vêpres à la Vierge si fameuses et mystérieuses à la fois. En effet, les questions laissées en suspens - et que Jean Tubéry survole en nous laissant sur notre faim dans sa présentation du concert - permettent aux musiciens de faire de chaque représentation un cheminement original. En attendant de pouvoir revenir avec le chef lors d'un entretien sur les passionnantes problématiques des effectifs choraux (une voix par partie ou non, débat lancé par Andrew Parrot), de l'utilisation des instruments (ajout par exemple des instruments dans les parties chorales des psaumes, inclusion des fifres et flûtes à bec ailleurs que dans le court "Quia respexit" pour lequel seul ils sont expressément notés), des transpositions tacites ou non de certaines pièces avec l'usage des chiavete, de la présence nécessaires ou non des antiennes qui pourraient se voir remplacées par les quatre concertos sans cantus firmus, etc...), nous évacuerons volontairement ces sujets, au grand soulagement de nos lecteurs déjà effrayés de souffrir nos ratiocinations musicologiques, afin de relater cette soirée dont l'implication et la beauté sonore resteront dans les mémoires des heureux auditeurs.
Edition de la Messe "In Illo Tempore" et des Vêpres à la Vierge dédiées au Pape Paul V (1610) © Wikimedia Commons Le premier ennemi que Jean Tubery eût à dompter fut l'hydre acoustique de la salle Gaveau. En effet, celle-ci, sèche et absolument pas réverbérante, pouvait nuire à la cohésion et au liant des chœurs, et aux couleurs instrumentales, comme ce fut le cas durant les premiers temps du martial "Deus in adiotorium" sur la fameuse mélodie de la fanfare des Gonzague. Le chef, par un usage consommé des tempi, aidé par de superbes sacqueboutes de Stefan Legée, Christiane Bopp, Frank Poitrineau et d'un ductile orgue positif, a fait de ce handicap un atout, propulsant une incisive clarté dans les départs, insufflant une lisibilité exemplaire des pupitres, démontrant avec brio que la capacité d'adaptation au lieu est primordiale. On goûte ainsi une lecture fluide et lumineuse, d'un lyrisme exacerbé, d'une puissance dramatique intense, d'une poésie constante. A l'opulence d'un orchestre pourtant somme toute restreint mais éloquent et farouchement présent, répond l'excellence des solistes et du chœur, et la spatialisation du chant qui crée des combinaisons variées et inventives (séparation des chœurs, utilisation du balcon, effets d'échos...). Jean Tubéry a fait le choix de privilégier les tessitures aigues, et d'offrir un écrin sensuel aux sopranos puissants et articulés de Céline Scheen et Claire Lefilliâtre sublimes dans l'attendu "Pulchra es a due voci", pastel et tendre, mais également dans les passages choraux où leurs timbres tour à tour fiers ou adoucis flottent de manière évocatrice au-dessus de voix de leurs confrères. Chez les ténors se distingue nettement la voix terriblement humaine de Jan van Elsacker, déclamatoire et digne, d'une douceur mélancolique et d'une grande égalité sur la tessiture, capable de mélismes et de trilles d'une précision redoutable "sans y toucher" ("Duo Serafim" notamment, où Jean-François Novelli s'est trouvé plus tendu avec une projection en retrait).
© Ferrante Ferranti Mais que seraient les Vêpres sans chœur (n'en déplaise à Andrew Parrott) ? Arsys Bourgogne s'est également plongé dans les Vêpres corps et âme, faisant preuve d'une implication énergique, sans que la rigueur du contrepoint n'efface la spontanéité de la lecture. Souple et très articulé, d'une légèreté surprenante dans les mélismes, d'une allure éthérée (là-encore, on compte 2 basses et 2 barytons sur 14 chanteurs ce qui renforce la vision du chef d'une masse vocale tournée vers le haut), le chœur a contribué à cette monumentale réalisation, aérée, virtuose, chamarrée et latine, fortement contrastée non seulement entre les antiennes, psaumes et concertos, mais aussi de section en section, patient fruit d'un travail de ciselure d'une subtile délicatesse et d'une maturité qui laisse pantois (Laetus sum à la répétition de la basse obligée enivrante, Nisi Dominus d'une urgence prenante). Le concert s'achève sur le Magnificat glorieux et jubilatoire (le premier Magnificat du recueil pour être exact puisqu'il en contient un second plus modeste), apothéose exaltée d'une soirée dont on ne regrettera que le fait qu'elle doive se terminer, et que la Sonata sopra Sancta Maria se soit avérée un brin confuse et désaccordée, témoignage presque rassurant de l'imperfection de l'être.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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