Rechercher
- Newsletter
-
Qui sommes-nous ?
-
Espace Presse - FAQ
-
Contacts -
Liens
- |
mise à jour 6 janvier 2014
|
Chronique Concert Haendel, Rinaldo Accademia Bizantina, dir. Ottavio Dantone
Ottavio Dantone - D.R. Georg Frederic Haendel
Rinaldo Opera seria en 3 actes sur un livret de Giacomo Rossi d'après Anton Hill
Varduhi Abrahamyan, Rinaldo
Accademia Bizantina Direction Ottavio Dantone
2 octobre 2009, Théâtre des Champs Elysées, Paris "Tanto ardici, arrogante ?" (Armida)
Rinaldo fut le premier opéra crée par Haendel sur le sol anglais, représenté à 15 reprises au Queen's Theatre de Londres en 1711. Œuvre pyrotechnique, d'une bouillonnante inventivité, où le jeune Haendel utilise une gamme de couleurs orchestrales extrêmement large, l'opéra héroïque s'inspire de la Jérusalem Délivrée du Tasse et, quoiqu'il porte le nom du héros chrétien, brosse avec complexité et tendresse le portrait de la magicienne torturée.
Ottavio Dantone a décidé de pratiquer quelques coupes dans l'œuvre, justifiées sans doute par une plus grande urgence dramatique pour une version de concert. Passée l'ouverture un peu guidée et où les cordes de l'Accademia Bizantina n'ont pas encore eu le temps de s'épanouir, Ottavio Dantone prend le drame à bras le corps, et enchaîne avec force les numéros, imprimant des tempi allant et décidés à un opéra qui, sous sa houlette, revêt sa cuirasse épique, aidé en cela par une distribution homogène et investie.
Il faut bien avouer que le preux paladin campé par Varduhi Abrahamyan a mis du temps à convaincre. Le timbre, androgyne et cuivré, d'un bronze qui n'est pas sans rappeler une Marijana Mijanovic en plus voilé, est tout à fait idoine pour le rôle. Toutefois, l'artiste à la voix très mate a fait d'abord preuve d'une émission imprécise, comme embuée, manquant de précision et d'assise, mais avec une indéniable prestance. Le "Cara sposa" tant attendu est parfaitement exécuté, mais émotionnellement vague, l'incarnation un peu monolithique, tout comme le "Cor ingratto". Ces réserves se dissipent lors du 3ème acte, franchement splendide, avec un "Or la tromba" d'anthologie, martial et virtuose, d'une fierté arrogante, d'une déconcertante facilité et au da capo frénétique.
Et il y a l'Armide de Karina Gauvin, impériale, écrasante de haine, écrasée par l'amour, redoutable et touchante à la fois. Techniquement, la soprano au timbre riche et nuancé, puissante et altière, se laisse parfois emporter par son investissement théâtral. Ainsi, les coloratures de "Furie terribili" ne sont pas toujours bien placées, et l'on surprend de temps à autre la grande chanteuse à devancer l'orchestre, ou à jeter d'un geste rageur ses rangées de double-croches sans asseoir les notes, ce qui provoque ça et là des aigus tirés. Mais quelle incarnation, quelle vie, quelle ivresse furieuse ! La magicienne sarrasine s'avère - et de loin - le personnage le plus humain et le plus intéressant de l'œuvre qu'elle porte par la violence de ses passions. Un duo "Fermati - No crudel" noble et menaçant, un "Vo' far guerra" musclé, et surtout le "Ah! crudel, il pianto mio" désolé, en apesanteur, avec son orchestre soudain enveloppant, illustrent le talent tragique de Gauvin.
Christophe Dumaux n'est jamais plus à l'aise que quand il peut surjouer les "bad guys" haendéliens, comme son Ptolémée chez Giulio Cesare l'avait démontré (Glyndebourne, captation DVD Opus Arte). Ici, le voici du bon côté et le contre-ténor s'en amuse, campant un Godefroy petit bouillon, assez carton-pâte ("No, no quest' alma"), d'une agilité vocale certaine, un peu instable et changeant, un brin ironique.
Quant à la belle Almirena, fiancée de Renaud, confessons que vocalement Rinaldo aurait plutôt dû s'éprendre d'Armide... Non que la prestation de Maria Grazia Schiavo manque de charme, mais cette voix agréable et bien projetée demeure néanmoins forcée dans les aigus, aplatie dans les graves. L'air "Augelette" normalement champêtre et galant (superbe flûte obligée) est fêlé dans les aigus et croulant sous une ornementation tellement florissante qu'elle en devient excessive, d'autant plus qu'elle touche même la section initiale de l'air. On relève cependant un "Lascia ch'io pianga" inégal, avec une première section lyrique et ronde, puis une reprise tournant encore une fois à vide sous les fioritures pléthoriques.
Enfin, l'Argante d'Alain Buet est... embué. Le timbre est riche et chaud, un peu rocailleux mais l'émission trop large, le phrasé emphatique et trop legato, le vibrato parfois mal contenu ("Sibillar gli angui d'Aletto") trahissent un style plus tardif. Peu effrayant, un rien bougon, cet Argante même dans ses airs guerriers peine à s'imposer, et accrédite l'hypothèse d'une marionnette dominée par Armide.
Dantone - qui ne résiste pas à prendre lui-même le clavier dans le solo du "Vo' far guerra" - mène ce petit monde avec délectation et énergie. L'Accademia Bizantina révèle un son plein, opulent, un brin narcissique du côté des instruments obligés, très martial et dynamique, tout en maintenant savamment quelques moments de suspension. Les basses sont très bien pulsées, le continuo disert, le noyau de cordes compact et ferme.
Et en sortant du TCE, après des rappels aussi nombreux que mérités, on sifflote son "cara sposa" le cœur aussi délivré de ses soucis que la Jérusalem du Tasse.
|
Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
|