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6 janvier 2014

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Chronique Festival

 

L'Itinéraire

 

Itinéraire Baroque en Périgord vert, édition 2012

 

Mathilde Vialle © Daniel Batail

 

Eglise de Mareuil-Sur-Belle : Cornet Fantasia en Sol Majeur, Anonimo Tiento En Sol Mineur, Buxtehude "Wie Schön Leuchtet der Morgenstern", Bach, Pastorale en Fa Majeur BWV 590, Ton Koopman, orgue

 

Église de Connezac : "La Cinquième Corde", Bach, Suite Pour Violoncelle n°6, Piroska Baranyay, violoncelle baroque

 

Église des Graulges : Nord-Sud : Musique des Confins de l’espace alémanique, Biber, Nisi Dominus, Sonate du Rosaire n°12 "L’ascension", Buxtehude,  "Auf Meinen Lieben Gott", Bruhns, Cantate "Mein Hertz Ist Bereit", Ensemble Colcanto

 

Église d’Argentine – La Rochebeaucourt : "Oh! Solitude" Purcell, Chants et musique instrumentale, Nicolas Achten, Baryton et Harpe Triple

 

Église De Saint-Pardoux-De-Mareuil : "Komm, Liebe Zither, Komm", Haydn, Cupido / Die Verlassene / Die Zu Spaëte Ankunft Der Mutter ; Zelter : Beruhigung / Neue Liebe, Neues Leben / Abendlied ; Mozart : Rondo in La mineur / Andante / Komm, Liebe Zither, Komm / Des Kleinen Friedrichs Geburtstag / Als Lusie Die Briefe Ihres Ungetreuen / Liebhabers Verbrannte / Sehnsucht Nach Dem Fruhlinge, Bettina Pahn, soprano, Tini Mathot, pianoforte

Église De La Chapelle-Montabourlet : "La Rêveuse" pièces de viole de Marais, Les Festes d’Euterpe, Jean-Miguel Aristizabal, clavecin, Thibaut Roussel, théorbe, Mathilde Vialle, viole de gambe

Itinéraire baroque
Samedi 28 juillet 2012, de 9h45 à 18h15

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C’est en fuyant un menu crachin que les spectateurs matinaux se pressent en l’église de Mareuil. Ton Koopman va donner le concert d’ouverture de cette longue journée. D’aucuns la comparent à un marathon mais, quitte à chercher l’analogie sportive, on parlera plutôt de "steeple", cette course de fond agrémentée de haies et de bassins, dont l’adaptation au décor casse la monotonie. Avant chaque concert on aura en effet le loisir d’admirer les églises et l’on pourra bénéficier d’une présentation de leur histoire et de leurs particularités architecturales. Ces allers-retours permanents entre le son et la pierre, entre le temps et l’espace, auront le mérite de rafraîchir à chaque fois les  esprits et les oreilles. Mais les applaudissements accueillent à présent celui qu’on appelle ici "Ton", tout simplement. Cornet, Buxtehude et Bach sont au programme de ce court récital d’orgue marqué encore une fois par l’enthousiasme du musicien Néerlandais. L’Itinéraire Baroque en Périgord Vert commence. Les voitures démarrent, les co-pilotes tiennent solidement leurs feuilles de route et, divisés en cinq groupes, le public entame son parcours. Dispersés en différentes églises, des musiciens attendent qui joueront cinq fois de suite leur concert avec la même assiduité.

Jeune ensemble Bordelais, Les Festes d’Euterpe nous propose un programme autour de Marin Marais intitulé La Rêveuse où l’on entendra aussi L’Attendrissante de François Couperin. À lire l’intitulé on ne s’attend pas à une explosion de violente frénésie et l’on ne sera ni surpris, ni déçu. Le prélude de la première suite en la mineur est absolument envoûtant et l’on est tout de suite sous le charme du son et du toucher de Mathilde Vialle à la viole de gambe. Douceur, moelleux, justesse, qualité du vibrato et précision : la jeune musicienne est à l’évidence en son élément dans ce répertoire et cette configuration intimiste. Jean-Miguel Aristizabal au clavecin et Thibaut Roussel au théorbe la secondent parfaitement et, se partageant parfois le continuo comme dans Le tombeau de Monsieur de Sainte Colombe, confèrent à l’ensemble une magnifique osmose. L’assistance pourra aussi profiter de leur sensibilité artistique dans les quelques interventions solistes qui jalonneront le spectacle. On se prendra à rêvasser dans les dernières minutes, mais sûrement pas d’ennui. Les musiciens ont simplement accompli le dessein onirique énoncé dans le titre.

En découvrant après un périple à travers bois l’étonnante église de Saint-Martin d’Argentine, improbable et perchée sur son plateau, on s’imagine bien y rencontrer un genre d’ermite, un mystique ou un original offrant sa sagesse aux éventuels voyageurs ici égarés. On ne se trompe pas complètement. Fondateur de l’ensemble Scherzi Musicali, le baryton Nicolas Achten se présente seul avec sa harpe et son grand sourire. Communiquant volontiers avec le public, il explique sa démarche et les spécificités de la harpe triple avec plaisir et naturel. Comme aux temps de leur écriture, il va nous chanter des songs de Purcell en s’accompagnant lui-même. Les arpèges qu’il distille avec assurance sont pour sa voix un écrin idéal. Techniquement très sûr, sans forcer plus que nécessaire il saura monter joliment dans les aigus sur le fameux Music for a while, par exemple, et réserver au public des moments d’une grande finesse, comme la fin de Oh solitude ! où cette note tenue longuement et doucement aura pour juste réponse de bruyants et chaleureux claquements de mains.

Nicholas Achten © Philip Van ootegem - 2012

En face du château de Connezac il y a une église et, charmante coïncidence, cette église s’appelle Saint-Martin de Connezac. L’Histoire fait parfois très bien les choses. Dans sa grande sagesse, l’Histoire a aussi offert à certains compositeurs le confort d’un anonymat bien mérité, comme elle a permis à la musique de Bach de résonner encore aujourd’hui. C’est la sixième suite pour violoncelle BWV 1012 que l’on s’apprête à entendre. Celle qui nécessite une cinquième corde. Bach n’était pas avare de matériel. Le début du prélude est prometteur et l’on doit reconnaître à Piroska Baranyay une belle vigueur rythmique. Elle attaque cette oeuvre fameuse avec l’envie de faire sonner chaque note dans une interprétation sobre, solide et charpentée. Des harmoniques intempestives se font toutefois entendre et à plusieurs reprises on aura à regretter quelques accrocs et approximations, largement pardonnables au regard des particularités du violoncelle baroque, mais qui nous sortiront un peu l’oreille de la musique.

A peine est-on de nouveau immobile en l’église Saint-André des Graulges que l’ensemble Colcanto nous convie à un nouveau voyage aux "confins de l’espace Alémanique" chez des compositeurs de la fin du dix-septième siècle. On est frappé dès le Nisi Dominus de Biber par la virtuosité de la violoniste Christiane Gagelmann. Dégageant une incroyable impression de facilité, elle semble diriger l’ensemble avec grâce et naturel au point qu’on reste un moment trop concentré sur sa prestation. Celle de Manfred Mitterbauer au chant est pourtant remarquable dans cette même œuvre ainsi que dans la cantate Mein Herz ist bereit de Nicolaus Bruhns. Il use sans exagération de son timbre chaleureux et l’on restera séduit par ce sens de la mesure et la pureté de son interprétation auréolée d’une impeccable justesse et d’une grande sûreté rythmique. Un choral de Dietrich Buxtehude à l’orgue positif et un extrait des Sonates du Rosaire de Biber sauront également convaincre chacun du talent de Bernhard Prammer et de Julia Reiter et, plus globalement, de la très grande qualité de cet ensemble.

Ton Koopman & Tini Mathot © Marco Borggreve

Mozart est-il baroque ? Lancez le débat à une poignée de musicologues éméchés, et vous assisterez sans doute à un concerto d’étripage en règle, en priant pour n’avoir pas à commander un nouveau requiem. Mais après une aussi gargantuesque et baroqueuse journée l’heure n’est plus à de telles questions, et quelques lieder dits "classiques" sont les bienvenus pour effacer un peu le "1600" et le "1750" qui commençaient à s’inscrire au fond de nos oreilles. Nous retrouvons Bettina Pahn dans un répertoire qu’elle semble affectionner particulièrement, le lied avec pianoforte du dix-huitième siècle. Enjouée et dans son élément elle va interpréter des oeuvres de Mozart, donc, mais aussi de Haydn et de Zelter avec maîtrise et légèreté. Parfaitement juste et dans une diction très vivante elle enchaînera ces petites pièces sans jamais lasser, bien soutenue par le très beau son du pianoforte et le toucher délicat de Tini Mathot qui nous gratifiera d’un petit Rondo en la mineur KV511 en guise d’interlude instrumental. Baroque ou pas, ce concert est une réussite et se termine dans les sourires partagés des musiciennes et du public.

C’était une belle journée. Demain l’on jouera du Charpentier pour clôturer la semaine en beauté. Quand ils ont fondé cet Itinéraire Baroque il y a dix ans, Robert-Nicolas Huet et Ton Koopman n’imaginaient peut-être pas le voir s’étoffer autant et avec autant de succès. Il est en tout cas resté un festival à échelle humaine, de grande qualité, et profondément attachant.

Gilles Grohan

 

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Site officiel du Festival : www.itinerairebaroque.com

 

 

 

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