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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival Ambronay : Une ruche melimusicale à la pleine lune
Cloître de l'Abbaye d'Ambronay © Benoît Pelletier
Festival international de musique baroque d’Ambronay, 3 et 4 octobre 2009
En mise en bouche subtilement épicée, exotique et festive (et par ailleurs quelque peu hors du champ de notre magazine) la Fanfare la belle image nous a promenés dans le parc pour un moment musical, chorégraphique et farceur avec pétards et fumerolles. Les enfants nombreux en cette fin d’après-midi ensoleillée ont été charmés autant que les adultes musicophiles les plus exigeants. Ce spectacle intitulé Diabladas corps soufflants est tout à fait unique. Avec des adaptations contemporaines de musiques traditionnelles de toute l’Amérique Latine ou presque, ces 12 musiciens ont rivalisé d’audace et de cohésion pour faire de leur fanfare un groupe offrant un spectacle ébouriffant aussi agréable à regarder qu’à écouter. Trois clarinettes, trois trompettes, trois trombones à coulisse, deux percussions et un tuba ont fait preuve de virtuosité et d’invention, de nuances et de phrasés divers, afin d’éviter toute lassitude et de sans cesse renouveler l’intérêt. Les chorégraphies à la mode bretonne ancienne avec des costumes inspirés des Andes ont agrémenté les musiques contemporaines. La belle énergie de ces musiciens danseurs-voyageurs que l’espace ni le temps ne limitent a conquis le public qui a participé activement à cette fête des sens. Pétards et fumées colorées ont rajouté un élément populaire et sulfureux bienvenu.
© Bertrand Pichene, Jérémie Kerling Après ce spectacle extraverti, le plus sage recueillement était exigé dans la Tour Dauphine afin d’effectuer le voyage dans l’Europe instrumentale du XVIIe siècle proposé par le tout jeune Ensemble Atys dirigé par le talentueux Adrien Mabire. Il n’y a pas si longtemps il était encore stagiaire de l’académie d’Ambronay. Entouré de compagnons aussi doués que lui il a constitué un groupe joliment nommé Atys. Ils nous ont proposé, avec beaucoup de goût, de déguster des pièces rares pour violon, cornet à bouquin, sacqueboute, basson, orgue et clavecin de cette heureuse période qui a vu la virtuosité instrumentale promue au rang de soliste dans toute l’Europe. Au violon Sandrine Dupré avec un extraordinaire archet baroque offre un son un peu sauvage et par moments plein de mordant. Des phrasés d’une grande délicatesse lui permettent l’expression d’une fine musicalité sans que jamais la virtuosité ne se prenne trop au sérieux. Son écoute chambriste de ses amis musiciens est celle d’une belle musicienne. Le cornet à bouquin d’Adrien Mabire est un rival habile du violon mais dans des échanges de virtuosité toujours habités par une délicate écoute. Le son que le jeune homme tire de son instrument est plus tendre que brillant. La touche de nostalgie qu’il lui donne est pleine d’une douce mélancolie. À la flûte à bec il démontre sa science des couleurs. Adam Bregman à la sacqueboute arrive à maîtriser son redoutable instrument avec art. Moins facilement virtuose, cet ancêtre du trombone à coulisse permet des effets de timbres et de couleurs profondes très riches. La précision rythmique du jeune instrumentiste est enviable car le maniement de l’instrument est de loin le plus complexe de ceux qui sont présentés ici. Au basson, Krsysztof Lewandowski a une longueur de souffle impressionnante qui lui permet de moduler de longs phrasés très expressifs. Lui aussi choisi un son très doux et chambriste fort bien venu. Ses doubles croches forment un collier de perles fines sans la moindre irrégularité. À l’orgue et au clavecin Karolina Herzig est une partenaire attentive et sûre qui alterne moments virtuoses et de soutien de basse continue avec une souplesse admirable. Les compositeurs choisis sont rares et permettent de comprendre la différence et l’écoute en miroir entre l’Allemagne et l’Italie. La séduction et la souplesse des formes de la péninsule ne gagnant jamais totalement la froide Germanie bien plus riche en harmonies. Ainsi Dario Castello, Tarquinio Merula, Marco Uccelini et Giovani Battista Vitali sont les frères du sud de Johann Rosenmuller, Mathias Weckmann, Philipp Friedrich Büchner et Johann Vierdank. Souhaitons longue vie à ce tout jeune ensemble qui gagnera avec l’expérience d’autres concerts l’aisance qui autorisera à ces sympathiques artistes plus de feu et de fantaisie encore dans leurs interprétations dont on peut d’ores et déjà louer la perfection formelle et stylistique.
Christina Pluhar D.R. Pour une folle nuit baroque de pleine lune il a fallu faire un choix entre le Chapiteau avec un spectacle rare et très original mêlant Monteverdi et Piazzola et la vaste basilique dans laquelle Christina Pluhar et son Arpeggiata proposait son Teatro d’Amore monteverdien. Il fallait faire vite car on a dû refuser du monde sur les deux lieux tant le succès est grand cette année à Ambronay qui fête avec fastes son trentième anniversaire ! Dans une basilique pleine à craquer l’Arpeggiata a redoublé d’énergie et de séduction pour rester à la hauteur de sa réputation. C’est bien l’ensemble baroque le plus énergique du moment, le plus brillant aussi, capable de réalisations rendant l’accès facile à des œuvres difficiles. Le brillant était repérable par exemple avec la différence de son pour le cornet à bouquin de Doron Shervin, loin de la mélancolie du concert de l’après midi. Sa sonorité musquée donne au chant la vigueur et la virilité dont le chant est totalement dépourvu. Christina Pluhar, Eero Palviainen et Marcelo Vitale, aux théorbes et guitares, donnent du nerf aux chanteurs minaudant, car il faut bien le reconnaître, les richesses musicales viennent uniquement des instrumentistes. Le format vocal et la faible projection des chanteurs ne leur permettent pas de nuances et de variété de couleurs. Les violons participent aussi à l’habillement de la nudité des voix. Ces limites et ces richesses étaient déjà totalement repérables au disque. Concert brillant et enthousiasmant, car comportant de très belles pages musicales, mais dans lequel on se sert plus de Monteverdi qu’on ne sert le génial inventeur de l’opéra. Que le succès personnel remporté par Nuria Real et Philippe Jaroussky ne les aveugle pas ! Dans un cadre plus intimiste ils pourraient d’avantage servir Monteverdi, mais certainement pas à la scène ! La démarche serait tout autre, plus modestement musicale au sein d’un groupe de chanteurs madrigalistes. La suite de la nuit baroque a donné une carte blanche à Philippe Jaroussky accompagné d’une partie de l’Arpeggiata. Ceux qui s’attendaient à des versions jazzy ou des audaces de répertoires improbables et fantasques ont été déçus. Restant dans le cadre du XVIIe vocal italien le contre-ténor a usé sans modération du charme aérien de son timbre au point de créer un concert trop sucré. L’Arpeggiata sous l’œil amical de Christina Pluhar a joué sa partie, en distillant généreusement couleurs et rythmes. Mais Barbara Strozzi est par exemple bien trop dramatique pour cette voix angélique, si bien que ce répertoire sage interprété sans différentiations stylistiques a paru trop conventionnel, comme prolongeant le précédent concert en se concentrant sur Philippe Jaroussky en star très applaudie quoi qu’il chante. Une carte blanche bien trop sage en somme par cette pleine nuit qui suggérait plus d’audaces baroques.
© Bertrand Pichene, Jérémie Kerling Le lendemain matin pour le concert de 11 heures dans l’intimité de la salle Dauphine Christophe Rousset seul au clavecin nous a proposé une carte blanche d’une rare émotion. Cet éminent musicien est parvenu à un stade de sa carrière où seule sa passion du clavecin, son goût des recherches et du travail nous permettent de déguster pareil moment en sa rareté. Quand d’autres abandonnent leurs instruments définitivement une fois reconnus en chef d’orchestre de talents, Christophe Rousset progresse dans sa science du clavecin, lui qui dès son plus jeune âge en a été un maître. Les deux compositeurs français, Gaspar Leroux (fin XVIIe-1707) et Louis Marchand (1669-1732) qui ont eu l’honneur de son choix nous ont été offerts dans une interprétation d’une fulgurante luminosité. Présentant avec érudition et simplicité ces deux compositeurs forts peu connus aujourd’hui, il nous a convaincu de l’injustice de cet oubli. Louis Marchand avec son style droit et noble très tenu apparaît comme riche en inventions et en harmonies. Cet organiste ouvre au clavecin une dimension concertante large et très française à la fois. Il a même conçu ses pièces dans une version pour deux clavecins. Un style d'une infinie délicatesse mais que Christophe Rousset connaît à la perfection et dont il restitue toute l’éloquence, les nuances et les phrasés. Sous ses doigts, l'agréable clavecin sonne comme un orchestre dramatique capable de nuances fulgurantes et de couleurs variées comme dans un récent CD Rameau (Ambroisie / Cité de la Musique). Gaspard Leroux se révèle plus original dans sa liberté formelle et son élégance qui annonce la Régence si aimable. Christophe Rousset pour qui les tragédies lyriques n’ont pas de secrets nous offre une lecture théâtralisée et poétique de ces deux suites de 1705. L’expérience du chef d’orchestre si admiré enrichi un jeu au clavecin d’une précision incroyable mais capable de beaucoup de souplesse. La chaconne de la suite en fa majeur est digne d'un final de tragédie lyrique en sa folle énergie parfaitement maîtrisée. Toutes les danses de ces suites sont composées et caractérisées avec pondération et élégance. Bien des gestes de tête d’un public souriant confirmaient la qualité chorégraphique du jeu de Christophe Rousset qui a su mettre tant de flammes à son interprétation de maîtres oubliés ! L’émotion produite par ce seul clavecin sous des doigts si musicaux est une bénédiction. Quelle carte blanche ! Le public comblé a obtenu deux bis de Leroux qui restera le plus aimé des deux compositeurs pour sa grande originalité. Conclusion radieuse de 24 heures de la vie d’un critique comblé. Ambronay est bien une ruche où la musique est traitée en reine ! Et le miel musical y est succulent !
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