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6 janvier 2014

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Chronique Festival

 

Festival d'Ambronay 2011

 

Vendredi 30 septembre

Cloître d'Ambronay © Muse Baroque, 2010

 

Après un réveil estival, le dernier jour du mois de Septime coulait ses verdoyantes heures qui se couvraient déjà des feuilles mortes, du topaze et de l'ambre pour décorer les adieux de l'été. Sur les pelouses s'ébattent des enfants, scolaires vagabonds harponnés par la voix haut perchée des accompagnateurs véloces. En début d'après-midi le corps immense de l'abbatiale est silencieux, ponctué par quelques accords en sourdine des répétitions et les pas fugitifs qui se faufilent dans les couloirs frais sous la chaleur accablante du zénith. La douce tomette d'un rouge sang accueille le pas qui se perd dans le ventre des anciennes cellules recueillies. Au loin par les fenêtres ensoleillées se déploie le manteau boisé des plaines de l'Ain qui mènent vers les rochers alpins et les lacs d'azur de la Suisse. Le chroniqueur placide, se dirige vers la salle Monteverdi, à l'orée de la Tour Dauphine qui garde, hiératique, le chapiteau des spectacles et observe au loin le pays de Bugey et s'entoure d'une myriade de maisons aux tuiles anciennes. Le jeune ensemble New Century Baroque exécute avec brio l'Hippocondrie de Zelenka, l'enthousiasme s'y arrête et passe d'un archet à l'autre, de l'orgue au clavecin, du basson aux hautbois. L'arrivée des scolaires sonne la fin de la répétition pour le chroniqueur impatient de musique. Et la soirée tombe comme une écharpe de soie sur le ciel endormi, au catering des artistes, entre les membres de la Cappella Mediterranea et les artistes de la Passion selon Mathieu, s'évanouit le génie du silence au sommet des arbres avec l'éclair fugace d'un geai des chênes.

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Nicole Corti à Ambronay © Bertrand Pichène

 

Johann Sebastian Bach

 

La Passion selon Saint-Mathieu

 

Evangeliste – Christophe Einhorn – ténor

Jésus – Pierre-Yves Pruvot – basse

Pilate & Judas – Paul-Henry Vila – basse

 

Hjördis Thébault – soprano

Jean-Michel Fumas – alto

Jean-François Lombard - ténor

Jean-Baptiste Dumora – basse

 

Choeur Britten

Chœur Amateur, Chœur d'enfants

 

Ensemble Unisoni

Direction Nicole Corti

 

30 septembre 2011 – Abbatiale – 20h30

Issue d'un projet établi avec plusieurs conservatoires et des collèges de la région d'Ambronay, ainsi que d'un chœur d'amateurs, le projet de l'hiératique et monumentale Mathäuspassion de Bach était un défi de taille à relever. Bien que le programme fut ambitieux en tous points la réalisation a rempli l'abbatiale avec un enthousiasme hors pair. Le public était un impatient et bouillonnant océan d'amour maternel et de fierté magistériale. Et la scène était déjà débordante de l'ensemble Unisoni, du Chœur Britten et des enfants du chœur amateur des collèges et le chœur adulte amateur. Les solistes arrivèrent tels des perles nouvelles à la parure musicale de l'abbatiale, accompagnés d'une Nicole Corti au sourire enthousiaste et volontaire. Et sa main se leva et la musique fut, le drame commença et ce ne fut pas simplement le récit dramatique de la passion du Christ ni une sorte de litanie luthérienne de psaumes et de préceptes péremptoires et ennuyeux mais une couleur nouvelle, une nuance particulière, un discours insoupçonné sous les ornements et les voiles du romantisme. Nicole Corti a insufflé à la Passion selon Saint-Mathieu ce dramatisme opératique qui a sans doute provoqué la réaction épidermique de la spectatrice de la reprise de 1729, citée par Gilles Cantagrel dans son commentaire liminaire au programme du concert :”Protège tes enfants, Seigneur! C'est comme si on était dans un opéra ...” Et pourtant c'est la force théâtrale de la Passion qui, insufflée par Nicole Corti, sublime la partition et la rend brillante de mille affects.

Outre la participation des chœurs qui sont d'une homogénéité remarquable, notamment le chœur d'enfants qui se fond tout à fait dans la partition. Le Chœur Britten, expressif et mobile, sans les éternels poncifs de hiératisme et rigidité, chante sans entrave, avec le plus de naturel possible. Le chœur d'amateurs se fond avec aisance dans les files du Chœur Britten jusqu'au mimétisme absolu.

Les solistes de très haute volée participent à la construction pharaonique de ce drame christique, que ce soit le soprano puissant et orné de Hjördis Thébault, la composition histrionique de Christophe Einhorn en Evangéliste mémorable, le Jésus serein de Pierre-Yves Pruvot, l'éclat de la voix précise et délicate de Jean-François Lombard. Mais le summum des moments musicaux furent le duo avec chœur “So ist mein Jesus nun gefangen” avec Hjördis Thébault déchirante et un Jean-Michel Fumas extraordinaire. Ce dernier nous émouvra jusqu'aux larmes avec son “Ach! Nun ist mein Jesus hin!” et le célèbre “Erbarme dich”, une voix d'alto délicate et posée comme il y en a peu. Et que dire de Jean-Baptiste Dumora dans l'air “Gebt mir meinen Jesum wieder” qui est un des plus beaux airs de Bach !

Mis à part quelques problèmes de justesse, notamment dans les cordes et une légère désorientation par rapport aux indications de Nicole Corti, l'ensemble Unisoni s'en sort avec éclat de cette belle Passion, conçue tel un opéra par une Nicole Corti avertie, aux gestes précis et équilibrés, avec une sensibilité à fleur de peau qui rend cette collaboration avec les amateurs comme une grande œuvre qui se finalise dans un édifice collectif à la maîtrise unique.

Et encore une fois, les pas s'éloignent par le cloître de l'antique abbatiale aux ombres spectrales et à la pierre blanche, le soleil s'est couché depuis longtemps, mais le thermomètre est doux comme au cœur du mois d'août.

Pedro Octavio Diaz

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Vers les autres chroniques d'Ambronay

 

 

 

 

 

9 septembre - 2 octobre 2011 : Festival d'Ambronay "Passion Bach"

 

Le site officiel du Festival : www.ambronay.org/Festivals (programme, réservations...)

 

 

 

 

 

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