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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert
Jean-Baptiste Lully, Cadmus & Hermione, Le Poème Harmonique, dir. Vincent Dumestre, Mise en scène, Benjamin Lazar
© Elisabeth Carecchio
Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Cadmus & Hermione
Tragédie
en musique de Jean-Baptiste Lully, sur un poème de Philippe Quinault écrit
d’après les Métamorphoses d’Ovide.
André Morsch, Cadmus Claire Lefilliâtre, Hermione Arnaud Marzorati, Arbas et Pan Jean-François Lombardi, Nourrice et dieu Champêtre Isabelle Druet, Charite et Mélisse Arnaud Richard, Draco et Mars Camille Poul, Amour et Palès Geoffroy Buffière, Le Grand Sacrificateur et Jupiter David Ghilardi, Le Soleil et Premier Prince Tyrien Romain Champion, Premier Africain et Envie Vincent Vantyghem, Second Prince Tyrien Luanda Siqueira, Junon et Aglante Eugénie Warnier, Pallas Tarik Bousselma, Second Africain Jeroen Bredewold, Échion Eugénie Lefebvre, L’Hymen Catherine Padaut, Vénus
Danseurs du Poème Harmonique Pierre-François Dollé, Caroline Ducrest, Robert Le Nuz, Alžběta Májová, Anna Romaní, Flora Sans, Gudrun Skamletz, Akiko Veaux
Chœur du Poème Harmonique Anne-Marie Beaudette, Corinne Fructus, Eugénie Lefebvre, Catherine Padaut (dessus), Raphaël Mas, François Pagot, Marie Pouchelon, Lucile Richardot (hautes-contre), Dominique Bonnetain, Albert Edelman, Teddy Henry, Michael Loughlin Smith (tailles), Jeroen Bredewold, Arnaud Cornil, Jean-Michel Durang, Vincent Vantyghem (basses)
Orchestre du Poème Harmonique Mira Glodeanu, Catherine Ambach, Johannes Frisch, Kate Goodbehere, Katharina Heutjer, Carmen Palma Moraga, Michele Party, Yolaine Wucher (dessus de violon), Bénédicte Pernet, Jorlen Vega, Hélène Lacrois (hautes-contre de violon), Justin Glorieux, Vojtech Semerad, Jérôme Van Waerbeke (tailles de violon), Françoise Rojat, Benoît Douchy, Alain Pegeot (quintes de violon), James Munro, Claire Gobillard, Annabelle Luis, Tormod Dalen, Hervé Douchy (basses de violon), Lucas Guimaraes-Peres, Martin Bauer (violes de gambe), Elsa Franck, Johanne Maitre, Béatrice Delpierre (hautbois et flûtes), Pierre Boragno (Cornemuse, flûtes et hautbois), Mélanie Flahaut, Jérémie Papasergio, Stéphane Tamby (bassons et flûtes), Gilles Rapin (trompette), Massimo Moscardo, Marc Wolff (théorbes), Samuel Domergue (percussions), François Guerrier, Frédéric RIvoal (clavecins)
Vincent Dumestre, direction musicale Benjamin Lazar, mise en scène Gudrun Skamletz, chorégraphie Adeline Caron, scénographie Alain Blanchot, costumes Christophe Naillet, lumières Mathilde Benmoussa, maquillage Daniel Bargier, chef de chœur
30 novembre 2010, Opéra Comique, Paris. Cadmus l’enchanteur Après une première production donnée en janvier 2008 et un DVD enregistré chez Alpha, la tragédie lyrique Cadmus et Hermione est remontée sur la scène de l’Opéra Comique pour cinq nouvelles représentations, avant d’investir l’Opéra de Rouen les 16, 17 et 19 décembre prochains. La salle était comble, comme l’on pouvait s’y attendre. Dans une société qui cherche toujours plus à tout contrôler et à ne connaitre que par la seule raison, les moments (vitaux !) de rêve et d’évasion poétique sont comme repoussés et bannis de la vie de l’homme moderne qui se doit d’être dans une activité perpétuelle. L’espace d’une soirée, le Poème Harmonique nous propose de renouer avec cette nécessité d’imaginaire par un voyage en terre mythologique. L’action se déroule en Grèce ; le prince égyptien Cadmus est épris d’Hermione, fille de Mars, retenue captive par un géant qui veut en faire son épouse et qu’encouragent les faveurs du dieu. Le prince va devoir surmonter plusieurs épreuves pour attester à la fois de son courage et de son amour. Sous les plumes de Lully et de son librettiste Quinault, cette trame assez commune donne lieu à un fantastique déploiement de déités volantes, de monstres cracheurs de flammes, d’amour parfois burlesque, de danses et d’airs entrainants, ainsi que de nombreux rebondissements. Entourés d’une équipe admirable dans tous les corps de métier, Vincent Dumestre et Benjamin Lazar parviennent à animer cet univers merveilleux et l’on ne peut résister à l’attraction qu’il exerce sur notre âme d’enfant, réprimée par les exigences et les habitudes de la vie.
© Elisabeth Carecchio Dès l’Ouverture, l’orchestre promet que le spectacle sera beau. Porté par la puissance des bassons et couronné de l’éclat des hautbois, il démarre l’action aussitôt et nous entraine à sa suite. Cette fougue narrative perdurera tout au long du spectacle, assurant un rôle moteur entre les parties chantées et le bon enchainement des différentes pièces. L’orchestration changeante renouvelle à chaque instant le caractère de l’œuvre de Lully ; les musiciens jonglent allègrement entre basson, flageolet, hautbois ou cornemuse, pour le plus grand plaisir de la vue et de l’ouïe. A cette riche pâte sonore, il manque cependant l’engagement des dessus de cordes qui restent parfois un peu en retrait des basses et des vents. Lorsque le rideau se lève, la magie du théâtre baroque opère instantanément. Les teintes de verts, de gris, de roses et de bleus sont magnifiées par l’éclairage chancelant des bougies ; cette atmosphère à la fois douce, chaleureuse et pleine de lumière flatte le regard par la variété infinie de ses contrastes. L’or du Soleil, des danseurs (Acte II, Scène 6) et des décors vient ourler ces couleurs soyeuses, dénuées du caractère agressif que leur donnerait éclairage électrique. Au sein de ce décor précieux évoluent les différents personnages, vêtus de costumes aussi riches que divers. Si les chanteurs ne présentent dans l’ensemble pas de faiblesses vocales notoires, nous restons quelque peu désappointés par la petitesse du son de la plupart, qui doit sans doute être imputée à l’importance des décors et à la place des chanteurs sur scène. Arnaud Marzorati, le premier, se singularise par une émission plus puissante et par la force de sa présence scénique. Incarnant successivement le dieu Pan et Arbas, valet de Cadmus, c’est vraiment dans la personne de ce-dernier qu’il trouve matière à expression de ses multiples talents de comédien et de chanteur. Passé maître dans l’art de la pantomime, il exacerbe les caractéristiques de son personnage de serviteur couard, vaniteux et grotesque par des jeux d’opposition et de contrastes, mais sans jamais céder à la vulgarité ou à la facilité. Le baryton est ainsi parvenu au subtil équilibre d’une voix agile et bien posée alliée à un jeu scénique très engagé au service du texte et de la musique. Le contre-ténor Jean-François Lombardi le poursuit dans son rôle de vieille nourrice et le presse par sa voix suave de céder à ses charmes, donnant lieu à des échanges piquants et pleins d’humour ("Quand tu parlois seul à Charite/Le temps ne pressait pas tant. /Quel charme a-t’elle qui t’attire ?/Qu’ay-je qui te fait t’en aller ? – J’avais à lui parler, / Je n’ay rien à te dire." Acte II, Scène 2) ; tous deux forment un couple qui contrebalance la gravité des cœurs de Cadmus et d’Hermione et atténue l’impression de tragique.
© Elisabeth Carecchio Les deux personnages princiers cultivent un amour épuré et plein de noblesse, comme en témoigne la scène de leur séparation, avant le début des épreuves (Acte II, Scène 4). Dans un sombre écrin de lumière légèrement dorée, ils se livrent à des adieux difficiles, poignants de sincérité. Attentive, la salle reste dans l’admiration de ces élans de tendresse, palpitant de soupirs et de silence. Le timbre charnu de Claire Lefilliâtre exalte le courage d’Hermione avec grâce, et si les ornements de la chanteuse surprennent parfois par leur analogie avec ceux des airs de cour (Acte I, Scène 3), celle-ci témoigne durant ses rares apparitions d’une grande prestance et d’une remarquable compréhension de son personnage. Saluons à présent le Cadmus d’André Morsch, remarquable sur tous les points. Germanophone d’origine, il est celui dont le travail déclamatoire est le plus abouti, soutenu par une voix riche, bien projetée et une gestuelle éloquente. Acteurs silencieux mais ô combien nécessaires, les danseurs se meuvent avec une extrême légèreté. Chacun de leur mouvement est souple et soigné avec délicatesse, même lorsqu’il s’agit de danses animées comme la chaconne des Africains (Acte I, Scène 4) rythmée par le froufrou des costumes. Cette première tragédie lyrique se présente donc comme la quintessence des arts cultivés par le XVIIe siècle français ; musique, théâtre, littérature et danse s’unissent pour donner naissance à un spectacle vivant exerçant une grande fascination sur les cœurs et les esprits. Tout y est codifié avec rigueur (pensons à la gestuelle par exemple) ; le Poème Harmonique transmet pourtant une impression de naturel et de spontanéité qui rend cette œuvre enchanteresse. Espérons que le "Carnaval Baroque" des 22 et 23 décembre prochains nous permettra, à l’instar de Cadmus et Hermione, de replonger dans nos rêves d’enfant et d’en ressortir le cœur aussi gai et léger.
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