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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Haendel, Ariodante, Il Complesso Barrocco, dir. Alan Curtis
Joyce DiDonato © Sheila Rock Georg Friedrich HAENDEL (1685 - 1759)
Ariodante Opéra en trois actes et un ballet (HWV 33) représenté à Covent Garden le 8 janvier 1735
Joyce DiDonato : Ariodante Marie-Nicole Lemieux : Polinesso Karina Gauvin : Ginevra Sabina Puertolas : Dalinda Nicholas Phan : Lurcanio Matthew Brook : Le Roi Paolo Borgonovo : Odoardo
Il Complesso Barocco Direction Alan Curtis
23 mai 2011, Théâtre des Champs-Elysées, Paris "Scherza infida" C’est avec beaucoup d’impatience que la Muse Baroque attendait ce concert à la distribution prestigieuse, notamment en matière de voix féminines, et emmené par un face-à-face étonnant entre les 2 grandes figures de la soirée, Joyce Di Donato, en Ariodante très inspiré, et Marie-Nicole Lemieux, en Polinesso machiavélique – cette dernière apparemment "abonnée" aux rôles de "méchants" ces derniers temps dans les salles parisiennes… Karina Gauvin, dans le rôle de la belle Ginevra, complétait le trio de la simplissime intrigue amoureuse qui fait office de trame dramatique au livret et qui n'est pas sans rappeler le "Much ado about nothing" shakespearien : Polinesso jaloux d’Ariodante cherche à détourner la belle princesse Ginevra de son heureux prétendant et devenir l'héritier du trône d'Ecosse ; pour parvenir à ses fins, il manipule les sentiments que lui porte la malheureuse Dalinda, incarnée par la soprano espagnole Sabina Puertolas en un plan diabolique accréditant l'hypothèse de l'infidélité de la belle. Au vu de l’ambiance assez fébrile qui agitait ce soir-là le très feutré Théâtre des Champs Elysées, la Muse Baroque était visiblement loin d’être la seule à se réjouir de cette distribution. Rapidement, l’auditoire semblât se partager assez nettement entre les différents interprètes qui rivalisaient à l’applaudimètre, après chaque aria, et les soupirs agacés d’une partie du public répondaient aux applaudissements presque vengeurs de l’autre. Difficile en effet pour la Muse de ne pas jeter un regard indigné à son voisin qui se bouchait les oreilles pour échapper à la justesse décomplexée des 2 magnifiques cors d'Il Complesso Barocco d’Alan Curtis, dont la pétouillance vivifiante lors du très enlevé "Voli Colla Sua Tromba", fut applaudie à tout rompre par nous-même ! Et que dire de cette vieille dame du 2nd rang 1er balcon, maugréant et pestant contre les manifestations d’enthousiasme d’une bonne partie du public à l’encontre des prestations quelque peu dramatisées de Marie-Nicole Lemieux… Marie-Nicole Lemieux, sans doute la plus applaudie de la soirée, se livrât en effet à une interprétation tranchée, théâtrale et exacerbée, n'hésitant pas à faire primer l'expressivité sur la ligne mélodique. Le souffle est parfois court, haletant, haché tandis que la chanteuse se révèle rapide, rageuse et cruelle dès le "Coperta la frode" du 1er acte, et à peine plus sobre dans le "Spero per voi" soi-disant galant. Car derrière le sourire perce le goût du sang et la soif du pouvoir que la mezzo accentue de son timbre cuivré. La chanteuse en a t-elle fait trop, réduisant le "méchant" de la pièce à une caricature grimaçante ? Car l'écriture haendelienne, musclée, se suffit à parfaitement illustrer la psychologie de ce personnage rude et lubrique, confit de perfidie, proche du Tolomeo de Giulio Cesare (on retrouve d'ailleurs les mêmes sauts d'intervalles erratiques, les violons saillants, les mélodies écartelées et instables) et Marie-Nicole Lemieux se vautre trop dans le stupre avec un "Se l'inganno sortisce felice io detesto per sempre virtù" sec et suffisant, d'une méchanceté froide et jouissive. Face à ce portrait violent du dépravé Duc d'Albany, la Muse Baroque a cependant largement préféré la prestation de Joyce DiDonato, au timbre aussi profond et introverti que maîtrisé, aux ornements subtils, aux cadences ailées, aussi juste dans la fureur sanguine du "Tu, preparati a morire" que dans le désespoir du célébrissime "Scherza infida" tout en amertume légèrement rageuse, ponctuée par le recueillement de pizzicati des violoncelles en sourdines du Complesso Barocco, moment de déchirement marbré d'une sincérité poignante… Le timbre charnu de Karina Gauvin venait compléter à ravir celui de la soprano américaine, pour le très beau duo "Prendi da questa mano" d’Ariodante et de sa belle ; la soprano québecoise campait une Ginevra étonnante car de fort caractère avec son vibrato serré et agile, (bien que parfois à la limite du gazouilli d’oiseau…), avec notamment un puissant "Il mio crudel martoro" emprunt d’une sobriété bienvenue, qui change de la vision habituelle de princesse éthérée et un peu fade. Sabina Puertolas ne déparait pas en Dalinda à la fois mielleuse et charmante, bien qu’aux aigüs parfois un peu acides. Du côté des voix masculines, et sans doute par contraste avec ces voix féminines éclatantes, on regrettera un Matthew Brook un peu trop en retrait dans le rôle du Roi vieillissant, et un Nicholas Phan assez inégal en Lurciano ; visiblement plus à l’aise dans la douceur que dans la puissance, le jeune ténor américain gagnait toutefois en assurance au fil des airs. Sous la direction infiniment élégante, - on le sait bien, le chef connaît son Haendel sur le bout des doigts - mais parfois un peu lisse d’Alan Curtis, Il Complesso Barocco livrait une belle prestation, colorée et raffinée, avec de très beaux solistes (on retiendra une fois de plus les cors exubérants si chers à votre Muse, mais aussi le beau hautbois du "Scherza Infida") ; un vif regret toutefois : celui d’un théorbe presqu’inaudible. On louera également le continuo, précis et souple. Mais Curtis étant fidèle à lui-même, on regrettera une certaine froideur de l'ensemble, et des tempi qui, après les déferlements d'un Minkowski, paraissent un brin sages et insuffisamment contrastés. Au terme de plus de 3h d’un très beau spectacle, la conclusion de la Muse fut assez claire : Ariodante méritait bien d'épouser sa belle, et le public du Théâtre des Champs Elysées sachant généralement rester courtois, nul incident ne fut à déplorer entre les partisans et détracteurs de Marie-Nicole Lemieux, de toutes manières expédiée par Lurcanio d'un coup d 'épée lors du combat final.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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