Il fallait bien la présentation truculente du musicologue et sacqueboutier Jean-Christophe Maillard pour resituer correctement les motets choisis pour cette soirée dans la production foisonnante du Cantor de Leipzig et de sa famille. Tout d'abord le terme de motet désigne dans la musique allemande une forme très différente de celle de la musique française de la même époque. Dans cette région de Saxe-Thuringe, où cohabitent les cultes protestants et catholiques, les motets sont constitués de chœurs a cappella, dont l'usage est en principe lié aux cérémonies funèbres. Ils sont en général centrés sur le concept, cher au protestantisme, de rédemption par le Christ. Dans une tradition importée de Venise, ils recourent habituellement à deux chœurs, dont l'un commente ce que dit l'autre. L'atmosphère peut ainsi passer du désespoir et du recueillement à l'allégresse de la rédemption, ce qui leur confère une dynamique musicale qui peut paraître surprenante.

A la tête d'un ensemble vocal étoffé, composé des deux formations qu'il a créées (l'Ensemble Jacques Moderne et le chœur de chambre Les Eléments), Joël Suhubiette a montré de manière éclatante sa parfaite maîtrise de la direction à travers des œuvres complexes et d'une riche polyphonie. Le concert débuta par la cantate de Johann Bach, "l'ancêtre", d'un dépouillement raffiné, où des chœurs équilibrés et homogènes pouvaient se flatter d'une diction allemande irréprochable. Le "Fürchte dich nicht", chœur à 5 voix de Johann Christoph Bach à la polyphonie complexe, fut parfaitement maîtrisé, tandis que le "Ich lasse dich nicht" révéla de stupéfiants effets "stéréophoniques" entre les deux chœurs.

Vinrent ensuite les motets de Johann Sébastien Bach. "Der Geist hilft unser Schwachheit auf" révéla toute la richesse de son accompagnement a cappella, suivi du redoutable "Fürchte dich nicht" d'une complexité à couper le souffle ! Mais les chœurs répondaient strictement à la direction méticuleuse de Joël Suhubiette, semblant se jouer des difficultés de la partition, avec des entrées impeccables. S'ensuivit, avec la même précision rigoureuse, "Lobet den Herrn, alle Heiden". "Komm, Jesu, Komm" permit de renouer avec les polyphonies complexes d'un expressionnisme baroque exacerbé.

Le programme s'acheva sur le motet "Singet den Herrn ein neues Lied" à la ligne jubilatoire, probablement composé pour un nouvel an. Le succès fut grand auprès du public, appelant de longs applaudissements et un rappel, le bis du motet "Unser Leben ist ein Schattenn". Rendons encore grâce à Joël Suhubiette et à ses valeureux interprètes pour cette promenade enchantée dans la production féconde de la famille Bach, lignée de musiciens unique dans l'histoire de la musique.

Site officiel du Chœur Les Eléments : www.les-elements.com

Site officiel d'Odyssud, ville de Blagnac : www.odyssud.com