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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert Une cantate inédite de Bach ? "Freyt zich ir yidn" BWV 214a ("Réjouissez-vous, ô Juifs") dite Cantate du schmaltz dir. Freddy Eichelberger
Dimanche
1er Avril, Temple du Foyer de l'Ame, Paris XI Le conservatoire d'Etat à Moscou. D.R. Après la redécouverte d'une grande partie de la partition de l'opéra Motezuma de Vivaldi, les archives de l'ex-URSS n'ont pas fini de nous étonner. Cette fois-ci, c'est à Moscou que le Herr Professor Felix Krummschwull, directeur de l'Institut de musicologie de Dresde, a découvert en juin 2006 une partition emportée par l'Armée Rouge en 1945 dans la capitale du Reich en ruines. Annotée "jüd Ostern Wiln. 1741", la partition serait celle d'une cantate célébrant la Pâque juive, commanditée par Aiziklein von Fehlgeburt (anobli par Auguste III) sur demande du Grand Rabin de Vilna. Accompagné par son intendant Mikhul Furunkelstahl, Fehlgeburt aurait alors rendu visite à Bach, qui accepta l'offre et n'hésita pas à ré-utiliser deux choeurs rutilants de l'Oratorio de Noël, associant même à l'orchestre le chofar juif, ainsi que le Grosskuhnhorn (grande corne de vache). On distingue en particulier un récitatif impressionnant de spiritualité dont le texte est le suivant :
Vous aussi, chers lecteurs, vous venez d'avoir quelque doute quant à l'authenticité de cette cantate présentée pourtant de façon fort docte par Christian Leblé dans les notes de programme du concert. Un second coup d'œil au livret dans la colonne de la version originale - "c'est toujours mieux en v.o." comme le dit Katarina lorsqu'elle regarde un DVD italien - un coup d'œil furtif donc, ne fait que renforcer le malaise musicologique. Bien que cela tout cela soit bien rédigé en yiddish, l'indigence roublarde du texte vous laisse supposer que quelque chose de peu catholique se trame. "Zi firt di Beny-Yisrol ahin in Land fun Milch un Honik. Dankt zhe Got, un zol es ton a Hilch !" Vous commencez donc à suer à grosses gouttes, en vous demandant ce qui se passe. Heureusement, tout comme votre serviteur et tout mélomane un peu sérieux, vous vous promenez sans doute avec les 1014 pages de la Thematisch-Systematisches Verzeichnis der musikalischen Werke von Johann Sebstian Bach de Wolfgang Schmieder dans la poche intérieure gauche de votre veston (Wiesbaden, Breitkopf & Hartel, re-ed. 1990, ISBN 3-7651-0255-5). Une vérification rapide s'impose avant que les musiciens n'aient fini de s'accorder. Pendant que les trompettistes trillent à qui mieux mieux, vous feuilletez votre pavé sans trouver la p(l)age. BWV 214, BWV 214, ah, la voilà "Tönet, ihr Pauken! Erschallet, Trompeten!" cantate pour solistes (S,A,T,B) et chœur (SATB) avec 3 trompettes, timbales, 2 flûtes traversières, 2 hautbois, 2 violons, alto et continuo [anniversaire de naissance de Maria Josepha (1733)]. Bon passons à la page suivante, BWV 216 "Vergnugte Pleissen-Stadt" cantate pour solistes (S,A) avec flûte traversière, 2 violons, alto et continuo [mariage de Johann Heinrich Wolff et Susanna Regina Hempel - Musique incomplète]. Trop loin, il nous faut la BWV 214a. BWV 215 "Preise dein Glücke, gesegnetes Sachsen" cantate pour solistes (S,T,B) et choeur (4/8 voix) avec 3 trompettes, timbales, 2 flûtes traversières, 2 hautbois, 2 hautbois d'amour, basson, 2 violons, alto et continuo, [1er anniversaire du couronnement de Friedrich-August III (1734)]. Raté. Vous n'arrivez pas à tirer le bon numéro, comme au bingo le dimanche dans votre paroisse, alors que votre tante, elle, gagne toujours la bouteille d'eau-de-vie hongroise. Une lumière se fait dans votre esprit, à l'instar de celle qui s'allume quand on ouvre le réfrigérateur. "Elémentaire, mon cher Watson !" : si cette cantate a été retrouvée en juin 2006, il est normal qu'elle ne figure pas dans votre ouvrage de référence (édité en 1990, si vous me suivez). Mais comment cela se fait-il que les 150 mails journaliers de la Bach cantatas mailing list (www.bach-cantatas.com) qui bombardent votre boîte aux lettres professionnelle ne vous ai pas averti de cette découverte sensationnelle ? Vous devenez irritable et grognon, refusez d'engager la conversation avec la blonde explosive qui s'assied ostensiblement à vos côtés, en croisant les jambes, et vous demande de pouvoir suivre sur votre livret. Après un chœur d'ouverture tonitruant et enthousiaste, un récitant qui semble tout droit sorti de la Passion selon Saint-Mathieu surjoue affreusement, et Dominique Visse se met à chanter avec sa voix de baryton abattant les vocalises comme un sniper soviétique à Stalingrad. Bizarre... Enfin, des rythmes juifs accompagnés du chofar viennent bousculer un récitatif traditionnel dans le passage dit du rabbin ("Le rabbin ignora sa femme caqueteuse, se gratta la kippe, la barbe et la moustache..."). Vous finissez par comprendre que vous êtes tombés dans le poisson d'avril du sympathique cycle de cantates mené depuis 7 ans par Jean-Christophe Frisch et Freddy Eichelberger... Et trop tard : la blonde est déjà repartie.
Viet-Linh NGUYEN
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