Chronique Concert
All’improviso :
Chaconnes, bergamasques et un peu
de folie...

©
Ribes & VO Van Tao
Lucilla
Galeazzi : A vita bella
Maurizio
Cazzati : Ciaccona
Improvisation : Follia
Lucilla
Galeazzi : Voglio una casa
Claudio
Monteverdi : Ohimè ch’io cado
Giovanni
Girolamo Kapsberger : Toccata Arpeggiata
Luigi
Pozzi : Cantata sopra il Passacaglio
Marcello
Vitale : Tarantella a Maria di Nardo
Traditionnel des Pouilles : La Caprinese
Improvisation : Bergamasca ; Canario
Claudio
Monteverdi : Si dolce e ’l tormento
Andrea
Falconiero : Suave Melodia
Lucilla
Galeazzi : Sogna, fiore mio
Traditionnel : Tarantella italiana
Marcello
Vitale : Moresca
Mattei /
improvisation : La dia spagnola
Barbara
Strozzi : L’Eraclito amoroso
Giovanni
Felices Sances : Presso l’onde tranquillo
Improvisation : Turlurù
Kapsberger /
improvisation : Kapsberger
Improvisation : Ciaccona
Improvisation : Ninna nanna sopra la Romanesca
Philippe
Jaroussky, contre-ténor
Lucilla
Galeazzi, chant
Gianluigi
Trovesi, clarinettes jazz
Christina
Pluhar, théorbe et direction
Anna Dego,
danse
L’Arpeggiata
9 juin 2008,
Cité des Congrès, Nantes

Melting pot
Voici
un concert qui ne se raconte pas, il fallait y être. Et puisque le Printemps
des Arts avait investi pour l'occasion la salle 800 (soit près de deux fois
plus de places qu’au Musée des Beaux-Arts), beaucoup y étaient. Que faire
alors pour en donner un compte-rendu ? Faudrait-il passer en revue tous les
morceaux, alors que c’est avant tout une impression d’ensemble qui a séduit,
et conquis l’ensemble du public ?
Il faut bien avouer que la majorité des
personnes présentes étaient venues écouter Philippe Jaroussky.
Pourtant, c’est le groupe entier qui a plu, avec L’Arpeggiata, sa
chanteuse “populaire”, son clarinettiste, son contre-ténor voire... sa
danseuse. Sur ce dernier point, force est de constater que les danses
n’eurent pas le succès escompté, apportant peu à la musique et au spectacle,
tout en n’étant même pas esthétiques à contempler. Quoique... lors d’un bis
qui restera sans doute fameux, Philippe Jaroussky est venu sur scène dansant
à la manière d'une parodie en tenant une robe qu’il ne portait d'ailleurs
pas, ce qui a provoqué un grand moment d’amusement.
La reine de la soirée semble avoir été
Lucilla Galeazzi. Dès les premiers mots du premier morceau - chantés
hors scène, et qu’on entendait se rapprocher depuis le lointain - jusqu’aux
derniers du dernier bis, l'artiste a su nous captiver avec un chant
sensible, simple, et beau, un art de s’impliquer et d’impliquer le public,
réussissant même à faire chanter toute la salle en reprenant “Volgia una
casa” en bis, un exploit dans un concert a priori "classique" qui
rappelle qu’aux XVIIème et XVIIIème, le public
chantait ou parlait. Si cette deuxième pratique est relativement bien
conservée, on observe aujourd’hui plus rarement la première.
Quel ravissement aussi, que d'entendre
ce numéro d’improvisation sur “Turlurù” avec Gianluigi Trovesi
finir par un pied de nez ! La clarinette jazz a dans l’ensemble su se placer
au bon moment, et Trovesi, d’une sobriété assez étonnante dans sa personne,
avec un jeu gardant la bonne mesure, a très bien su percevoir le moment où
mettre « un peu de folie », comme disait le programme. Seul raté, le premier
“Ohimè ch’io cado”, où la fusion Arpeggiata – clarinette – Jaroussky n’a pas
opéré. Heureusement, il a été repris en bis, et avec tant de justesse que
cette performance additionnelle effacait aisément dans notre mémoire l'autre
essai.
Jaroussky y a fait preuve de son humour
en essayant, à l’exemple de Lucilla Galeazzi, de faire chanter la
première phrase de la belle pièce de Monteverdi au public nantais, sans
autre réponse, évidemment, que des rires. Les premières interventions du
célèbre contre-ténor n’ont pas tant enchanté que celles de Lucilla, mais il
a livré un morceau d’anthologie avec son improvisation jazzy au milieu de
“Presso l’onde tranquillo”. L’Eraclito amoroso était aussi, bien que plus
sobre, un beau moment. Hélas, le programme n’a pas jugé utile d'en donner le
texte ni la traduction. Dans l’ensemble, on regrettera tout de même un
certain manque de sincérité et un air un peu trop poseur, contrastant avec
la spontanéité de Luccilla Galeazzi. Là encore, ce sont les bis qui ont
beaucoup apporté sur ce plan.
Pari gagné, en tout cas, pour L’Arpeggiata,
qui a amplement démontré sa maîtrise et son talent. En effet, il faut
faire preuve d'un certain génie pour pouvoir improviser ainsi en groupe et
réussir à fusionner des styles si différents, même si l’on imagine le
travail qu’il peut y avoir derrière. On regrettera néanmoins une erreur de
placement stratégique de la violoniste Aira Maria Letipuu qu’une
grande partie de la salle a très mal entendue : pourquoi diable aller la
mettre presque de dos ? D’autant que ce qu’on a réussi à entendre laissait
deviner qu’on ratait quelque chose !
Découverte pour certains, confirmation
pour d’autres, la soirée aura été riche pour tous, et l’enthousiasme total,
tant du côté des musiciens que de l'auditoire.