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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert "Amans, voulez-vous être heureux" Autour de François Francœur Isabelle Desrochers (soprano) Ensemble Ausonia : Mira Glodeanu (violon), James Munro (violone), Julian Behr, (théorbe), Frédérick Haas (clavecin et direction artistique). Nantes, Musée des Beaux-arts, Jeudi 10 mai, 20h30
William Turner, Nantes (1829), D.R. Heureusement, il était violonisteFrançois Francœur (1664 – 1745) est peu connu : le programme se charge de le constater et tente d’y remédier en le qualifiant même de « peut-être le seul violoniste français du XVIIIème siècle à la fois pleinement français et pleinement violoniste, et qui soit grand. » Pour réhabiliter un compositeur, il ne s’agit pas de nier les autres (et qui dit école française de violon dit Jean-Marie Leclair) ; il aurait pu être judicieux de présenter, puisque le programme ne propose pas uniquement des pièces de Francœur, quelques mouvements de Leclair ; mais il n’est sans doute pas assez français. Ce point excepté, le programme est bien construit : plusieurs moments ont été délimités, à la façon des disques Alpha ou Alia Vox, moments eux-mêmes équilibrés entre l’instrumental et le vocal. Mais la qualité de l’ensemble est inégale. Et c’est dommage, parce qu’il y a là des moments de pur bonheur !
La voix est ronde et assez agile, pas trop timbrée ; l’articulation est là, mais pas excessive ; c’est un atout pour les airs, c’est une faiblesse pour le récit, seule pierre noire pour la soprano québécoise. En effet, le récit ne se chante pas comme un air ou une ariette, c’est le texte qui doit être mis en avant, et, dans un monologue comme celui qui nous a été proposé, la variété des affects ! Heureusement, l’air “Fureur, amour” est bien exécuté. Quelle idée judicieuse de proposer en parallèle des “Lance tes traits” et “Vole de victoire en victoire” de Francœur un air de Rameau au même contenu, “Lance tes traits” ! Cela nous montre la distance qui peut séparer Francœur, plus délicat, de Rameau, plus virtuose. “Amants, voulez-vous être heureux” est un air tout ce qu’il y a de plus charmant, que la soprano défend et fait vivre de la belle manière : on comprend qu’il donne son nom au programme. Mais ce sont les deux airs lents qui nous comblent : “Loin de vos cœurs les tristes plaintes” est d’une grande douceur, interprété avec juste ce qu’il faut de malice sans le rendre ridicule : c’est un petit clin d’œil, et Isabelle Desrochers le rend, là encore, vivant : si l’on avait presque oublié, en écoutant la musique de cette époque, que toutes ces paroles avaient un sens, elle est là pour nous le rappeler. Quand à l’air de la Beauté, car il s’agit bel et bien plus d’un air que d’un récit au sens strict, il est exécuté magnifiquement, et l’on a l’impression en l’ayant entendu que quelque chose vient de se produire. Un seul regret : l’ornementation n’est pas variée aux reprises, et cela manque de spontanéité. La basse, composée d’un clavecin, d’un théorbe et d’un violone, est discrète mais variée. Elle ne se fait pas remarquer, et d'ailleurs quand Frédérick Haas s’aventure dans Couperin, on regrette qu’il sorte des chiffrages ! En effet, c’est le principal défaut de la soirée, ce 6ème ordre partiel et faux, oui faux : car je me suis surpris à entendre des notes d'une justesse très douteuse ! L'interprète n'avait pas de chance : le 6ème ordre est justement celui que je connais le mieux. Des regrets donc, car l’intention y était : "Les Moisonneurs" commençaient à être interprétés différemment de ce à quoi l’on était habitué, de manière beaucoup plus liée… mais dans "les Langueurs tendres" : on croirait que le ou la langoureux/se s’ennuie ! "La Bersan" a été malmenée, "les Barricades mystérieuses" un peu moins, et "le Gazouillement" a été bien rendu : on comprenait enfin le titre de la pièce. Cette partie-là du programme laisse toutefois une impression plutôt désagréable. La grande gagnante de la soirée est indubitablement Mira Glodeanu, qui a joué les pièces de violons des Premier (1687) et Deuxième (1730) livres avec brio et inspiration. La sonorité est belle, tout simplement, et l’on a pas l’impression d’entendre huit fois la même chose ; les rondeaux mêmes sont variés. Et que dire d’une violoniste qui fait vivre même des bariolages ? C’est sans doute aussi un peu pour cela que nous regrettons que la comparaison avec Leclair n’ait pas eu lieu. Mais bien sûr, cela n’est rien, et Francœur demeure un formidable violoniste, Mira Glodeanu aussi. Et ces belles promesses ont été tenues au disque, car un enregistrement, paru chez Alpha en 2006, réunit sous le même titre que ce concert des airs pour soprano et des pièces pour violon.
Loïc Chahine
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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