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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Haendel, Berenice Il Complesso Barocco, dir. Alan Curtis
Alan Curtis - D.R. Georg Friedrich HAENDEL (1685 – 1759) BERENICE (opéra en trois actes HWV 38, 1737, sur un livret adapté d'Antonio Salvi 1709) Klara Ek (Bérénice), Ingela Bohlin (Alessandro), Cyril Auvity (Fabio), Franco Fagioli (contre-ténor), Romina Basso (Selene), Mary Ellen Nesi (Arsace), Vito Priante (Aristobolo) Il Complesso Barocco Direction : Alan Curtis 21 novembre 2009, Théâtre des Champs-Elysées, Paris Un succès plutôt inégal C'est probablement lors de son premier voyage en Italie que le "Caro Sassone" découvrit le livret écrit en 1709 par Antonio Salvi pour le compositeur Giacomo Antonio Perti. En 1737 il entreprit de le faire adapter pour mettre en musique "Bérénice, reine d'Egypte", qui fut sa dernière oeuvre composée pour Covent Garden. Atteint au début de l'année d'une paralysie de la main droite, le compositeur ne pourra assister à la création de son trente-huitième opéra. Du reste celui-ci ne connut guère le succès, et l'oeuvre est restée très peu représentée de nos jours. L'intrigue est éminemment complexe, et pétrie de rebondissements peu vraisemblables. Bérénice, reine d'Egytpe, est éprise de Demetrio, prince de Macédoine, allié au roi Mithridate ennemi de l'Egypte. Elle souhaite cependant épouser un romain pour fortifier son alliance avec Rome. Fabio, ambassadeur de Rome, lui présente Alessandro, qui tombe aussitôt amoureux d'elle. Celle-ci hésitant, Fabio lui indique que si la reine le refuse, il devra épouser sa soeur Selene. Or celle-ci est elle-même amoureuse en secret de Demetrio ! Craignant le courroux de la reine, elle lui demande de fuir. Bérénice annonce à sa soeur qu'elle lui a choisi un époux, Arsace, qui la courtisait en vain jusque-là. Assailli par la foule dans sa fuite, Demetrio est sauvé par Alessandro, ce qui vaut à celui-ci la gratitude de Bérénice. Au second acte, Demetrio apprend que Selene est promise à Arsace, tandis que Rome souhaite la marier à Alessandro. Il se croit alors trahi, et décide de conspirer avec Mithridate. Aristobolo demande à Arsace de laisser Selene à Alessandro, mais celui-ci refuse de se marier sans amour. De son côté Arsace accepte de renoncer à Selene, même lorsque Bérénice veut le forcer à se marier. Car Demetrio a révèlé à Bérénice qu'il n'aimait que Selene, attisant la jalousie de la reine. Au troisième acte est révélé un complot de Mithridate pour faire monter Selene sur le trône. Bérénice confie à Fabio son anneau royal : elle épousera celui qui le lui rapportera. Mais Alessandro refuse l'anneau car il ne provient pas directement de la reine, et il le donne à Arsace. Celui-ci l'accepte, en annonçant qu'il fera connaître à la reine les sentiments d'Alessandro. Ne pensant qu'à sa vengeance, Bérénice ordonne qu'on apporte la tête de Demetrio au temple d'Isis. Selene demande alors à être sacrifiée avec lui, mais Arsace veut prendre la place de Selene et rend son anneau à Bérénice, en révélant qu'il le tient d'Alessandro. Emue par le geste de celui-ci, la reine dévoile enfin son sentiment et épouse Alessandro. Demetrio est grâcié, tandis qu'Arsace lui permet d'épouser Selene. Ouf ! C'était donc une excellente initiative du Théâtre des Champs-Elysées que de nous proposer de redécouvrir cette partition, dans une version de concert. L'oeuvre le mérite amplement : elle comporte des arias solo remarquables, ainsi qu'un magnifique duo Bérénice/ Demetrio à la fin du premier acte, et son ouverture constitue à elle seule une petite symphonie. Las, la distribution souffrait terriblement des insuffisances du contre-ténor Franco Fagioli, tandis qu'Alan Curtis à la tête d'Il Complesso Barocco manquait singulièrement de conviction... Klara Ek dans le rôle titre manque indubitablement de puissance dans ses projections. Heureusement son timbre acidulé possède de l'aisance, et restitue correctement les nuances. Si son premier air ("No che servire altrui") n'est guère convaincant, elle éclipse sans peine Demetrio dans le duo de la fin du premier acte (longuement applaudi). Au second acte, son "Sempre dolci ed amorose" bénéficie d'une scansion soignée, avec des ornements convaincants ; on se prend au jeu d'un petit moment de bonheur, même si elle reste desservie par un accompagnement très approximatif de l'orchestre. Son passage le plus réussi reste l'air du troisième acte ("Che t'intende ? O cieca, instabile"), magnifique duo avec le hautbois précédé d'un beau prélude orchestral : un véritable régal, justement récompensé par de nombreux applaudissements. Dans la même veine, l'air "Avvertirte" et le duo final avec Alessandro ont été assez réussis. L'Alessandro d'Ingela Bohlin a manqué à ses débuts d'ampleur ("Che sara quando amate accarezza"). Heureusement son timbre cuivré, velouté, s'est révélé à son avantage dans les deux airs du deuxième acte, pour finir en beauté lors de sa déclaration passionnée ("In quella sola, in quella") et dans le duo avec Bérénice cité plus haut. Le rôle de Fabio était tenu par Cyril Auvity. Le timbre clair et charmeur du ténor nous livre d'emblée son "Vedi l'ape che ingégnosa" avec le style approprié, même si on aurait aimé un peu plus de rondeur et une direction moins plan-plan...L'air du second acte "Guerra e pace, Egizia terra" aux ornements impeccables, nous a davantage convaincu. La prestation du contre-ténor Franco Fagioli constitue incontestablement le point faible de cette distribution. Lors de la création de l'œuvre, le Cher Saxon avait confié le rôle au célèbre castrat Gioachino Conti dit Il Gizziello, qui pouvait rivaliser avec Farinelli, et les airs avaient été écrits en conséquence, flamboyants et d'une difficulté redoutable. Avec son timbre désagréablement acide et mal assuré, Fagioli est à la peine dès le début ("No soffrir non puo il mio amore"). Son duo avec Bérénice est du coup passablement déséquilibré. Mais le pire restait à venir. Le redoutable air du second acte ("Selene, infido ! Spergiurato amore !") tourne proprement à la catastrophe : portamentos pleurnichards, timbre qui dévisse s'ajoutent à un jeu pathétique à la limite du ridicule, avec toutefois quelques aigus étonnants sur le final qui lui vaudront des applaudissements nourris... Les autres airs sont à l'avenant. Quel gâchis ! La Selene de Romina Basso possède une bonne technique et une projection correcte, soutenus par une bonne expressivité. Malgré une direction un peu mécanique, son air du permier acte ("Gelo, avvampo") est assez réussi. Nous avons toutefois préféré le "Si poco e forte" qui conclut le second acte avec ses ornements fluides, et surtout la douce émotion du "Tortorella che rimira" au troisième acte. Mary Ellen Nesi dans le rôle d'Arsace manque un peu d'ampleur mais son timbre est juste et expressif. Elle se joue avec aisance des ornements d' "Amore contra amore" au second acte, malgré un accompagnement superficiel de l'orchestre. Vito Priante campe un Aristobolo à peu près convaincant, avec une bonne projection, et malgré quelques faiblesses dans les graves. Son jeu est malheureusement trop hiératique, et ses ornements un peu mécaniques (en particulier "Con gli strali d'amor"). Assis face au clavecin, Alan Curtis à la tête d'Il Complesso Barocco est resté extérieur à l'oeuvre. Manque d'intimité avec la partition ? La direction est tantôt mécanique, tantôt superficielle, voire franchement approximative, semblant parfois surprendre les musiciens eux-mêmes. Elle déçoit profondément face à la richesse et au raffinement de l'oeuvre, qui appelaient davantage de soin et d'implication. Mais le public a toujours raison. Ce soir-là, malgré les réserves de votre serviteur (peut-être trop sévère, ou blasé), il n'a pas ménagé ses applaudissements à chaque air ni ses rappels à la fin du spectacle. Preuve aussi que Bérénice mérite indiscutablement mieux que l'oubli relatif dans lequel il est tombé. A quand une représentation ou une version discographique idéale ?
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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