Rechercher Newsletter  - Qui sommes-nous ? - Espace Presse - FAQ - Contacts - Liens -   - Bookmark and Share

 

mise à jour

6 janvier 2014

Editorial

Brèves

Numéro du mois

Agenda

Critiques CDs

Critiques concerts

Interviews

Chroniques 

Tribune

Articles & Essais

Documents

Partitions

Bibliographie

Glossaire

Quizz

 

 

Chronique Concert

Bach, Messe en si mineur

Bach Collegium Japan,

Masaaki Suzuki

 

 

Masaaki Suzuki © Marco Borggreve

Johann Sebastian BACH

Messe en si mineur BWV 232

Hana Blazikova – soprano

Johannette Zomer – soprano

Robin Blaze – Alto

Gerd Türk – Ténor

Peter Kooij – Basse

 

Bach Collegium Japan

Dir. Masaaki Suzuki

 

4 juin 2012, Salle Pleyel, Paris.

horizontal rule

Le Soleil se lève à l’Orient

Les monuments sont souvent des structures galvaudées et souvent véritablement méconnues. Les a priori sont  de concert avec la façade imposante du génie humain.  The Messiah, les Passions de Bach et bien d’autres requiems ou symphonies deviennent intouchables et sacrosaints pour tout mélomane.  Le cas de la Messe en si mineur, souvent  rendue colossale par l’effectif Karajanien ou Beechamien a été souvent déformée pour un souci  justement d’improbable « monumentalité ».

Les questions qui se posent tout simplement, en réécoutant cette œuvre sont : « Qu’est-ce qu’une messe ? » « Qui était vraiment Johann Sebastian Bach ? » Au delà de tous les portraits plus ou moins hiératique du Kantor, nous préférons entendre dans sa musique ces chromatismes issus de tant d’influences, ce souci réel de la nuance et du dramatisme et cette subtilité bien supérieure aux tonalités et tempi pachydermiques de certains interprètes parmi lesquels certains de nos chers baroqueux d’une arrogante mégalomanie. La musique de Bach n’est ni plate, ni granitique, elle est d’une fragilité florale, évocatrice et délicieusement infusée.

Ce soir à Pleyel nous allions entendre à nouveau la Messe en si. Notre cœur portait l’exaltation enivrante de John Eliot Gardiner ou l’énergie pudique de Marc Minkowski, et cette invitation à la messe qui nous venait du Japon n’était pas en reste.

On connaît bien l’intégrale des cantates de Masaaki Suzuki, en complémentarité totale avec Gardiner , Kuijken et Leonhardt/ Harnoncourt, qui apporte une lecture renouvelée, sereine et pure de cet opus magnum. Mais la Messe de ce soir, dès le départ, créa chez le mélomane le choc d’une nouvelle contemplation. 

Une messe est collective, un moment où les cœurs et les esprits s’unissent dans l’évocation du Sacré, du divin, une cérémonie égalitaire et solidaire, un chant unanime, une communion finale d’humanisme. Une messe n’est pas funèbre, elle est célébration.  Johann Sebastian Bach l’a compris en dépit de tous ceux qui voient dans cette œuvre un argument plat de lourdeur religieuse, de mollesse de dévot. Suzuki nous a démontré ce soir-là que la pureté, la sensibilité exacerbée et la contemplation délicate, ornementale et légère, rendent à la Messe en si ses couleurs d’origine, son argument qui rassemble, sa ferveur qui interpelle.

Le Bach Collegium Japan © Marco Borggreve, 2008

Masaaki Suzuki est un coloriste hors pair, il dessine avec détail et subtilité les notes et les tempi. Chaque instrument du Bach Collegium Japan est mis en avant lors des soli, et nous avons remarqué avec ravissement le cor de Teunis van der Zwart, incroyable de maîtrise et de virtuosité. Par ailleurs nous saluons les hautbois évocateurs de Masamitsu San’nomiya, Thomas Meraner, Ayaka Mori et le jeu du grandissime Ryo Tekarado qui mène la phalange des cordes avec énergie et perfection. Les chœurs d’une ductilité et d’une intelligence émotionnelle puissante nous ont conquis par leur modestie, leur discipline et les couleurs des  timbres divers.

Parmi les solistes, les soprani Johannette Zomer et Hana Blazikova ont enflammé Pleyel de leurs dramatiques invocations. Gerd Türk, en très grande forme, s’acquitte de ses soli avec une telle force que nous sommes saisis par l’émotion. Peter Kooij à la basse fébrile nous ravit par ses graves nuancés. Malheureusement Robin Blaze est resté un peu en retrait parfois recouvert par l’orchestre pourtant équilibré, et nous regrettons que sa projection insuffisante ne lui ai pas permis de s’affirmer plus.

Nous ajoutons à l’enthousiasme de réentendre cette Messe en si le bonheur de voir que le baroque peut être saisi, modulé et magnifié par des cultures lointaines, et la sensibilité japonaise se révèle ici bien plus proche de ce baroque idéal que certaines tendances de notre monde occidental, trop pressé pour s’arrêter à la contemplation, au détail et à la véritable beauté sans artifices.

Masaaki Suzuki et son passionnant Bach Collegium Japan nous ont offert enfin une Messe en si au langage expurgé où Bach retrouve petit à petit l’éclat de la célébration et de l’humain.

Les soleils baroques ont évolué depuis une quarantaine d’années, certains sombrant dans une profond éclipse d’ambition commerciale, d’autres au crépuscule par facilité ou d’autres encore au zénith de la jeunesse. Cependant, de la mer profonde, des rayons qui percent dans une aube de cerisier en fleur, aux cieux calmes de l’été, se leva ce lundi soir, de Tokyo à Paris, un nouveau soleil d’orient, contrariant dans sa course le destin du silence.

Pedro-Octavio Diaz

Site officiel du Bach Collegium Japan : www.bach.co.jp

Site officiel de la Salle Pleyel : www.sallepleyel.fr

 

 

 

Affichage recommandé : 1280 x 800

Muse Baroque, le magazine de la musique baroque

tous droits réservés, 2003-2014