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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Bach, la Passion selon Saint-Matthieu, Akadêmia, dir. Françoise Lasserre
Françoise Lasserre - D.R. Johann Sebastian BACH Passion selon Saint Matthieu BWV 244 Jan Kobow : ténor, Evangéliste Christian Immler : basse, Jésus Céline Scheen, Cécile Kampenaers : sopranos Damien Guillon, Paulin Bundgren : altos Benoît Arnould, Philippe Roche : basses
Akadêmia Direction Françoise Lasserre 1er avril 2011, église Saint-Roch, Paris "O Mensch" La Passion selon Saint Matthieu, plus tardive et plus intériorisée que sa consœur Saint Jean, où le déroulement des faits tient moins d'importance que la réflexion qui en est tirée, compte parmi ces œuvres extrêmement exigeantes qui nécessitent une vision globale et homogène de bout en bout, une intelligibilité du verbe alliée à un langage musical qui devient discours. Françoise Lasserre en propose la première version de 1727 et sa lecture colorée, d'un incroyable naturel, dotée d'un hédonisme choral d'une force admirable, a su peindre avec justesse cet épisode douloureux de l'arrestation à la crucifixion du Christ. La chef a dû pour cela dompter l'acoustique réverbérante de l'église Saint Roch, qui brouillait quelque peu les contours instrumentaux, et favorisait les basses du continuo, tout en apportant liant et ampleur aux passages choraux. Si cette Passion s'avère aboutie, d'une maturité engagée et d'une exécution inspirée, c'est notamment grâce à l'enchevêtrement d'une fluidité subtile des récitatifs accompagnés, ariosos, chorals et chœurs, aux transitions millimétrées et transparentes qui font oublier à l'auditeur la complexité structurelle de l'œuvre pour entièrement l'immerger dans un immense récit d'une humanité à fleur de peau. Dès le "Kommt, ihr Töchter", on salue la belle spatialisation des pupitres, le tempo assez rapide mais plein de sens grâce aux dynamiques savantes et à une compréhension intime du contrepoint. Le "Erkenne mich, meine Hüter" fait preuve d'une lisibilité exemplaire à la Suzuki, disséquant chaque ligne de chant, tandis que les chorals, ronds et précis semblent inviter l'assemblée à en reprendre la mélodie gracieuse. Outre l'Evangéliste impliqué et à la déclamation exemplaire de Jan Kobow ("Und als er noch redete, siehe, da kam Judas" notamment), on louera la délicatesse ciselée des airs et l'humilité souriante des solistes, comme dans l'attendu "Erbarme dich" où Damien Guillon révèle une grande égalité sur toute la tessiture doublée d'une projection épanouie, dans le "Ich will dir mein Herze schenken" où la spontanéité lumineuse de Céline Scheen fait merveille, ou encore dans le "Gebt mir meinen Jesum wieder" qui bénéficie de la conjugaison miraculeuse d'un premier violon virtuose et italianisant (Flavio Losco) avec la basse énergique et imposante de Benoît Arnould, qui saura s'attendrir ensuite dans le "Komm, süsse Kreuz". On notera au passage que les solistes chantent également avec les chœurs, reflétant l'esprit de groupe qui anime Akadêmia. Mais, au risque de nous répéter, la réussite de cette Passion tient moins à l'excellente excellence de ses parties qu'à l'architecture globale qui l'anime et les affects qui la sous-tendent. Si Françoise Lasserre est particulièrement à l'aise avec les passages contemplatifs ou introspectifs, laissant la musique respirer, sculptant amoureusement les courbes et les articulations, la chef sait également introduire instabilité et urgence, avec dramatisme mais sans excès, déstabilisant soudainement l'auditeur par un "O Schmerz ! Hier zittert das gequälte Herz !" tourmenté. De même, le duo avec intrusions chorales du "So ist mein Jesus nun gefangen" se trouve nimbé d'un climat angoissant grâce à l'orchestre évocateur et à la théâtralité du chant pressé et violent. Et quand vient l'immense chœur final "wir setzen uns", point d'orgue d'une douceur apaisée de l'éprouvant périple sacré, il ne reste plus qu'à attendre la résurrection, par exemple Haendélienne, et qu'à espérer la captation discographique de cette lecture complexe, incroyablement expressive, et dont l'aisance et le naturel apparents cache une finesse dans les harmonies et le contrepoint rarement égalée.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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