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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Jean Gilles, Lamentations Les Passions, dir. Jean-Marc Andrieu
Jean-Marc Andrieu et les Passions dans la Cathédrale Saint-Etienne © Jean-Jacques Ader, 29/10/2009.
Jean GILLES (1668-1705)
Trois Lamentations pour la Semaine Sainte Motet "Diligam te, Domine"
Vincent Lièvre-Picard (haute-contre) Bruno Boterf (taille) Alain Buet (basse)
Direction Jean-Marc Andrieu
29 octobre 2009, Cathédrale Saint-Etienne, Toulouse "Elle pleure dans la nuit et les larmes coulent sur ses joues" Les Trois Lamentations pour la Semaine Sainte de Jean Gilles comptent parmi les œuvres de jeunesse du compositeur, âgé alors de 24 ans seulement. On ignore quelles furent les circonstances exactes de leur création, et pourquoi Gilles décida de s'affranchir du modèle intimiste des Leçons de Ténèbres pour voix seule ou en duo, avec un continuo réduit à et une mise en musique austère, très déclamatoire, encore très liée à la monodie grégorienne tel que l'ont pratiqué Lambert, De Lalande, Couperin, Charpentier, Bernier ou encore Gouffet. Au contraire, le compositeur - encore aixois - a utilisé la forme du grand motet pour magnifier la première chute de Jerusalem. Comme le souligne Jean-Marc Andrieu, il s'agit là d'un exemple unique dans la musique française de l'époque. Dans la nef raymondine de la Cathédrale Saint-Etienne de Toulouse, il faut bien avouer que la soirée commença sous de mauvais auspices. Le motet "Diligam Te, Domine", composé pour célébrer la visite des Ducs de Bourgogne et de Berry à Toulouse en 1701 a vu son écriture brillante et italianisante brouillée par l'acoustique très réverbérante du bâtiment, écrasant l'orchestre, effaçant les contours du chœur mais préservant des effets de masse, noyant les graves. Bruno Boterf est ainsi peu audible, de même qu'Alain Buet qui possède hélas des moments magnifiques de dolorisme quasi-opératiques ("Dolores inferni"). A l'hostilité musicale de la cathédrale échappe le timbre pur, flexible, aux aigus dynamiques d'Anne Magouët et son "Laudans, invocabo Dominum", de même que l'énergique chœur "Commota est" avec ses impressionnants effets de tremblements de terre reminiscents d'un Mondonville plus tardif. Les séances d'enregistrement du disque à paraître, qui eurent lieu dans le cadre charmant de la chapelle Saint-Pierre-Des-Chartreux rendront bien mieux justice à cette pièce ici entraperçue dans un fourmillement confus pour lequel l'édifice est seul coupable. Heureusement, les Trois Lamentations pour la Semaine Sainte bénéficient de passages choraux plus amples et plus verticaux, et de moins d'alternance entre les courtes sections solistes ou oppositions entre petit chœur et grand chœur. Le ton est nettement plus sombre, les chromatismes et les modulations remarquables. Aussi, cette manière plus fervente et généralement plus homophonique, adossée à des tempi généreux, a t-elle trouvé plus de grâce auprès des voûtes de pierre. On redécouvre alors les beautés de l'orchestre à quatre parties des Passions, qui font montre de cohésion et de liant, avec notamment des bois grainés très poétiques, où perce la chaleur du serpent couplé au basson. L'introduction de deux flûtes traversières doublant les dessus apporte une angélique transparence à certains moments, de même qu'une coloration très "française" de l'orchestre, façonné de cette opulente pâte de cordes généreuses doublées de bois. Le chœur Les Eléments peut alors enfin s'épanouir, enchaînant avec une force dramatique intense les grands passages choraux ("Plorans ploravit" funeste et désespéré) entrecoupés des mélismes de solistes sur les lettres hébraïques (superbe trio sur le "Ghimel" de la 1ère Lamentation) ou de leurs envolées lyriques ("Eo quod non sint" avec Vincent-Lièvre-Picard). Par dessus tout, Jean-Marc Andrieu a su imprimer aux trois Lamentations une remarquable pulsation interne, particulièrement perceptible dans le "Sederunt in terra" de la 2nde Lamentation, qui sous-tend avec une fervente fermeté qui sait se faire presque menaçante, le chant de déploration. Le geste est vigoureux, épuré, ne perdant jamais de vue une onction liturgique digne, d'une noblesse résignée et digne. Les solistes eux-mêmes paraissent retrouver une inspiration nouvelle, plus introvertie, pour ces Lamentations fastueuses et désolées. On attend donc avec d'autant plus d'impatience le futur disque à paraître, dont les séances d'enregistrement commencèrent dès le lendemain de ce concert. Le CD viendra ainsi à point compléter une discographie des Lamentations de Gilles pour le moment aussi solitaire que la Ville Sainte, puisque les amateurs ne trouveront au catalogue que la version - épuisée - d'Hervé Niquet (Accord) plus théâtrale, et d'une légèreté étincelante mais maniérée comparée aux Passions puissantes et sobres de cette nuit d'octobre.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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