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Chronique Festival

Airs d'opéras : G.F. Haendel et A. Scarlatti

Max Emanuel Cencic,

Armonia Atenea, dir. George Petrou

 

 

M-E Cencic © Robert Recker

 

Airs d'opéras : G.F Haendel et A. Scarlatti

 

Alessandro Scarlatti (1660 - 1725) :

Cambise : "In quelle luci belle"

Il Tigrane : "Care pupille"

Concerto grosso n° 3 in F (allegro, largo, allegro, largo, allegro)

Georg Friedrich Haendel (1685 - 1759) :

Giulio Cesare in  Egitto : "Dal ondoso periglio...Aure, deh per pieta"

Alessandro : "Vano amore"

Alessandro Scarlatti (1660 - 1725) :

Massimo Puppieno "Vago mio sole"

Il Tigrane "Un solo sospiro"

Georg Friedrich Haendel (1685 - 1759) :

Concerto grosso op. 6 n° 10 in d min. (ouverture : Allegro/ Lentement. Air : Lentement, allegro, allegro, allegro, allegro moderato)

Rinaldo : "Venti turbini"

Teseo : "Qual tigre"

 

Max-Emmanuel Cencic, contre-ténor

 

Ensemble Armonia Atenea :

Violons : Sergiu Nastasa (premier violon), Juleta Avetyan, Olga Kim, Otilia Alitei, Liu Jing, Nasos Martzoukos

Viole : Laurentiu Matasaru, Elisabeth Schaefer

Violoncelle : Iason Ioannou, Susan Norton

Contrebasse : Vassilios Liarmakopoulos

Théorbe : Theodoros Kitsos

Clavecin : Markellos Chrysikopoulos

 

Direction George Petrou

 

4 juin 2011, Prieuré de Froville la Romane (54), dans le cadre du Festival de Froville

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Un Cencic virtuose

En prélude il convient de louer la qualité de la programmation du Festival de Musique Sacrée et Baroque de Froville la Romane, petite localité nichée entre les vallées de la Meurthe et de la Moselle dans le département éponyme. Comme d'autres interprètes de talent de ce répertoire baroque qui nous est cher, Max-Emanuel Cencic est désormais un invité régulier de ce festival, et nous avons déjà eu à deux reprises le plaisir de rendre compte de ses concerts. Cette année, le programme était plus "baroque" que sacré, entendez par là que, délaissant momentanément les cantates religieuses il était centré sur des airs d'opéras de Scarlatti et Haendel - pour le plus grand plaisir de nos oreilles ! Le changement se reflétait également dans l'apparence du contre-ténor, qui nous avait habitué à des tenues noires lors de ses précédentes apparitions, et qui était vêtu ce soir-là d'un manteau blanc ivoire rebrodé de pierreries scintillantes, complété d'un pantalon bouffant de satin rouge tombant sur des chaussures de la même nuance, à l'image d'un héros tiré tout droit des fastes de l'Orient baroque !

L'air de Cambise ("In quelle luci belle") ouvre d'emblée le concert sous le signe de la virtuosité : les ornements dévalent en cascade, renforcés par une projection puissante appuyée sur une maîtrise technique impeccable. Le timbre est légèrement mat, jusqu'au final flamboyant, sur le rythme animé et rapide imposé par la baguette de Georg Petrou. Contraste ensuite avec l'air d'Il Tigrane ("Care pupille"), au tempo plus lent lui aussi bien maîtrisé par Petrou (longues attaques des cordes, solo de violon...) : Cencic y déploie un phrasé enchanteur, en témoignant d'une forte expressivité théâtrale qui donne vie et inspiration au rôle, chose rare dans un récital. Le public conquis, ne ménage pas ses applaudissements...

L'intermède orchestral du concerto grosso n°3  de Scarlatti met en relief la richesse des sonorités de l'orchestre et son homogénéité : allegro inspiré, suivi d'un largo bien délié, puis d'un second allegro au dialogue ébouriffant du premier violon avec la viole. Y succède un largo puissant et ample, scandé aux accents du théorbe de Theodoros Kitsos, pour finir dans un allegro final enlevé.

Retour de Cencic sous les applaudissements, pour ce qui constitua à nos yeux le clou musical de cette soirée : le long récitatif de Jules César "Dal ondoso periglio...Aure, deh per pieta". Après une attaque orchestrale toute en finesse, aux cordes épurées, l'ensemble Armonia Atenea accompagne avec bonheur un Cencic au timbre légèrement assombri (pour renforcer la véracité du rôle). Celui-ci égrène ses épreuves et ses craintes, dans une ligne de chant très expressive, variant du phrasé céleste du "Aure" aux accents emportés du général qui prépare sa revanche. La reprise fut un un moment de bonheur absolu, qui déclencha un tonnerre (mérité !) d'applaudissements.

Suivit l'air de bravoure d'Alessandro ("Vano amore"), entamé sous des cordes incisives et à un rythme saisissant. Avec une technique consommée, Cencic enchaîne sans faillir les ornements foisonnants de cet air virtuose, malheureusement couvert quelquefois par l'énergie sonore débordante de l'orchestre. Subjugué le public éclate en applaudissements, avant de rejoindre pour quelques instants de détente le Jardin d'Harmonies attenant à la petite église romane.

A la reprise, c'est d'un timbre plus clair, quasi nacré, que Cencic entame le "Vago mio sole" : phrasé impeccable, aux accents scandés des cordes. Puis nouvel air de bravoure, avec le "Un solo sospiro" de Tigrane, et un Cencic qui dévale tout à son aise les ornements...

Avec fougue, Petrou entraîne son orchestre dans le concerto grosso opus 6 de Haendel : belles sonorités, mais un peu d'emphase dans l'ouverture. Le théorbe s'en donne à coeur joie dans les mouvements lents, et Sergiu Nastasa nous offre une étourdissante démonstration de virtuosité au violon dans un allegro.

Nouveau moment de virtuosité pour Cencic dans l'air de Rinaldo, dont il se passe de l'aide de la partition tant il lui est familier...Pyrotechnie d'ornements, Cencic vire et tourne à en donner le tournis aux spectateurs, accompagné par un orchestre vif et foisonnant sous la baguette de Petrou, et couronné par de longs applaudissements.

Cette succession d'airs redoutables a-t-elle fatigué la voix du contre-ténor ? Faut-il incriminer la moiteur de l'atmosphère, due à l'orage qui éclatera plus tard dans la nuit ? Le tempo endiablé de Petrou était-il trop rapide ? Toujours est-il que le "Qual tigre" de Teseo donna lieu à quelques aigus un peu métalliques, vite masqués par une techniqué éprouvée. En artiste consommé et courageux, Cencic choisit avec intelligence de consacrer le second rappel à une reprise complète de l'air, cette fois impeccablement chanté. Le premier rappel porta sur un autre air du Teseo.

Au-delà des seuls effets liés  à l'ornementation foisonnante, d'une difficulté redoutable, des airs retenus, ce concert mérite assurément le qualificatif d'exceptionnel. Parmi les principaux ingrédients de cette brillante réussite, retenons la grande maîtrise vocale d'un Cencic au timbre très stable et à la projection ample (dont la conjonction constitue la marque indéniable d'un grand contre-ténor), sa maîtrise théâtrale qui le conduit à colorer sa voix en fonction des rôles qu'il incarne, et un orchestre homogène, toujours attentif à la ligne de chant sous la baguette inspirée et fluide de Georg Petrou.

Bruno Maury

Site officiel du Festival de Froville : www.froville.com

 

 

 

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