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6 janvier 2014

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Chronique Concert

"Caprices et Fantaisies"
Voyage musical à la cour de Frédéric II de Prusse

Marie-Christine Barrault, François Daudin Clavaud, Silvia Lenzi - D.R.

 

 

"Caprices et Fantaisies"
Voyage musical à la cour de Frédéric II de Prusse
Spectacle imaginé et réalisé par François Daudin Clavaud

Johann Joachim Quantz (1697-1773)
Essai d’une méthode pour apprendre à jouer de la flûte traversière

Caprice pour flûte seule
Menuet et variations pour flûte seule
Sonate en sol mineur pour flûte et basse continue
Airs français et italiens pour flûte et basse continue
Sonate en ré Majeur pour flûte et basse continue

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Sonate en mi mineur
Prélude pour violoncelle

Georg Philipp Telemann (1681-1767)
Fantaisie en la mineur

Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755)
Gravement et Gayment pour flûte et basse continue

Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788)
Sonate en ré Majeur pour flûte et basse continue

François-Marie Arouet dit Voltaire (1694-1778)
Correspondances avec le roi Frédéric II de Prusse

Charles Burney (1726-1814)
Voyage musical dans l’Europe des Lumières

Marie-Christine Barrault, récitante
François Daudin Clavaud, flûtes traversières
Silvia Lenzi, violoncelle baroque

Mise en espace et éclairages, Ivan Morane

13 novembre 2011, Théâtre du Lucernaire, Paris

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"De même qu’il y a une grande différence entre la grammaire et la déclamation, plus grande encore est la différence entre la théorie musicale et la manière de bien jouer" - François Couperin, L’art de toucher le clavecin (1717)

Rares sont les spectacles qui, encore aujourd’hui, mêlent musique et littérature en accordant aux deux arts une place égale ; de prime abord, les Caprices et Fantaisies conçus par François Daudin Clavaud présentaient un tableau original dont la principale qualité était justement de donner la parole à l’un et à l’autre.

Le siècle des Lumières fut celui des échanges d’idées, des expérimentations, des voyages d’observation ; c’est dans ce même esprit de recherche et de confrontation que les trois artistes semblaient avoir choisi se réunir en ce soir, afin de faire revivre l’un des salons que décrit Charles Burney dans son Voyage musical. Mais en dépit d’un programme fort intéressant à l’élaboration prometteuse, nos attentes ne se trouvèrent pas entièrement comblées à l’issue de ce spectacle, au regard du résultat escompté.

La toute petite salle du Lucernaire incitait à la confidence et à la simplicité, qui s’exprima par la présence minimaliste (mais suffisante) de quelques chaises en guise de décor. Les musiciens se tenaient côté jardin, tandis que Marie-Christine Barrault arpentait l’espace au gré des évènements. Pièces instrumentales et extraits littéraires alternaient, sans qu’il n’y eût forcément de lien logique entre les deux. Narratrice affable et fort sympathique, Marie-Christine Barrault possède une belle projection vocale qui ne lui permit pourtant pas toujours retenir l’attention de son auditoire ; un attachement trop marqué aux papiers qu’elle tenait en main et une lecture précipitée la firent trébucher (verbalement) à plusieurs reprises, laissant croire à une méconnaissance des textes. L’on aurait préféré à sa légèreté de ton un plus grand investissement personnel, une expression plus théâtrale aussi ; nous étions malgré nous maintenus à distance de l’action qui se jouait devant sous nos yeux, à travers la correspondance de Voltaire et Frédéric II, ou encore dans les scènes dressées par Burney, condamnés que nous étions à rester spectateurs, alors que notre seule aspiration était d’être intégrés à la discussion. C’était une lecture qui manquait de vie et de conviction. Seuls quelques passages, particulièrement didactiques, du traité de Quantz, firent naître chez la comédienne une attitude ludique capable de surprendre. A cette occasion, une réelle complicité s’instaura entre les trois protagonistes, les musiciens écoutant avec attention les conseils du théoricien et les illustrant selon ce qu’ils en comprenaient.

Marie-Christine Barrault, François Daudin Clavaud, Silvia Lenzi - D.R.

 

D’une manière générale, les interprétations proposées par  François Daudin Clavaud et Silvia Lenzi inspirèrent bien souvent une vague de perplexité. Vient en premier lieu le choix des instruments : traverso et flûte traversière moderne se côtoyèrent, cette dernière étant bien souvent préférée à son précurseur. Pourquoi l’une plutôt que l’autre ? Rien d’évident ne vint appuyer ce choix. Il est vrai que le flûtiste était nettement plus à son aise sur la flûte post-baroque ; le son y était plus juste, plus stable et le vibrato moins sensible. Mais à un instrument est attachée une esthétique musicale et, malgré toutes ses qualités, la flûte de Boehm n’offre pas une palette d’articulations et de nuances aussi riche et expressive que peut être celle du traverso, et dont la musique de la fin du XVIIIe siècle a encore besoin. Les deux instrumentistes peinèrent à trouver un son commun et à entrer dans un même geste respiratoire, occasionnant une certaine instabilité rythmique. L’acoustique très sèche de la salle trahissait certes la moindre imprécision, mais les quelques moments d’écoute mutuelle, porteurs d’intentions musicales alors convaincantes (Sonate en sol mineur, J.J. Quantz), nous laissèrent des regrets d’autant plus justifiés.

D’un point de vue stylistique, les phrasés manquaient souvent de clarté et de direction (Sonate en mi mineur, J.S. Bach), et les dynamiques s’enchainaient sans grande fluidité, les passerelles intermédiaires leur faisant défaut. Les agréments se résumèrent souvent à quelques trilles, tous tristement identiques, et dont l’apport d’expressivité fut très relatif. L’accompagnement de Silvia Lenzi aurait gagné à jouer sur davantage de vocalité, ce qui aurait nécessité un son plus rond et plus épais, avec davantage de chair et de vivant. L’absence de résonnance dans la salle asséchait chaque note et dotait les phrases musicales de fin très abrupte. Il est dommageable que l’influence du traité de Quantz n’ait pas été plus palpable à travers le travail des deux musiciens...

Saluons en définitive la démarche de ces trois artistes qui surent attirer l’attention sur des ouvrages encore trop négligés. Mais était-ce dû aux conditions de jeux, à la grande proximité du public, à des rodages insuffisants ? L’on perçu derrière un visage souriant un certain inconfort, la prise de risques étant probablement trop importante par moments. Souhaitons qu’à l’avenir ces Caprices puissent se doter d’une plus grande fantaisie, au service de la musique.

Isaure d'Audeville

 

Le site officiel du Théâtre du Lucernaire : www.lucernaire.fr  (du 6 au 18 décembre tous les dimanches)

 

 

 

 

Affichage recommandé : 1280 x 800

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