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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Marco Marazzoli & Virgilio Mazzocchi, L'Egisto, Les Paladins, direction Jérôme Correas, mise en scène Jean-Denis Monory
Carlo Maratta (Camerino 1625 - Rome 1713), Portrait du Pape Clément IX (1669), librettiste de l'Egisto à l'époque où il était cardinal.
© Musées du Vatican Marco Marazzoli (vers 1602-1662) & Virgillio Mazzocchi (1597-1646)
L’Egisto
Egisto, amoureux d’Alvida : Muriel Ferraro (soprano) Alvida, une veuve, amoureuse d’Egisto : Charlotte Plasse (soprano) Lucinda, déguisée en Armindo, domestique d’Alvida, amoureuse d’Egisto, mais sa soeur en vérité, une bergère : Christine Tocci (soprano) Eurilla, une bergère : Anouschka Lara (soprano) Rosilda, Nourrice d’Alvida + Silvia, une intrigante Blandine Folio Peres (soprano) Moschino, valet d’Egisto : Dagmar Saskova (soprano)
Dorillo, : Lucile Richardot (mezzo) Silvano, un vieil homme, ami d’Egisto : Jan Jeroen Bredewold (basse) Zanni, domestique d’Egisto : Matthieu Chapuis (ténor) Coviello, domestique d’Egisto : David Witczak (baryton) Colillo, fils de Coviello : Marc Valéro (ténor)
4 danseurs / acteurs / manipulateurs : Gilles Poirier, Caroline Ducrest, Andrea Miltnerova, Sébastien Montagne
Les Paladins
Jérôme Correas, direction
Jean-Denis
Monory, mise en scène Adeline Caron, scénographie Chantal Rousseau, costumes Olivier Oudiou, lumières
Dimanche 2 octobre 2011, Création à l’Apostrophe – Théâtre des Louvrais, Pontoise (95). Masques, danseurs et acrobates L’Opéra baroque, c’est cela : des amoureux contrariés puis heureux, des serviteurs facétieux, des danseurs et des acrobates, des bergers et des nymphes, des chants populaires et du beau parlar cantado, des masques et des costumes multicolores, deux ou trois intrigues imbriquées, un prologue où se disputent la Vertu, la Paresse et la Volupté, le tout mené tambour battant, dans un joyeux désordre ordonné où fusent les chants, les cris, les rires et la musique – ah, la musique... ! Disons-le d’emblée, cet Egisto est une très, très grande réussite, avis partagé par toute une salle qui ne laissa pas de rappeler 5 fois les comédiens afin de les agonir d’applaudissements enthousiastes. Nous ne nous attarderons volontairement pas sur les aspects - pourtant ô combien intéressants - de la redécouverte de cette œuvre. Jusqu'à récemment, il était ainsi tenu pour acquis que l'Egisto de Cavalli avait été le premier opéra jouée au Royaume des lys, en 1646 au théâtre du Palais-Royal. Or, les dernières recherches musicologiques ont démontré qu'il s'agissait en réalité de cet Egisto-ci, d'ailleurs rebaptisé pour l'occasion puisqu'il portait le nom de Chi soffre speri lors de sa création à Rome en 1636... Nous n'en dirons pas plus sur le contexte historique ou sur le style de l'ouvrage, qui feront l'objet très prochainement d'un entretien avec Jérôme Corréas. Rappelons-en tout de même brièvement le synopsis. L’intrigue principale est simple (enfin, assez simple). Egisto, jeune noble désargenté, est amoureux d’Alvida, une riche veuve voisine, qui repousse les avances de cet amoureux transi sans que ses propres motifs soient bien clairs pour elle-même. Lucinda, fille déguisée en serviteur d’Alvida, prénommé Armindo, se meurt d’amour pour Egisto. Eurilla, jeune bergère, se meurt d’amour pour Armindo. Alvida vient un jour trouver Egisto pour lui demander se lui prêter son faucon prédateur afin d’égailler son fils mourant. Or, pour offrir un repas correct à sa dulcinée, Egisto a sacrifié son faucon, et au passage fait abattre une tourelle de sa maison qui n’avait pas l’heur de plaire à Alvida. En un tournemain, une héliotrope, susceptible de guérir l’enfant, est trouvée dans l’estomac du faucon, un trésor est découvert dans les ruines de la tour, Alvida se rend aux sentiments d’Egisto, Lucinda-Armindo retrouve sa place de sœur bien-aimée, et Eurilla se console et retrouve sa joie de vivre. L’action est portée par les serviteurs, bergers, marchands et autres personnages populaires, masqués pour la plupart, qui gravitent autour des protagonistes en brodant l’intrigue de farces, commentaires burlesques, danses, chansons, scènes de bagarre, d’ivrognerie ou de séduction avancée et autres bouffonneries : bref, l’alacrité et la vivacité du menu peuple italien du début du XVII°siècle. Si l’Egisto avait su charmer les contemporains de Mazarin, cette belle (re)création séduira de nouveau les amateurs de musique baroque, de théâtre, d’opéra bouffe, voire... de comédie musicale. Car c’est un peu tout cela, que ce spectacle de 3 actes au genre hybride, qui fut le premier opéra donné dans son intégralité en France en 1646. Cette intégralité durant 5h, la version de ce soir, d'environ 3h présente donc quelques coupes, qu'on osera saluer comme bienvenues, puisqu'elles resserrent l'action, et permettent de maintenir une tension dramatique (et drolatique) intense. Le pari n'était pas gagné, en dépit d'extraits déjà donnés à Royaumont en septembre dernier, car cette œuvre de Marazzoli & Mazzochi comporte de longs récitatifs, comparables à ceux de Monteverdi ou Cavalli, qui peuvent rebuter un public plus habitué à la franchise mélodique d'un bon da capo haendélien. Il n'en a rien été, grâce au travail remarquable que Jérôme Corréas mène depuis plusieurs années sur l'opéra comique et le "parlé-chanté", mêlant harmonieusement chant et déclamation, brouillant la dichotomie moderne établie entre l'acteur et le chanteur. Nous soulignerons juste un bémol, un seul : quel dommage que le metteur en scène Jean-Denis Monory ait cédé à cette mode qui dure depuis trop longtemps à notre goût, consistant à choisir des décors épurés et abstraits, "représentant" des arbres ou d’autres choses... Nous aurions apprécié des décors peints et chargés, des accessoires et des brocards, des couleurs et du clinquant : soyons baroques jusqu’au bout, mordious ! Ceci mis à part, la spectacle s'est avéré d’une très grande qualité, tant l’orchestre des Paladins que les voix, la chorégraphie élégante de Françoise Denieau et la gestuelle des chanteurs et danseurs, souvent réminiscente des usages du temps. Le plateau de solistes, homogènes et engagés, avec une once d'humour permanente indispensable à ce genre d'ouvrage, n'est pas pour peu dans le succès de la soirée : Muriel Ferraro campe un Egisto attendrissant dans son amour, et ce rôle travesti apporte ainsi une certaine vulnérabilité et une certaine douceur au personnage. La frêle Anouscka Lara multiplie les apparitions, en Volupté, en Eurilla, en marchande, tandis sa voix de soprano à la projection énergique emplit la scène. Matthieu Chapuis et David Witczak régalent l’assistance en serviteurs truculents d’Egisto, faisant preuve d'une implication jubilatoire indéniable. Les 11 chanteurs et les 4 danseurs mènent donc l’action avec fougue et complicité, complicité partagée également avec les musiciens des Paladins, dirigés d’une main rigoureuse et fluide par Jérôme Correas, que l’on aperçoit parfois hilares dans leur fosse, recevant sur la tête un fruit en feutre ou un ruban. "L’Egisto est pour moi une formidable opportunité de reconsidérer autour d’une création toutes les possibilités expressives de l’artiste lyrique d’aujourd’hui, à travers un style qui cherche encore sa liberté de ton", explique Jérôme Correas. Considérons que cette reconsidération est tout à fait considérable !
10 représentations à Paris et en Ile-de-France :
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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