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6 janvier 2014

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Chronique Festival

 

"Chacun sait que le Périgord est un endroit charmant."

Prélude à l'Itinéraire Baroque en Périgord vert, édition 2012

Gustav Leonhardt en 2008 - D.R.

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On trouvera toujours un Lapon, un Ouzbek ou un Charentais pour l’ignorer mais, globalement, chacun sait que le Périgord est un endroit charmant. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il est multiple. A tel point qu’on trouve des Périgord de toutes les couleurs. C’en est fascinant. Blanc, noir, vert, rouge... Ces terres sont pleines de ressources chromatiques. C’est ainsi que L’Itinéraire baroque en Périgord vert donne à entendre, bien sûr, mais aussi à voir, tracé qu’il est dans cette riche et complexe végétation ou l’Histoire, comme pour ne pas perdre son chemin, a semé tant de vieilles pierres. Châteaux, manoirs, églises romanes et autres vestiges sont bien plus, nous le verrons, qu’un élément de décor.

Bien qu’il se soit étoffé depuis sa création en 2002, le principe du festival est resté le même : les spectateurs profitent du paysage et, surtout, d’une très belle programmation musicale distillée au fil des bourgs et des hameaux. Comme les musiciens ils bénéficient aussi de la gentillesse et de la compétence des nombreux bénévoles, prêts à se plier en quatre, en huit ou en seize pour le bien-être de chaque participant. Toujours sous la direction artistique de Ton Koopman, l’édition 2012 se présente comme un hommage à Gustav Leonhardt. Bach, bien sûr est au programme, avec quelques œuvres fétiches du maître néerlandais disparu cette année, mais on aura aussi de la musique médiévale, du baroque français, et même un peu de Mozart !

Brantôme © Muse Baroque, 2010

A vrai dire on trouvera de tout. Un théorbe et des harpes. Des spécialités locales à déguster. Des musiciens promenant leurs queues-de-pies en un cadre champêtre. D’honnêtes gens allongés dans l’herbe. Du soleil et des romances judéo-espagnoles. Une tonnelle blanche au milieu d’un pré. Ton Koopman mimant la guillotine. De tout, vous dit-on. Pourquoi donc la guillotine ? Il faut vous imaginer une table ronde autour d’un thème. Par exemple « Le renouveau du clavecin de Landowska à Leonhardt ». Mettons que cette table ronde ait lieu sous une tonnelle blanche au milieu d’un pré. D’honnêtes gens sont peut-être allongés dans l’herbe. Quelqu’un vient de poser une question à Benjamin Alard sur la part de liberté dans l’interprétation du claveciniste. Au fil de la discussion, Ton Koopman en vient à cette anecdote sur Gustav Leonhardt : quand on lui parlait de « rubato » ou de « liberté » rythmique, il disait que l’on était libre, certes, mais que le temps revenait, régulier, comme un couperet, et qu’il fallait tout de même retomber dessus. Et le musicien d’imiter une guillotine avec son bras droit retombant, implacable mais mesuré, laissant debout les petites bouteilles d’eau disposées sur la table. « Tu peux voler du temps, mais tu dois le rendre ensuite, tu dois être un voleur correct », ajoutait Leonhardt.

Ton Koopman © Accent Tonique, 2012

Les anecdotes et les surprises ne manquent pas, tant ce festival cultive sa singularité. On aura notamment le plaisir d’assister entre deux concerts à une conférence sur la construction des églises. On se doute qu’elles n’ont pas poussé toutes seules, comme des baobabs au milieu d’une place de village. On les imagine bien avoir eu leurs maîtres d’œuvre et leurs ouvriers. Mais on n’en sait pas beaucoup plus. De son propre aveu, Alain de la Ville ignore aussi bien des choses. C’est pourtant avec érudition et compétence que cet architecte passionné va nous parler pendant une heure, évoquant le financement, l’organisation, les problèmes techniques à surmonter pour ces bâtisseurs d’un autre âge. Il nous entretient du génie de tous ces anonymes, éleveurs de voûtes, tailleurs de pierres et virtuoses de la corde à nœuds, dont l’impressionnante collection d’outils spécifiques fait encore écarquiller les yeux.

En un mot il nous parle d’ingéniosité. Et l’on se dit que cette ingéniosité n’est pas très différente de celle d’un grand musicien. On reconnaît déjà un compositeur à ses intentions et, parfois, au charme inexplicable de ses mélodies. Mais quels problèmes doit-il résoudre pour que cette magie tienne debout et se développe avec cohérence... Quel tour de main, quel savoir-faire et quelle transpiration faut-il pour bâtir une fugue ou un oratorio... Quelle ingéniosité fallait-il à un artiste du moyen-âge ou du dix-septième siècle pour gérer tout à la fois le contrepoint, l’harmonie et les couleurs, armés d’une simple plume et d’instruments à la facture encore imparfaite... Non, la pierre n’est pas qu’un élément de décor. C’est une très parlante chambre d’écho.

Gilles Grohan

 

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Site officiel du Festival : www.itinerairebaroque.com

 

 

 

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