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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Festival "Héroïnes en musique" Guillemette Laurens La Simphonie du Marais, dir. Hugo Reyne
Guillemette Laurens © Thomas Bartel (recadrée et N&B pour raisons éditoriales)
"Héroïnes en musique"
Jean-Baptiste Lully : Atys (Ouverture ; Ritournelle et air de Cybèle "Espoir si cher et si doux") Jean-Baptiste Lully : Armide (Sommeil de Renaud ; Prélude et récit d’Armide "Enfin, il est en ma puissance") Marc-Antoine Charpentier : Médée (extraits des scènes 3 à 5 de l’acte III) Jean Racine : Iphigénie (monologue d’Iphigénie, déclamé) Georg Friedrich Händel : Giulio Cesare (Sinfonia ; Récitatif et air de Cléopâtre "Piangerò la sorte mia") Henry Purcell : Dido and Aeneas (Ouverture ; Récitatif et air de Didon "When I am laid")
Guillemette Laurens, mezzo-soprano
La Simphonie du Marais : Stéphan Dudermel, François Costa, violons Diane Chmela, alto Annabelle Louis, violoncelle Yannick Varlet, clavecin
Hugo Reyne, flûtes à bec, hautbois et direction
Vendredi 13 mai 2011, 20h30, Nantes, Musée des Beaux-Arts Concert d'ouverture du 28ème Printemps des Arts de Nantes "Enfin il est en ma puissance..." Pendant qu’à l’Opéra-Comique on rejouait l’Atys de Christie-Lancelot-Villégier, nous étions avec deux des interprètes de la "première version" de cette production : Hugo Reyne et Guillemette Laurens. De l’eau a coulé sous les ponts depuis 1987 : Hugo Reyne joue toujours de la flûte à bec, mais il dirige aussi, et a lui-même enregistré une autre version d’Atys ; quant à Guillemette Laurens, elle chante toujours et a interprété bien d’autres héroïnes tragiques que cette Cybèle. C’est avec Atys que le concert commence, par ce qui est intitulé "prologue". En effet, le programme a été imaginé pour répondre à l’exposition organisée par le Musée des Beaux-Arts de Nantes sur les représentations, dans la première moitié du XVIIIe siècle, de scènes de tragédies (en musique ou pas) par Coypel, Van Loo et Troy. La suite du concert, découpée en cinq actes, nous présente donc successivement Armide, Médée, Iphigénie, Cléopâtre et Didon. Commencer par Atys, qui n’est pas illustré dans l’exposition nantaise, par son ouverture et par l’air de Cybèle "Espoir si cher et si doux" (acte III, sc. 8), avec un effectif réduit, minimal même, est une gageure. Mais dès les premières mesures, la musique est là, qui sonne, qui émeut. Les six musiciens de La Simphonie du Marais donnent de cette ouverture une lecture chambriste, hautement convaincante par la qualité des intervalles, la justesse du phrasé et des intonations, mais aussi par sa grande sobriété — des qualités que l’on retrouve tout au long du concert. Le son est beau comme il l’a rarement été. Stéphan Dudermel sublime sa partie de premier violon comme peu savent le faire, et comme Hugo Reyne le fait avec ses flûtes, n’hésitant pas à laisser le dessus au seul violon pour jouer une partie d’alto dans les airs de Médée, avec une flûte basse — idée extrêmement judicieuse qui apporte une sonorité particulière à ces pièces. Les parties intermédiaires sont discrètes mais présentes ; la basse toujours sûre. Dans les récitatifs de Médée, Yannick Varlet parvient à introduire avec seulement un clavecin (pas de théorbe, pas de luth) une grande variété dans le continuo. Qu’en est-il de Guillemette Laurens ? La voix est toujours étonnamment belle et fraîche. Bien sûr, les aigus sortent parfois en force. Le vibrato est quelque peu envahissant en plus d’un endroit, perdant parfois la ligne... et le texte. Mais ces défauts ne sont que bien ponctuels. Certes, l'on pourrait souhaiter plus de nuances, mais pas plus de drame. Car assurément Guillemette Laurens fait avec son chant le théâtre, incarne les personnages dans toutes leurs passions. Le monologue d’Armide "Enfin, il est en ma puissance" (acte II, sc. 5) est chanté assez rapidement, mais avec une intensité rare. On reste stupéfait également par la partie rapide du "Piangerò" de Giulio Cesare : les vocalises sont d’une tranchante précision. Quand à la mort de Didon, elle nous rappelle — rappelle, car le disque nous l’avait déjà appris — que Guillemette Laurens est l’une des grandes Didon de notre siècle, qu’elle est pour ce rôle, à côté d’interprètes illustres du passé, comme Kirsten Flagstad, et du présent (Stéphanie d’Oustrac), une référence. On oubliera en revanche le monologue de l’Iphigénie de Racine (acte III, sc. 6) ; déclamer sans chanter est un autre métier, surtout sans l’aide d’un metteur en scène avisé. Tout cela, sans doute, n’est pas irréprochable. Oui, parfois un peu plus de piano dans les aigus de Guillemette Laurens, oui, un peu plus de puissance dans La Simphonie du Marais eût été appréciée. Mais enfin, l’essentiel est là : la musique, le théâtre, les passions. La Simphonie du Marais et Guillemette Laurens nous prouvent avec ces "Héroïnes en musique" que tragédie ne rime pas avec multitude, et qu’un petit nombre de musiciens sincères et authentiques peut parvenir aux expressions les plus touchantes ; ils nous montrent qu’il n’est pas besoin d’excès pour émouvoir.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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