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Chronique Concert

"A Baroque dream : De Monteverdi à Haendel",

Anne Sofie von Otter, Capella Mediterranea,

dir. Leonardo García Alarcòn

Anne Sofie von Otter © Mats Backer (recadrée)

 

"A Baroque dream : de Monteverdi à Haendel"

 

Claudio MONTEVERDI ( 1567-1643) : Il Ritorno d'Ulisse in patria (ouverture, air de Pénélope "Di misera Regina"), VIIIème Livre de Madrigaux ("Hor che'l ciel e la terra") ; air "Si dolce il tormento",

Barbara STROZZI (1619-1677) : air "Che si puo fare"

Henry PURCELL (1659-1695) : Fairy Queen (Première musique : prélude et Hornpipe, duetto et choeur "Hymen appear !") ; air "From the silent Shades and the Elyzium Groves"

Marc-Antoine CHARPENTIER (1643-1704) : Médée (acte III, scènes 3 à 7)

Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759) : Athalia (HWV 52, trio des jeunes vierges et choeur des prêtres et lévites "The clouded scene begins to clear"), Semele (HWV 58, air de Jupiter "Where'er you walk"), Judas Maccabaeus (HWV 63, "Sion, now her head shall raise"), Agrippina ("Ogni vento")

 

Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano

 

Choeur et Orchestre La cappella Mediteranea :

Sopranos : Mariana Flores, Juliette Perret

Mezzo-soprano : Evelyn Ramirez-Munoz

Alto : Fabian Schofrin

Ténors : Fernando Guimaraes, Peter de Laurentiis

Basses : Matteo Bellotto, Alejandro Meerapfel

 

Violons I : Boris Begelman, Stéphane de Failly, Lathika Vithanage

Violons II : Anne Millischer, Juan Roque Alsina, Anna Fusek

Alto : Kathia Robert

Viole de gambe : François Joubert-Caillet

Viole de gambe et lirone : Andrea de Carlo

Violoncelle : Paolo Garrido

Contrebasse : Elodie Peudepiece

Hautbois : Barbara Ferrara, Béatrice Zawodnik

Cornets-flûtes : Gustavo Gargiulo, Rodrigo Calveyra

Archiluth : Daniel Zapico

 

Clavecin et direction : Leonardo Garcia Alarcon

27 avril 2011, Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

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"Respect, Madame !"

L'annonce d'Anne Sofie von Otter dans un concert d'airs baroques était de nature à mettre en émoi les amateurs du répertoire. Nous avons évidemment tous en tête la prestation exceptionnelle de la mezzo dans l'Ariodante de Haendel, sous la baguette du maestro Minkowski, dans un enregistrement qui fit date dans la discographie baroque. Evidemment, les années ont passé. Nul ne songerait à demander à la diva d'origine suédoise de faire preuve des aigus acérés et de l'abattage qu'elle déploya avec succès il y a maintenant près de quinze ans, mais le plaisir d'entendre sa voix dans ce répertoire semblait devoir renforcer l'estime qu'on lui portait. Et disons d'emblée que si l'attente était élevée, elle ne fut jamais déçue. En cantatrice consommée, madame von Otter avait en effet choisi des airs à la mesure de ses moyens vocaux actuels, n'hésitant pas (nous y reviendrons) à faire incursion dans des airs écrits pour des tessitures masculines. Et le timbre est toujours là, la technique plus maîtrisée que jamais, pour nous offrir quelques belles pages parcourant le répertoire de Monteverdi à Haendel, en passant par Charpentier.

Disons aussi d'emblée que la qualité des musiciens et des chanteurs de la Capella Mediterranea n'était pas pour rien dans la qualité de ce brillant récital. Au premier plan, la direction fluide et énergique (quelles vives attaques dans l'ouverture du Fairy Queen !) de Leonardo Garcia Alarcon était  parfaitement en phase avec la ligne de chant de la diva. Les chœurs, denses et homogènes, ont largement participé de ce succès : un "Hor che'l ciel e la terra" débordant de vitalité, un irrépressible "Hymen appear !" (Fairy Queen), ou encore "Sion, now her head shall raise" (Judas Maccabeus), aux entrées impeccables. A d'autres moments, ce chœur de haut vol a aussi révélé des solistes dotés d'un bel abattage, tel le contre-ténor Fabian Schofrin dans le choeur d'Athalie ("The clouded scene begins to clear"). Du côté des instrumentistes, citons les délicats accompagnements au théorbe de Daniel Zapico, ou le magnifique solo de viole de gambe de François Joubert dans le prélude de l'air "Se dolce il tormento". On peut aussi mentionner le filet aigrelet des cornets venus égayer l'ouverture du Retour d'Ulysse.

Entourées de ce beau monde, d'autres divas auraient pu en prendre ombrage, craignant que leurs talents ne fassent ombre au sien. Tout au contraire, Anne Sofie von Otter semblait se ravir comme nous des passages choraux, se tenant alors discrètement dans un coin de l'orchestre, encourageant l'une d'un clin d'œil ou l'autre d'une accolade. Et comme eux, elle s'attacha à charmer un public déjà conquis. Ouvrant son récital par l'air de Pénélope (Retour d'Ulysse), sa voix bien centrée sur la ligne mélodique composa un duo émouvant avec le théorbe, exprimant progressivement la force du désespoir causé par la longue absence de son époux, puis enchaînant dans une ritournelle pleine de grâce pour appeler son retour. Le "Che si puo fare" de Strozzi fut un moment de charme délicat, relayé dans le ton par les choristes, sous la baguette vivervoltante du maestro Alarcon, et qui attira de nombreux applaudissements. S'ensuivit un "Si dolce il tormento" à la ligne éthérée, s'achevant dans un pianissimo à couper le souffle. Après le Fairy Queen, la diva nous offrit un "From the silent Shades" aux aigus ouatés, avec Garcia Alarcon cette fois au clavecin.

Après cette première partie, le public était déjà subjugué, comme en témoignèrent ses applaudissements nourris. La deuxième partie s'ouvrit avec les scènes 3 à 7 de l'acte III du Médée de Charpentier. Dans cet art délicat de la déclamation française, particulièrement difficile pour un non-francophone de naissance, la voix de la diva manqua légèrement d'épaisseur, mais fut compensé par de  beaux accents dramatiques ! Et le tout sous la baguette inspirée d'un Garcia Alarcon insufflant le rythme nécessaire à cette musique pour qu'elle ne tombe pas dans l'ennui...Mais le plus étonnant était à venir :: l'air de Jupiter "Where'er you walk", ou plutôt sa surprenante transposition pour soprano ! Grâce à une technique parfaite, à un expressivité très convaincante, la diva est presque parvenue à nous faire oublier la transposition, nous gratifiant au passage d'un final flamboyant ! Et c'est enjouée, presque dansante, qu'elle attaqua le dernier air du programme ("Ogni vento" d'Agrippine).

Mais le concert ne pouvait pas s'arrêter là. Dans la liesse du public rompu en applaudissements et rappels, Anne Sofie von Otter et Garcia Alarcon annoncèrent, très à l'aise dans un français presque impeccable, les airs à venir. La diva se permit même une petite galéjade en forme de clin d'œil à sa gloire discographique en annonçant "quatre airs d'Ariodante" ! Les quatre rappels successifs (!) constituèrent en eux-mêmes un autre petit panorama baroque, qu'on en juge : chœur d'Acis et Galatée de Haendel, chanson baroque anglaise ("The dark is my delight") sur quelques pas de danse chaloupés, la berceuse de Poppée ("pour mieux nous endormir ce soir" selon la formule de la diva, décidément très conviviale ce soir-là), pour s'achever avec un air de Lambert ("Vos mépris chaque jour").

Après ce merveilleux rêve baroque de la diva à la carrière impressionnante , nos oreilles enchantées avaient envie de conclure  par cette courte apostrophe : "Respect, Madame" !

Bruno Maury

Site officiel du Théâtre des Champs Elysées : www.theatrechampselysees.fr

 

 

 

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