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mise à jour 2 janvier 2014
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Carnets de la Muse
Kresimir Spicer, Peggy Kriha Dye, Thomas Macleay and Artists of
Atelier Ballet Lundi 26 octobre 2009, J 24. 21h 30. Le travail s’effectue aujourd’hui sur deux niveaux: tandis qu’Andrew, les chanteurs et l’orchestre travaillent toujours dans le studio du quatrième étage, reprenant des bouts qui n’étaient pas satisfaisants hier, dans le théâtre, les techniciens, Kevin et Gerard s’activent pour installer les décors et les lumières toute la journée — et Marshall court entre les différentes strates, pour calmer sa nervosité. Je passe plus de temps dans le théâtre, dans un bruit de gaffeur noir qu’on étire, de claquements de câbles électriques contre des Par 64 et 32, tandis que les toiles de fond se nouent sur les cintres qui montent et descendent dans un ballet silencieux. Je ne reste guère que deux heures avec les chanteurs, lorsque les solistes sont rejoints par les chœurs — car je n’ai plus grand chose à corriger. Mais j’aime immensément rester dans un théâtre vide, où le temps n’a pas d’emprise, où règne toujours une sorte de calme paisible, malgré l’agitation permanente des techniciens autour de nous. Comme toujours dans ces moments-là, je discute beaucoup avec Gerard (et Marshall lorsqu’il passe), de tout et de rien, des productions passées et à venir, et de sujets bien plus diffus. Mardi 27 octobre 2009, J 25. Une heure assez imprécise et vague. Même si les chanteurs ne sont pas convoqués avant le soir, pour un filage technique avec piano, j’arrive assez tôt le matin, pour rester pendant la mise en place des lumières, et leurs couplages. C’est un des moments que je préfère dans le travail sur un spectacle — quand on reste des heures dans le théâtre sombre, à travailler par petites touches comme un peintre finissant sa toile — équilibrant les différentes intensités des lumières, après qu’elles aient été pensées sur le papier. Et évidemment, il y a toujours des choses qui ne s’avèrent pas être exactement ce qui était prévu, et l’on doit modifier légèrement l’ensemble. Mais on ne voit pas le temps passer dans ces cas-là, et la fatigue ne se ressent qu’une fois sorti du théâtre, lorsque l’on est à nouveau confronté au monde extérieur qu’on avait oublié. Gunta Dreifelds, qui est responsable des surtitres, travaille de son côté, essayant pendant toute la journée de projeter ceux du début du spectacle, rappelant d’éteindre les téléphones, mais surtout énumérant tous les sponsors du spectacles, de gros logos à l’appui, précisant ce à quoi sert précisément leurs donations… Nous avons donc parfois un peu l’impression de voir défiler des publicités en boucle, ce qui peut être légèrement agaçant à la longue. Le soir, nous filons le spectacle à nouveau, mais pour la première fois sur scène. Pas de costumes ni maquillages, mais les sublimes décors raffinés de Gerard et les lumières très ocres de Kevin. Nous nous arrêtons régulièrement pour reprendre des détails techniques, et, comme toujours, les artistes sur scène s’épuisent très vite, et s’énervent presque — car si c’est un processus que je trouve très amusant de la salle, surtout quand on est le metteur en scène ou le concepteur des lumières, je sais que, quand on est sur la scène même, c’est l’un des moments les plus douloureux d’une production ! Mais nos chanteurs et danseurs restent calmes, je chante à la demande de Kat, tous les chœurs, en l’absence des véritables chanteurs (car un certain nombre de ses signaux dépendent d’iceux) et nous réussissons presque à voir tout le spectacle — sortant enfin du théâtre un peu avant minuit! Maintenant que nous commençons à vraiment avoir une idée du côté visuel du spectacle, nous sommes tous d’accord pour affirmer encore une fois que la chose sera plutôt sublime. Mercredi 28 octobre 2009, J 26. Une heure difficile à déterminer. La pré-générale. Bien que personne ne soit convoqué avant 18h, j’arrive au théâtre aux alentours de 13h, sachant que j’y trouverais Marshall et Gerard discutant dans la salle. Nous passons donc la journée à discuter — Gérard ayant cependant quelques travaux à accomplir sur scène, derniers réglages avant le filage avec orchestre de ce soir. Le soir, à l’heure où seront les représentations, nous entamons l’avant-dernier filage avant la première — avec la plupart des costumes et des maquillages. Manquent encore quelques détails qui dont la fabrication n’est pas encore totalement achevée. Tout se passe à peu près bien ; l’ouverture est extraordinaire, maintenant que nous avons tous les éléments, lumière, costumes, orchestre, chœur… et on ne sait plus où donner de la tête, entre les images du cauchemar, Peggy dans une loge, le chœur dans une autre… Le spectacle prend vraiment une ampleur supplémentaire encore aujourd’hui, et tout devient extrêmement vivant. Je suis souvent surpris, quand nous nous arrêtons: les gens sur scène redeviennent brusquement qui ils sont dans la vie et que je connais, les danseurs sautillent sur place pour rester chauds, et ce ne sont plus ces êtres à l’existence desquels je croyais vraiment quelques instants auparavant. Andrew s’arrête quelques fois pour reprendre des passages avec l’orchestre, lors de la première partie. Mais lors de la deuxième, il demande à ce que je sois assis à côté de lui pour me dicter ses notes, pour qu’on n’aie pas à s’arrêter et qu’il puisse revoir ce qui doit l’être à la fin du filage. Nous arrivons à tout voir aujourd’hui, sans incident majeur, et je rentre écrasé, épuisé. Jeudi 29 octobre 2009, J 27. Minuit et demi. Générale. Publique, bien évidemment: chaque membre de l’équipe a pu inviter deux personnes, et les élèves de plusieurs écoles sont conviés également. Nous avons donc une bonne demie-salle, pleine d’environ sept-cents personnes. Inutile de préciser que l’ébullition est à son comble, tout la journée — Marshall et Gerard se sont retrouvés à 8h ce matin, je ne les rejoins qu’à midi. Marshall, comme moi, à mesure que le spectacle approche, ne peut que vivre dans la salle, même s’il ne s’y passe rien, pour se calmer un peu, et Gerard a encore du travail: vaporiser les toiles de fond d’eau pour qu’elles s’étendent et perdent les plis dus à leur transport. Nous passons donc encore une longue journée à ne pas faire grand-chose, sinon discuter et boire du café dans la salle à demie-obscure. A partir de 17h la vie commence à s’amplifier dans les coulisses, les allers-retours des différents membres des différentes équipes (habillage, maquillage, coiffure, stage management, orchestre…) dans les escaliers s’augmentant… Je me poste à nouveau dans la fosse, à côté de Maestro, car nous ne pouvons guère nous arrêter aujourd’hui! Je crois que c’est un des meilleurs endroits pour voir le spectacle, et bien qu’assis à côté des premiers violons, j’arrive à vraiment très bien percevoir la ligne de basse qui me paraît encore plus profonde et puissante d’ici. Mais c’est aussi un emplacement à haut-risque, puisqu’Andrew manque de m’assommer lors du premier chœur, m’assénant un violent coup de coude sur la caboche, dans la fièvre de sa direction. La présentation commence par quelques raccords avec l’orchestre, puis nous commençons, tendus, mais assez confiants. Tout se passe magnifiquement, rien ne pêche, mis à part quelques détails imperceptibles du public — je suis très très content du français. Olivier a enfin reçu ses lentilles noires (il a des yeux bleus très clairs au naturel), qui lui voilent tout l’iris et la pupille. Il a l’air plus que terrifiant — je tremble quand il se tourne vers la fosse à un moment de son premier air. Et le spectacle est vraiment sublime, je ne peux pas contenir mon enthousiasme à l’entr’acte II et III et cours dans les loges de tout le monde pour les embrasser et les complimenter comme il se doit, sans oublier le chœur! Tout le monde ressort donc très content (je ne parlerai pas des superstitions qui peuvent entacher cette joie, par superstition… mais les superstitions théâtrales ne semblent pas être les mêmes du tout ici), épuisés, mais extrêmement heureux, rassurés, et heureux! Demain, day off nécessaire à tous, avant la première de samedi! Vendredi 30 octobre 2009, Day off 6. J-1 Journée plutôt détendue, réveil tardif, différents travaux musicaux étrangers à Marie-Antoinette, et plus proches de la Reine Vierge… Pour finir en beauté, Stephen et Linda m’invitent à un concert de l’intégrale des fantaisies pour la viole de Mr Henry Purcell, par les Voix Humaines (and guests), jouées sur un jeu de violes conservées par l’Université de Toronto, les Hart House Viols, très précieux ensemble datant de 1580 à 1750 et quelques — ensemble très rarement sorti de ses caisses protectrices. Un concert magnifique, magique, dépassant largement toute forme d’entendement.
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