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6 janvier 2014

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Chronique Festival

"La dernière sérénade de Molière"

La Simphonie du Marais, direction & mise en espace Hugo Reyne

 

 

Hugo Reyne © M.-E. Bretel

 

"La dernière sérénade de Molière"

 

Marc-Antoine Charpentier :

musique pour les comédies de Molière

 

Ouverture du Dépit amoureux, H. 498

Orphée descendant aux Enfers, H. 471

Ouverture de La Comtesse d’Escarbagnas, H. 494

Intermèdes nouveaux du Mariage forcé, H. 494

 

Prologue et premier intermède du Malade imaginaire, H. 495 et 495a

Ouverture et sérénade du Sicilien, H. 497

 

Romain Champion, haute-contre

Vincent Bouchot, taille

Florian Westphal, basse

 

La Simphonie du Marais :

François Costa, Anne-Violaine Caillaux, violons

Jean-Luc Thonnérieux, taille de violon

Annabelle Luis, basse de violon

Marc Wolff, archiluth et guitare

Yannick Varlet, clavecin

 

Hugo Reyne, flûte, hautbois et direction

 

Mise en espace : Hugo Reyne

Costumes prêtés et adaptés par Jeannine Lérin-Cagnet

Accessoires prêtés par Laurent Tixier

Habillage par Jeannine Lérin-Cagnet et Élise Bossard

 

10 août 2011, 21h, concert de clôture du 15e festival "Musiques à la Chabotterie", Logis de La Chabotterie (Vendée)

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« Par ma foi, cela me divertit ! » Le Malade imaginaire, 1er intermède

On oublie souvent que "comédie-ballet" n’est pas un synonyme de "Molière-Lully", que ce soit pour l’auteur des paroles ou pour celui de la musique. Après Molière, la musique ne sera pas bannie du théâtre comique sous prétexte de l’essor de l’opéra, et l’on donnera encore des comédies-ballets, comme par exemple Les Fous divertissants, de Poisson, avec une musique de Charpentier justement.

C’est en effet Charpentier qui le premier après Lully reprend le flambeau musical de l’affaire, travaillant avec Molière pour les nouvelles œuvres — et l’on connaît sa participation au Malade imaginaire, deux fois livrée au disque déjà — mais aussi pour faire une nouvelle musique à des comédies anciennes que la troupe reprenait sans avoir le droit d’y garder la musique du Surintendant.

 © Accent tonique

Le programme conçu ici par Hugo Reyne propose d’une part les « intermèdes nouveaux » que Charpentier a composés pour une reprise en juillet 1672 du Mariage forcé, d’autre part le premier intermède du Malade imaginaire et son prologue "avec les défenses", c’est-à-dire non pas celui que l’auditeur connaît par les disques, grand et majestueux, mais le petit, composé d’une seule "chanson contre les médecins" pour haute-contre, puisque la troupe s’était vu interdire de jouer le grand prologue en raison du privilège lullyste. Le chef y ajoute encore quelques "petites drôleries", comme dirait Monsieur Jourdain : la sérénade du Sicilien, composée en 1679 pour une reprise de l’œuvre après même la mort de Molière, et la cantate Orphée descendant aux Enfers, en guise d’hommage funèbre à Molière.

C’est par elle que commence le…. dirons-nous spectacle ou concert ? Car c’est bien entre les deux que se situe la soirée. Il y a des costumes, de la mise en scène — dire mise en espace serait trop modeste – et même des scènes de comédie ; mais c’est la seule musique qui sert de fil conducteur en l’absence de véritable action suivie. Disons néanmoins spectacle, car ce serait sinon en négliger une part importante.

C’est donc par l’Orphée aux Enfers, page de musique difficile et sur laquelle il était difficile ensuite de rebondir, que la représentation commence. La Simphonie du Marais a semblé peiner un peu à trouver son équilibre sonore, en dépit de la cohésion des voix. Romain Champion, en Orphée, a attaqué les redoutables aigus avec prudence, faisant montre d’un timbre et d’un phrasé d’une beauté indéniable, saisissante dès la première note, tant une belle voix ravit toujours — qu’il nous soit permis ici de citer le poète anglais : "A  thing of beauty is a joy for ever: / Its loveliness increases; it will never / Pass into nothingness".

Surprise agréable, dès l’ouverture de La Comtesse d’Escarbagnas, les musiciens se retrouvant tous ensemble à droite de la scène, c’est autre chose qui commence : on admire le son plein, vif, contrasté de la Simphonie, où la douceur manquera parfois, le son manquant alors de langueur, de soupirs, d’un je-ne-sais-quoi, en particulier du côté des violons. La basse assurée a su soutenir les voix et l’orchestre autant que les entraîner. 

Dans Le Mariage forcé, les voix s’épanouissent, les talents d’acteurs aussi. Cela ne se démentira pas jusqu’à la fin de la soirée, jusqu’à cette curieuse sérénade féline — les chats en forment une partie du sujet — du Sicilien, en passant par l’exubérant trio du Mariage forcé, la délirante scène de Polichinelle dans Le Malade imaginaire, la noble sérénade de Spacamond "Notte e dì v’amo e v’adoro" et la réponse grotesque de la vieille, "Zerbinetti, ch’ogn’ hor con fini sguardi". Tout est exécuté avec soin, sans que cela soit appliqué et l’on se réjouit de cette légèreté, de ce naturel souriant, qui atteint un juste équilibre entre musique et théâtre.

 © Accent tonique

Les acteurs sont également chanteurs, et l’on ne peut que saluer cette performance. Florian Westphal est tout-à-fait bonhomme en Scaramouche du Mariage forcé. Certes,  l’artiste n’est sans doute pas totalement à son aise, mais s’en tire déjà plus qu’honorablement, ne serait-ce qu’en jouant — hé, c’est un chanteur — de sa voix de basse au timbre riche, que l’on connaissait noble et qui sait se faire plus comique.

Vincent Bouchot possède presque les qualités inverses, compensant un timbre relativement neutre par un phrasé impeccable, une grande intelligence du texte et une diction exemplaire. En scène, il est crédible : il joue la comédie, certes, mais il la joue bien. Son Polichinelle (Le Malade imaginaire) s’avère remarquable.

C’est à Romain Champion, cependant, que la palme du jeu revient : le voilà qui survient, repart, bondit, s’agite, soupire, s’amuse et s’il joue, c’est à un jeu, assurément, qui lui réussit fort. Il sait même exemplairement jouer (on y revient encore, à ce mot) de son masque de chat dans Le Sicilien. Quant à la voix, nous avons déjà signalé que le chant faisait entendre un excellent phrasé, un beau timbre, au médium un peu sombre et à l’aigu clair et émouvant.

La mise en scène se révèle simple mais efficace, avec une direction d’acteurs sans effets superflus, et une scénographie tirant partie du logis du XVIIIe siècle de La Chabotterie, de ses portes, fenêtres, et même de son puits. Les éclairages auraient gagnés à être plus inventifs pour mettre encore davantage en valeur un spectacle, qui assurément gagnerait à être repris, affiné peut-être sur certains points (l’enchaînement du tout dans un esprit plus théâtral ?), mais qui a en l’état déjà donné bien du plaisir au public, tel un long dessert, léger, sucré, pétillant, de ceux que l’on dévore par gourmandise

Loïc Chahine

Le site officiel du Festival : http://chabotterie.vendee.fr (programme, réservations...)

 

 

 

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