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mise à jour 6 avril 2014
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Chronique Festival Cycle Johann Sebastian Bach - Les tempéraments Cité de la Musique du 8 au 21 Mars 2014 (2)
Clavecin, Hemsch (Jean-Henry), Paris, 1761, E.974.3.1, vue de
trois quart face, couvercle ouvert / Jean-Marc Anglès CYCLE JOHANN SEBASTIEN BACH - LES TEMPÉRAMENTS, du 08/03/2014 au 21/03/2014 à la Cité de la Musique. Enregistrements disponibles sur Culturebox et Cité de la Musique TV pendant 12 mois.
Violaine Cochard © Tous droits réservés
Fantaisie en la mineur BWV 922 Suite en si bémol majeur BWV 821 Fantaisie en sol mineur BWV 917 Adagio en sol majeur BWV 968 Fantaisie en do mineur BWV 921 Fantaisie en do mineur BWV 918 Sonate en ré mineur BWV 964
Violaine Cochard, clavecin Jean-Henry Hemsch 1761 (collection du Musée de la Musique)
Mardi 18 mars 2014, Amphithéâtre de la Cité de la Musique, 19h En Filigrane
Pour certains le clavecin est un instrument étrange, pour d’autres il est assimilé à l’agacement du son grêlé qu'il génère. Mais les cordes pincées qui nous invitent à réinventer nos approches de Bach et nos préjugés sur l’art intimiste du clavier sont le clair reflet non seulement d’une esthétique mais aussi d’une idiosyncrasie. Malgré la "mode" de la parité, il est encore d’usage de parler de « grands hommes » pour l’histoire de l’humanité, aussi oublie-t-on souvent que nos fondements biologiques ont pour terreau la féminité.
De tous les siècles, le XVIIIème est le plus féminin. A l’image de l’ère hellénistique, tout semble d’un raffinement et d’une délicatesse assombris par de violentes pulsions. Le XVIIIème siècle est dominé par les "salonnières", par les princesses d’esprit ou de frivolité, par un style propre à la galanterie. Pour les tenants de la blafarde et mythique spiritualité de Bach, le clavecin est un instrument exotique. Le Cantor est un compositeur de son temps et le répertoire de clavecin qu’il a composé n’est pas aussi austère qu’on le croit.
Il fallait en effet l’élégance d’une interprète telle que Violaine Cochard pour rendre honneur à ces œuvres trop méconnues de l’immense composition de Bach pour le clavecin. Dans les Fantasias, le toucher de Violaine Cochard est inspiré et insuffle un brin de liberté du carcan du contrepoint, nous découvrons un Bach explorateur de sonorités, plus proche d’un Domenico Scarlatti que des rigueurs germaniques. Dans l’Adagio en sol majeur, Violaine Cochard nous ébahit avec un sentiment à la fois paisible et introspectif. Le récital se finit en beauté avec une Sonate en ré mineur éblouissante de puissance et de virtuosité. Ici, pas de demi-mesures ni de pudeur, Violaine Cochard nous livre par son jeu un Bach renouvelé, dont les chefs d'œuvre ont des couleurs très brillantes. Tout en filigrane, comme le soleil après l’orage, le Bach selon Cochard nous réchauffe et nous réconcilie avec une verve musicale jusqu’ici noircie par la bure.
Pierre Hantaï - Tous droit réservés
Suites anglaises n°4 , 5 & 6 BWV 809 - 811
Pierre Hantaï, clavecin Michael Mietke (copie) cc 1702/1703
Mardi 18 mars 2014, Amphithéâtre de la Cité de la Musique, 21h La cérémonie
Dans les pérégrinations d’un journaliste, il est des concerts particuliers. Le programme annonçait de belles heures, la renommée clamait de sa trompette altière la grandeur d’un interprète. Et l’illusion ajoutait un brin d’excitation, une puissance dans la fantaisie, une touche d’émotion dans le fantasme. Pierre Hantaï, interprète plus que reconnu de Bach de haut en bas et d’Est en Ouest, a réuni un consensus de satisfecit enthousiastes, y compris sur nos pages. On peut souvent lire l’éloge de sa précision, de la force intrinsèque de ses performances, la constellation de contrepoints quasi-parfaits que ses mains égrènent ravisent les plus mélomanes des Bachovores recueillis et béats. Comme l’indique le passionnant Gilles Cantagrel, ces Suites Anglaises sont à la fois un chef d’œuvre de maitrise technique et de sens dramatique, un appel exotique vers des émotions non mesurées, malgré la signature continue de Bach.
Cérémonieux et sans accroc, parfait en somme, Pierre Hantaï a touché le clavecin, qui répondait, plaintif sous ses doigts. L’instrument (hélas une copie quand le Musée de la Musique regorge de trésors) était beau, et le calvaire de l’eucharistie Bach sublima ses bois et ses cordages harmonieux. Des suites anglaises, qui auraient pu nous éveiller à l’exploration d’un style par le Cantor de Leipzig, nous avons plutôt entendu un rituel de rigueur raide et superbe, quelques belles impasses. Pierre Hantaï se contenta de s’enfermer avec Bach dans le clavecin, il dialogua avec lui-même tout du long, et ce qui s'avère essentiel pour un travail préparatoire en devient décevant en récital. Contrairement à l’élégance un brin guindée de Gustav Leonhardt, qui explosait en humaine communion dès la première note, M. Hantaï dresse des murs de glace entre lui et son public ; la communication est brisée dès le départ. Et si Bach demeure une statue de bronze, sa musique peut toutefois apporter le sourire et la jouissance. Nous regrettons donc que le Bach de Pierre Hantaï soit si inaccessible, figure hiératique et hermétique, et incitons l'artiste livrer ses émotions sans crainte. Nous ne vous mangerons pas, c’est promis, au contraire !
Rinaldo Alessandrini - tous droits réservés
Sonate BWV 963 Aria Variata BWV 989 Capriccios BWV 992-993
Rinaldo Alessandrini, Clavecin Jean-Henry Hemsch 1761 (Collections du Musée de la Musique)
Jeudi 20 mars 2014, Amphithéâtre de la Cité de la Musique, 19h Il Ritorno di Rinaldo
Quel bonheur de retrouver le soleil ! Après les frimas de l’hiver cérémonieux et sévère, voici arrivé l’astre de feu venu de la Méditerranée. Eh oui, n’en déplaise aux couleurs du bronze de la statue du Cantor, les Italiens rendent un vibrant témoignage de l’art de Bach. Rinaldo Alessandrini, caractérisé par ses puissantes interventions dramatiques dans l’opéra et surtout des récentes incursions chez J.S. Bach qui ont étonné non seulement la critique, mais aussi les lectures habituelles de ses chefs d’œuvres. Rinaldo Alessandrini touche le clavecin à la manière d'un félin, toujours avec une griffe cachée sous le velours, prêt à attraper les émotions à la note et les révéler, brillantes, colorées et parfumées à la contemplation et à l’enchantement.
Tel est notamment le cas de l’Aria Variata et surtout du Capriccio sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo en si bémol majeur BWV 992. Merveilleux bijou dans la production de Bach, qui décline avec dramatisme et force narration une fresque extrêmement raffinée et parfois très touchante. Rinaldo Alessandrini s’exécute avec une éloquence fine et nous ravit par la précision de son jeu. Bach sous le soleil a des belles couleurs. On oublie trop souvent que Bach est un enfant du vert printemps de Thuringe et non un triste puritain des terres grises de Brandebourg.
Christophe Rousset © E. Larrayadieu
Sonate BWV 963 Aria Variata BWV 989 Capriccios BWV 992-993
Christophe Rousset, Clavecin Jean-Henry Hemsch 1761 (Collections du Musée de la Musique)
Jeudi 20 mars 2014, Amphithéâtre de la Cité de la Musique, 20h Summertime
Nous autres baroqueux connaissons bien les enregistrements quasiment intégraux de Bach par Christophe Rousset. C’est tout naturellement que l’annonce de deux partitas sous ses doigts allait nous ravir. Tout d’abord, Christophe Rousset entama dès le départ un dialogue avec son public, s’adressant directement à nous, établissant à la fois une proximité et une intimité essentielles pour un récital de la sorte. De bout en bout des écueils redoutables des Partitas, le toucher de Christophe Rousset était franc, protéiforme et d’une beauté hors normes. Tel l’esquif des arias da capo, il franchit toutes les tempêtes et arriva au port sous un soleil rayonnant. Les Partitas sont souvent assez arides et sobres, Christophe Rousset a ouvert le carcan qui les renfermait et nous a offert la pulpe juteuse et inattendue de ces partitions merveilleuses. On ne le dira jamais assez, c’est avec un sourire que la passerelle est tendue.
Ce cycle est plein de tempéraments, en effet, de la grâce de Violaine Cochard à la timidité glaciale de Pierre Hantaï et des Partitas solaires de Christophe Rousset aux Capriccios joviaux et veloutés de Rinaldo Alessandrini, toutes les émotions étaient représentées. Mais, au fond, c’est peut-être aussi parce que Bach est un miroir humain, et que tout être qui s’y penche s’y retrouve et s’y reflète.
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