Rechercher
- Newsletter
-
Qui sommes-nous ?
-
Espace Presse - FAQ
-
Contacts -
Liens
- |
mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert Georg-Frederic HAENDEL (1785-1759) Alcina Emma Bell (Alcina), Vesselina Kasarova (Ruggiero), Olga Pasichnyk (Morgana), Sonia Prina (Bradamante), Xavier Mas (Oronte), François Lis (Melisso), Judith Gauthier (Oberto).
Ensemble Matheus Chœurs de l'Opéra de Paris Dir. Jean-Christophe Spinosi
Mise en scène : Robert Carsen (reprise)
Opéra National de Paris, Palais Garnier, représentation du 28 novembre 2007
Ce que vous ne verrez pas, du fait de la grève... Une Alcina bourgeoise Le personnel technique de l'Opéra de Paris étant en grève en raison de la réforme des régimes spéciaux, la représentation s'est déroulée devant une salle moyennement fournie, avec un décor unique, des costumes réduits au minimum, et un éclairage malhabile. Il fallait donc aimer la musique de Haendel pour demeurer stoïquement dans sa loge ce soir de novembre 2007, et assister à un va-et-vient de chanteurs se démenant sur une scène de moins d'un mètre de profondeur, devant des boiseries immaculées et une grande porte qui ne s'ouvrira jamais pour donner accès au salon. Cette reprise de la mise en scène de 1999 (déjà réchauffée en 2004), n'a plus la ribambelle de stars qui accompagnait William Christie : exit les grandes divas Renée Fleming et Nathalie Dessay, sans pour autant bénéficier d'un plateau cohérent de baroqueux. Et il faut bien avouer que l'on a affaire à un rassemblement inégal, et qui manque de cohérence stylistique. Cependant, la soirée fut agréable, à défaut d'être mémorable. Emma Bell campe une Alcina désespérée dès le départ, amante délaissée avant même que Ruggiero ne s'échappe de ses griffes. Le timbre est beau et riche, mais l'émission paraît toujours sur le fil du rasoir (éternel vibratello du premier acte...), et les coloratures ne sont pas toujours bien en mesure. Les airs de fureurs ou les menaces tombent complètement à plat, car jamais la sensible Emma ne parvient à laisser deviner la magicienne puissante et capricieuse, au tempérament volcanique à laquelle Arleen Auger a imprimé son souvenir de manière indélébile (EMI). Sorcière bien-aimée, apprentie de chez Harry Potter ou maîtresse de maison de chez Jane Austen, la soprano britannique se complaît dans la lamentation et les soupirs, ce qu'elle maîtrise d'ailleurs fort bien : le grand lamento du second acte est ainsi superbement rendu. Mais on cherchera vainement la femme fatale blessée, à la fois fragile et fière. Le preux Ruggiero échoit de nouveau à Vesselina Kasarova qui a gagné en dureté depuis 2004. Son chevalier est un rien frustre en dépit de son habit de soirée, vocalisant brutalement, laissant baver les notes, faisant claquer les consonnes de ses récitatifs. Le personnage est convaincant, même si l'on aurait apprécier un chant plus nuancé. Heureusement, voici venir la soubrette nymphomane ! Inutile de compulser fiévreusement votre livret, vous n'y trouverez que Morgana, la sœur d'Alcina, car c'est bien elle que Carsen a rabaissé au rang de domestique, tandis qu'Oronte endosse une livrée de maître d'hôtel. Nous avons attendu Olga Pasichnyk pendant tout un acte. Ses aigus faiblards, son émission plate n'étaient pas faits pour nous ravir. Et pourtant... après le premier entracte, notre soprano venue du froid daigne enfin révéler un timbre fruité et doux qui colle comme un gant à son tablier de cœur d'artichaud espiègle. On a là une Morgana façon Zerlina, d'une légèreté complice. Et il est aisé de comprendre pourquoi la belle Ukrainienne tourne ailleurs ses yeux lorsqu'on subit les approximations de Xavier Mas. Les passages de registre sont débrayés façon auto-école, et l'absence de projection confine le rôle à un vague stroumph grognon. Espérons que ce n'était qu'un mauvais soir... De même Sonia Prina - que l'on admirait pour sa Rodelinda enregistrée avec Curtis (Virgin) - a semblé fatiguée, car son interprétation très correcte n'était que peu inspirée, comme si la chanteuse ne s'investissait jamais vraiment dans le drame. Les décors minimalistes et austères y seraient-ils pour quelque chose ? Enfin, les rares apparitions de Judith Gauthier furent délicieuses : de toute la soirée, ce fut la seule à réellement faire preuve d'une parfaite maîtrise du belcanto haendélien, ornementant avec précision et grâce, articulant les phrases musicales en prenant le soin de faire respirer la mélodie (on sent que la blonde damoiselle a chanté Bach), le timbre est clair et pur, très "soprano d'église ou nymphe de tragédie lyrique". La direction de Jean-Christophe Spinosi était honnête, mais bien loin de sa fougue vivaldienne. Nous espérions des nuances binaires et violentes, des airs de fureurs décapants, une sorte d'énergie continuelle, un débordement de vitalité et d'originalité. Le Spinosi de d'habitude, quoi. Et bien non. Le chef a choisi la sagesse, rabaissant les airs virtuoses à des leçons de solfège, retenant sa basse continue pas assez poussive. Parallèlement, il nimbe d'une grande poésie les airs lents, caresse les voix, joue sur les timbres, met en avant le luth ou le violoncelle. Le résultat de cette équation s'avère étrange : cette Alcina est celle d'un rêve immobile et pacifié. La mise en scène de Robert Carsen, dégraissée par la grève, ne s'en porte peut-être que mieux grâce à cette unité de lieu minimaliste : plus d'enfilade de pièces, de trompe-l'œil, d'hommes nus baignant dans un kaleiscope lumineux. Mais évidemment, nous ne verrons point ici non plus de croisés armés jusqu'aux dents, de lions, d'urnes brisées, d'exotiques sarrasins. Et en contemplant cet austère salon bourgeois, dans lequel la maîtresse de maison (Alcina) abandonnée par son amant (Ruggiero) finit par se suicider en se jetant sur un poignard que ce dernier tendait avec peu de conviction, on a l'impression banale d'assister à un fait divers. Alors, rendez nous Ponnelle, Strehler, Villégier et leurs perruques, Deflo avec son Arcadie, McVicar même avec son sens du drame pour que l'opéra baroque retienne encore l'émerveillement du public. Et prions pour que Garnier ne nous ressorte pas encore dans deux ans une reprise du Roland Furieux façon Baron Haussmann !
|
Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
|