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6 janvier 2014

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Chronique Concert

Couperin, Leçons de Ténèbres

Amarillis, dir. Héloïse Gaillard

 

 

Violaine Cochard & Héloïse Gaillard - D.R.

 

François COUPERIN

Leçons de Ténèbres du Mercredi Saint, extraits des Concerts Royaux

 

Jean-Baptiste MORIN

Lauda Jerusalem

 

Cassandre Berthon, Jaël Azzaretti (dessus)

 

Ensemble Amarillis

Violaine Cochard (chef de chant, clavecin & orgue),  Héloïse Gaillard (flûte et direction)

 
10 avril 2009, Oratoire du Louvre, Paris

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Au cœur des ténèbres

Il est communément admis que c'est Michel Lambert, le célèbre auteur d'airs de cour et beau-père de Lully, qui introduisit ses motets si particuliers en France. Composés sur les Lamentations de Jérémie, les Leçons de Ténèbres tenaient leur nom de la pratique ancienne qui était de chanter les précédant Pâques des psaumes et leur repons. On éteignait au fur et à mesure les bougies pour finir dans l'obscurité juste avant l'aube, pour mâtines les jeudi, vendredi et samedi saints. Mais l'habitude se fit de les avancer au jour précédent, pour le confort du public (oups, des fidèles). Couperin composa ses Leçons pour le premier jour entre 1313 et 1717 (datation grâce à la publication de la partition gravée et de la version du Privilège), alors que ces offices étaient fort à la mode, l'opéra était fermé la semaine sainte. Les trois leçons, d'un dépouillement et d'un lyrismes inégalés nous font d'autant plus regretter les 2 autres cycles perdus.

Dans l'Oratoire (protestant !) du Louvre, c'est à la lueur d'un chandelier triangulaire, dans la semi pénombre que le public attendit la prise de Jérusalem. Quelques extraits des concerts royaux, aimablement interprétés en dépit de l'acoustique large et réverbérante ouvrirent le concert. Presque superflus de profanité, ils permirent d'admirer la ductilité d'Héloïse Gaillard dans les reprises, tandis que sa consœur violoniste faisait preuve d'un jeu plus étriqué. Qu'importe. La première Leçon. Jaël Azzaretti s'elance dans les redoutables mélismes du Yod hébraïque, que Couperin a orné tel une lettrine de manuscrit médiéval. La voix est cuivrée, sombre et dramatique, au départ encore un peu tendue, les articulations soignées. Certes, le "Plorans ploravit" est un brin narcissique, plus sensible à faire admirer ses ports de voix et sons filés qu'à pleurer dans la nuit. Mais les 2 derniers versets (Daleth et He), avec notamment un "virgines ejus" et un "propter multitudinem" sculptés avec force, soutenus par une viole investie au continuo emportent l'adhésion jusqu'au "Jerusalem convertere" final.

La Seconde Leçon fut différente. Différente par le timbre de Cassandre Berthon, beaucoup moins corsé qu'Azzaretti, plus cristallin, d'un angélisme innocent. On gagne en pureté ce que l'on perd en profondeur, en pédagogie du discours limpide mais sans scansion. Le projection est moyenne, avec une tendance à aller un peu trop de l'avant, à bousculer les silences, comme dans un "Recordata est" que l'on aurait voulu plus posé et plus mélancolique. Le "Peccatum", violamment martelé, laisse entrevoir une incarnation plus forte, qui s'étiole dans les beautés vocales de Teth suivant. Enfin, la troisième leçon, à deux voix enlacées de manière quasi ininterrompue, la plus attendue et la plus sublimissime a donné lieu à une vision cursive avec soudain des moments plus appuyés. On y retrouve les caractères respectifs des deux solistes, avec une Jaël Azzaretti ténébreuse (pardonnez l'adjectif facile), ancrée dans la déploration sans espoir, écumant les syllabes comme des larmes de sang, d'une incandescence cendrée. A côté de cette flamme qui se consume, Berthon tente de forcer sur sa voix pour rivaliser avec sa partenaire, ce qui occasionne ça et là quelques notes aigres dans les passages solistes. En dépit de l'inégalité des deux sopranos, les timbres fusionnent avec succès, et la leçon se déroule dans un climat sulfureux et marqué, d'un mysticisme fervent. Est-ce pour rester sur cette note amère et sensible qu'un tiers des spectateurs disparurent dans le crépuscule de l'entracte, n'attendant pas le motet italianisant et fleuri de Morin ? On en dira que quelques mots, car ses qualités d'écriture ne peuvent effacer l'émotion couperinienne, en dépit d'une orchestration variée et de passages en imitation bien sentis. L'ensemble Amarillis, précis, coloré, pulsant, soutient des chanteuses nettement plus fatiguées, qui accusent dès lorsquelques imprécisions. On en retiendra un "Quoniam Confortavit" aérien de Jaël Azzaretti...

Viet-Linh Nguyen

Site officiel Philippe Maillard Productions : www.concertsparisiens.fr

 

 

 

Affichage recommandé : 1280 x 800

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