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6 janvier 2014

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Chronique Concert

"Médée furieuse"

 © Salomé Haller  

Giovanni Antonio Gianettini : Medea in Atene (extraits)

Domenico Gabrielli : Balletti, op. 1 (extraits)

Jean-Baptiste Lully : Thésée (extraits)

Gaultier de Marseille : Pièces instrumentales

Nicolas Bernier : Médée, cantate

Michel de La Barre : Pièces instrumentales

Jacques Duphly : La Forqueray, La Médée (IIIe livre pour clavecin)

Louis-Nicolas Clérambault : Simphonie VII – La Magnifique (extraits)

Louis-Nicolas Clérambault : Médée, cantate

bis : Michel Lambert : « Vos mépris chaque jour »

Salomé Haller (soprano)

Ensemble Amarilis : Héloïse Gaillard (flûtes à bec et hautbois baroque), Gilone Gaubert-Jacques (violon), Violaine Cochard (clavecin), Anne-Marie Lasla (viole de gambe)

 

Nantes, Théâtre Graslin, 29 avril 2008

concert présenté dans le cadre des Scènes Baroques

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Des Médées

Salomé Haller remplaçait Stéphanie d’Oustrac, attendue depuis la parution du programme il y a un peu moins d’un an : autant dire qu’elle n’avait pas la tâche facile. D’autant que l’absente est familière avec le personnage de Médée, puisqu’elle l’a interprété chez Lully (Thésée avec l’Académie Baroque d’Ambronay et les Arts Florissants, en 1998) et chez Charpentier (Médée avec Hervé Niquet, DVD Armide), sans parler du disque « Médée furieuse » paru en mars dernier et présentant le programme du récital. Mais on était en droit d’attendre une belle interprétation de la part de Salomé Haller à qui le rôle de la magicienne de Colchide avait échu lors des représentations lilloises de la tragédie mise en musique, sous la baguette d’Emmanuelle Haïm – elle y remplaçait Anne Sofie von Otter qui avait tenu le rôle à Paris.

À l’issue de ce concert, et après ces précisions, une question s’impose : pourquoi Salomé Haller n’a-t-elle droit qu’aux seconds rôles ou aux secondes mains ? Tantôt, elle fait la Confidente (de Circé dans Glaucus et Scylla, d’Angélique dans Roland, pour ne citer que deux exemples), tantôt elle récupère ce qu’on avait fait pour d’autres ! Car ce récital prouve bien que nous sommes là en présence d’une très grande.

Pas un mot n’échappe de ce qu’elle chante, car l’articulation est idéale ; pas un mot n’échappe à ce qu’elle chante, parce qu’elle a toujours quelque chose à dire avec cette musique. La technique est parfois prise en défaut dans l’aigu, où les attaques sont un peu basses, dans le grave un peu trop poitriné – ou bien, pour être plus précis, cet effet était trop utilisé, mais c’est sans doute un passage obligé quand on doit exprimer la fureur. Cependant la voix est belle, pleine, ronde. Enfin, dernière subtilité après toutes ces qualités, les da capo sont magnifiquement ornés (et les ornements parfaitement ciselés, c’est un délice) ; cela ne se dément qu’à la fin de la cantate de Clérambault, en particulier dans l’invocation ; mais c’est que l’expression l’emportait. De tels ornements, tels qu’on voudraient en entendre plus souvent, rehaussaient sérieusement l’intérêt de certains moments de la cantate de Bernier, qui est assez longue et en fin de première partie.

Il faut dire aussi que l’engagement est aussi bien scénique que vocal, et l’esprit de Médée voletait sans doute dans la salle. De la haine à l’attendrissement, au désespoir qui conduit à la fureur, avec cette puissance – incarnée dans la puissance vocale – qui est celle de Médée, rappelons-nous, fille du Soleil, magicienne à qui rien n’est impossible, toutes les expressions, les émotions sont convoquées et animent ces pages comme il se doit.

Judicieuse idée de l’Ensemble Amarillis que celle d’intercaler de très belles pièces instrumentales entre les moments de Thésée, entre les cantates. Gaultier de Marseille gagnerait à être plus connu ; la musique instrumentale de Clérambault aussi, car cette « Simphonie La Magnifique » l’est vraiment (mais au sens moderne, et non plus seulement comme l’entendait son auteur). Le hautbois d’Héloïse Gaillard, souvent inexact en première partie, était plus propre en seconde partie, et c’est bien heureux car le jeu est rythmé et le son plein. À la flûte, il est difficile d’égaler Hugo Reyne, et le son est moins beau, moins chatoyant, bien que la performance reste plus qu’honorable. Mention spéciale à l’enthousiasme des cordes frottées : qu’il s’agisse de Gilone Gaubert-Jacques, au violon, ou d’Anne-Marie Lasla, à la viole, et malgré des parties souvent secondaires, l’engagement est aussi total que celui de Salomé Haller, prenant elles aussi part à la tragédie médéenne.

Si l’en est une qui y a pris part plus que toute autre, c’est Violaine Cochard, véritable Fée du clavecin, qui semble s’amuser dans les basses continues, y impliquer totalement sa personne, qui nous a offert avec les deux pièces de Duphly un très beau moment de musique, et dont on attend avec impatience la prochaine collaboration, après Couperin, à la discographie du clavecin français. Quel touché ! quel sens de l’exactitude ! On a l’impression d’un émerveillement de chaque instant, tant pour elle que pour nous.

Seul point noir de ce concert, les extraits de cet opéra inconnu, Medea in Atene, d’un inconnu, Giannetti, qui n’ont inspiré ni Salomé Haller, ni l’ensemble Amarillis, ni, à l’évidence, la salle. Heureusement, cette Medea était placée au début, et tout le reste du récital l’a pu faire oublier.

 

Loïc Chahine

 

 

 

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