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Chronique Concert

Haendel, Jephta

Opera Fuoco, dir. David Stern

 David Stern © Johann Grimm

Georg Friedrich HAENDEL (1685 - 1759)

 

Jephta (1751)

Drame lyrique en trois actes, HWV 70, sur un livret de Thomas Morell.

 

Solistes :

Paul Agnew (Jephta), Lisa Larsson (Iphis), Guillemette Laurens (Storgè), Alan Ewing (Zebul), Louise Innes (Hamor), Daphné Touchais (un Ange)

 

Choeur et Orchestre Opera Fuoco

Direction : David Stern

 

2 avril 2009, Théâtre des Champs-Elysées, Paris

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Un sacrifice évité de justesse...

Jephté fut le dernier opéra composé par Haendel. Le maître était déjà à demi-aveugle, et il eut les plus grandes difficultés physiques à venir à bout de son œuvre. Comme Semélé ou Hercules, celle-ci se situe dans la lignée des opéras-oratorios du compositeur. Elle se caractérise toutefois par des arias assez longs, très peu d'ensembles et une forte présence des chœurs, exacerbant les parti-pris de la musique lyrique haendélienne : c'est une œuvre forte et exigeante, véritable testament musical du compositeur.

L'argument, tiré de l'Ancien Testament, est assez épuré. Après l'ouverture, Zebul exhorte les Israëlites à se soulever contre les Ammonites, et à offrir le commandement de la révolte à son demi-frère Jephté. Hamor aime Iphis, fille de Jephté, et lui propose le mariage. Celle-ci décide de le reporter après le combat annoncé. Jephté, qui a accepté de conduire son peuple, prononce alors un vœu : s'il est victorieux, il sacrifiera à Jéhovah la première créature qui se portera à sa rencontre. Au second acte, Hamor annonce la victoire de Jephté. Tandis que le chœur loue l'évènement, Iphis et sa mère Storgè s'apprêtent à accueillir le vainqueur. Iphis s'avance en tête du cortège. Jephté, horrifié, révèle son terrible serment. Hamor offre alors d'échanger sa vie contre celle d'Iphis, mais celle-ci se prépare avec sérénité à son sort. L'acte s'achève sur un chœur magnifique. Au troisième acte, alors que le sacrifice se prépare, le chœur implore le Ciel de se manifester. Un ange apparaît, qui porte la volonté divine : Iphis ne doit pas être immolée, elle doit vivre, pure et vierge, pour se consacrer à Dieu. Jephté, Storgè, Zebul et Hamor rendent grâce à cette fin heureuse, tandis que le chœur célèbre le triomphe de la vertu.

A la tête de l'orchestre Opera Fuoco qu'il a créé en 2003, David Stern fait preuve d'une bonne maîtrise : direction incisive, sens des nuances (en particulier dans le magnifique trio des vents, au deuxième mouvement de l'ouverture). De l'orchestre se dégage une force et une homogénéité qui le propulsent quelquefois un peu trop en avant de la voix des chanteurs, voire des choeurs. Les choeurs sont de qualité, particulièrement dynamiques dans les passages à plusieurs voix.

Mais cette direction ne parvient pas à se départir d'un certain sentiment de superficialité : genre de l'oratorio, absence de mise en scène, allées et venues un peu hiératiques des chanteurs, gestuelle trop exhubérante du chef ? On ne "rentre" vraiment dans l'oeuvre qu'à partir des deux grands airs de Jephté au second acte. Mais alors, quel régal ! Inspiré par la verve communicative de Paul Agnew, l'orchestre se libère à son tour, et nous transporte.

Les chanteurs eux aussi débutèrent petitement. Alan Ewing campe un Zebul à la peine dans son premier récitatif : sa diction est peu audible et sa voix mal assurée. Il améliore toutefois nettement sa prestation dans les deux actes suivants, où il ne fait que de courtes apparitions.

Guillemette Laurens dans le rôle de Storgè possède une belle technique, tant dans les récitatifs que dans les arias. Mais dans ces derniers elle ménage trop ses moyens pour nous convaincre véritablement. Au premier acte ("Scenes of horror"), son manque de puissance est trop perceptible, malgré de belles projections au final. Le même scénario se reproduit lors de son air du second acte "First perish thou", et c'est bien dommage... Lisa Larsson (Iphis) possède un timbre cristallin et gracile, manifestement à l'aise dans les aigus. Elle nous gratifie de beaux ornements, en particulier dans l'air du premier acte ("The smiling dawns of happy days"), et surtout au second ("Welcome") aux aigus redoutables. Au troisième acte, elle nous transporte dans les projections lumineuses de son "Farewell". Louise Innes (Hamor) possède le timbre légèrement acide qui sied à une mezzo, et une maîtrise technique solide. Malgré un beau duo avec Iphis, ses débuts au premier acte sont un peu difficiles. Le récitatif et l'air du début du second acte pâtissent d'une émission trop confidentielle. Enfin, pour conclure côté féminin, Daphné Touchais incarne un ange aux aigus magnifiques, et l'on se prend à regretter son rôle si court.

Mais c'est Paul Agnew, dans le rôle-titre, qui domine véritablement la soirée. Avec son timbre bien posé, sa diction précise, son sens des nuances et son aisance dans les ornements, le ténor emporte la conviction de l'orchestre, celle de ses partenaires (notamment dans le superbe quatuor qui précède la fin du second acte), et l'admiration des spectateurs ! Lumineux dans son premier air ("Virtue my soul") comme dans les ornements du deuxième acte ("His mighty arm"), il exprime aussi avec conviction les émotions ("Open thy marble jaw"). Son air du troisième acte ("Waft her, angels") relayé par l'orchestre, est un grand moment qui culmine dans une pyrotechnie d'ornements.

Au final, la représentation fut largement applaudie, avec plusieurs rappels. Le public, avec raison, a choisi de plébisciter une interprétation balancée, de haut vol et qui aurait pu constituer un véritable triomphe si les autres interprètes avaient été de la trempe de Paul Agnew...

Bruno Maury

Site officiel du Théâtre des Champs Elysées : www.theatrechampselysees.fr

 

 

 

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