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6 janvier 2014

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Chronique Concert

Cavalli, Xerse

Les Paladins, dir. Jérôme Correas

 Jérôme Correas © Les Paladins

Pietro Francesco Cavalli

Xerse (1655)

Livret de Nicolò Minato

Kristina Hammarstöm, Xerse
Guillemette Laurens, Arsamene
Isabelle Philippe, Romilda
Magali Léger, Adelanta
Anna-Maria Panzarella, Amastris
Isabelle Druet, Eumène
Jean-Paul Fouchécourt, Ariodate 
Arnaud Marzorati, Ariston
Jean-François Lombard, Elviro
Eugénie Warnier, Clito

Les Paladins

Jérôme Correas, direction

Version de concert, 29 septembre 2009, Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

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""Ah, qu'il fait bon d'entendre un Cavalli de la seconde manière !"

Voilà ce que l'on serait tenté d'écrire, en guise de prologue et d'épilogue, sans chercher à combler le vide des pages par des mots inutiles. Inutiles car il est bien difficile de résumer un livret virevoltant et confus, où abondent les quiproquos et les déguisements, où les couples s'amants se croisent et s'entrecroisent, s'échangent billets doux et menaces, où les second-rôles élaborent des stratagèmes, où le librettiste lui-même s'égare de digression charmante en parenthèse comique. Alors, non, nous n'en dirons guère plus sur l'intrigue échevelée, d'une complexité toute vénitienne, où sur un vague substrat historique (l'invasion de la Grèce par Xerse qui construit son fameux pont suspendu sur l'Hellespont) se déroulent les amours contrariées de Xerse, fiancé d'Amastris, épris de Romilda éprise et aimée du frère de Xerse Arsamène, lui-même aimé d'Adelanta fille d'Ariodate. Et les lecteurs curieux prendront connaissance du fleuve à sa source, en lisant directement les maximes et les métaphores pleines d'inventivité de Minato. Disons simplement que la mise en espace réduite à sa plus simple expression, avec les entrées et sorties des personnages, a été essentielle afin de suivre les péripéties des protagonistes tout au long des 3 heures de cette version déjà abrégée.

Musicalement, et pour nous répéter "qu'il fait bon d'entendre un Cavalli de la seconde manière !". C'est-à-dire un opéra encore en pleine mutation, trait d'union entre le recitar cantando montéverdien du Couronnement de Poppée et le futur opéra à numéro de Scarlatti, le récitatif est encore musical, mais plus standardisé, les formes closes plébiscitées par le public se multiplient avec des airs, ariettes, duos encore relativement brefs. Et à l'écoute de cette œuvre multiforme, plus tardive que La Callisto ou Il Giasone, plus accessible aussi (et avec des coupes), on ne peut que regretter d'avoir attendu si longtemps (depuis 1985 et la révélation de Jacobs avec l'enregistrement épuisé) pour en redécouvrir la vitalité et l'humour omniprésent.

Côté vocal, Jérôme Correas a su rassembler une équipe homogène et inspirée, qui tient dramatiquement la route avec brio et jubilation. Certes, le monarque persan de Kristina Hammarstöm a commencé la soirée en petite forme. On admire un timbre cuivré et mat, mais les récitatifs sont monotones, la projection et le timbre aplatis, le style un peu trop moderne et large pour du Cavalli. Et l'on se dit que la soliste ne parvient pas réellement à cerner la psychologie du tyran instable, soit en insistant sur sa rage incontrôlée, soit en en faisant un monarque de carton-pâte ridiculisé dès son fameaux "Ombra mai fu", chant d'amour dressé à un platane. La mezzo se révèle toutefois nettement plus épanouie dans le 3ème acte, où elle devient presque touchante dans son dépit amoureux.

L'objet de son attention, la Romilda d'Isabelle Philippe laisse voir un timbre dynamique et très transparent dans les aigus. Si l'extrême-aigu s'avère quelquefois acide, la musicalité du phrasé, la noblesse élancée de la mélodie traduisent à merveille la princesse raffinée. Toujours dans les rôles sérieux, l'Amastre d'Anna-Maria Panzarella est le pendant plus sanguin de Romilda. Avec un tempérament digne d'une Armide ou d'une Phèdre, la soprano brosse le portrait de l'amante courroucée, trahie et furieuse avec conviction et force. L'émission est fière et puissante, les coloratures véloces, les ornements bien sentis.

On goûte également les seconds rôles d'une verve comique rafraîchissante. Il y a d'abord l'Arsamene de Guillemette Laurens, rieuse et tempérée, surjouant parfois l'espièglerie coquine. L'on rétorquera que l'émission est assez confidentielle, les airs peu enlevés. Mais l'inspiration est bien là, de même que des récitatifs plaisants et très théâtraux. Même constat pour l'excellent Elviro de Jean-François Lombard, où la beauté du timbre le dispute au naturel d'un cabotinage à la manière vénitienne avec ses glissandos, ses bâillements, ses syncopes, sa fausse nonchalance qui confine à une décontraction rigolarde où la technique est pourtant parfaite. Son galimatias du "A chi voler fiora de bella giardina" a entraîné l'hilarité générale du public, soutenu par des batteries de guitare. L'on passera enfin plus rapidement sur le général bougon de Jean-Paul Fouchécourt, arborant la bonhomie discrète de l'homme qui ne saisit pas ce qui lui arrive (ce qui convient à ce pauvre militaire abusé qui constitue la clef de voûte du livret à quiproquo), et sur Eugénie Warnier et Isabelle Druet d'une spontanéité enjôleuse et charmante avec un chant mutin très "William Christies 80's". Enfin, l'Ariston d'Arnaud Marzorati, peu présent, mais aux interventions justes et à la voix riche.

Jérôme Correas a suréquipé ses Paladins afin d'enrichir la pâte orchestrale, avec notamment l'adjonction d'un violoncelle et d'une contrebasse, et la présence de deux violes de gambe. Ces ajustements musicologiquement discutables sont musicalement les bienvenus, permettant sur presque 3 heures de mieux scander le discours, d'éclairer de couleurs variées les saynètes où les protagonistes se disputent et se réconcilient, se maudissent et s'adorent sur une ligne de récitatif encore chantante. On apprécie en particulier le théorbe de Rémi Cassaigne et la harpe de Nanja Breedijk, dont les arpèges perlés ont été bien audibles, apportant une tendre délicatesse à l'ensemble. L'orchestre s'est avéré d'une élégante souplesse, avec une cohésion des cordes et un effet d'opulence étonnant au regard d'un effectif si réduit.

Dans l'attente d'une réédition du vieil enregistrement de René Jacobs (Harmonia Mundi), ou d'une nouvelle parution, cette soirée a été l'occasion à ne pas manquer de... cavaler chez Cavalli. 

Viet-Linh Nguyen

Site officiel du Théâtre des Champs Elysées : www.theatrechampselysees.fr

Jeanine Roze Production : www.jeanine-roze-production.fr

 

 

 

Affichage recommandé : 1280 x 800

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