Jean-Féry Rebel (1666-1747) & François Rebel (1701-1775)
Rebel de père en fils
[TG name= »Liste des morceaux »]
Jean-Féry Rebel : Les Caractères de la Danse
François Rebel et François Francœur : Suite reconstituée à partir d’airs et de danses (extraits des opéras Le Ballet de la Paix, Scanderberg, et Le Prince de Noisy)
Ballet de la paix: Air, Quel éclat dans les cieux ; Prélude pour le Jugement de Paris ; Air ; Musette pour Paris ; Ballet de la paix: Sarabande pour Junon ; Scanderberg: Air, Fureur, Amour, secondez mon impatience ; Airs pour les plaisirs ; Air, Enfants de la paix ; Ballet de la paix: Menuets ; Air, Hommages éclatants ; Ballet de la paix: Récit et duo Tendre Amour ; Air pour les peuples d’Amathontes ; Ballet de la paix: Tambourins ; Prince de Noisy: Air, Il gémit dans les fers ; Chaconne.
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Juliette Perret, soprano
Étienne Bazola, basse-taille
Ensemble Les Surprises
Alice Julien-Laferrière, Gabriel Ferry, violons
Sandra Latour, Matthieu Bertaud, flûtes
Anaïs Ramage, basson
Marie-Amélie Clément, contrebasse
Étienne Galletier, théorbe
Juliette Guignard, viole de gambe
Louis-Noël Bestion de Camboulas, clavecin
72’21, Ambronay éditions, 2013.[clear]
C’est un jeune ensemble que Les Surprises, mais déjà plein d’audace et de personnalité. Pour son programme florilège, où s’entremêlent avec dynamisme des mouvements de Jean-Fery Rebel, fameux pour ses Caractères de la Danse, de son fils François et de Francoeur, croisant airs et danses pour redonner un aperçu de la musique d’appartement et des adaptations chambristes d’opéras ou de ballets.
Les Surprises, c’est d’abord un son coloré, riche, moiré où le basson d’Anaïs Ramage comme le théorbe d’Etienne Galletier jouent un rôle structurant, de même que les traversos. On regretterait presque que le noyau de cordes ne soit pas plus étoffé, mais ce déséquilibre contribue à image sonore affirmée, souple et brillante, parfaite pour les enchaînements très fluides que Louis-Noël Bestion de Camboulas a adopté, choisissant résolument l’art du contraste et du mouvement. Les articulations galonnées, les affects touffus, les climats amples et généreux offrent paradoxalement à l’auditeur tour à tour l’excitation de la virtuosité ou l’horizon majestueux du souffle. Il suffit de comparer les extraits des Caractères de la Danse à l’interprétation de Marc Minkowski (Erato) pour en saisir la spécificité : caractère très agogique, incertitude et vitesse, combinaisons de textures permanentes. Alors que les Musiciens du Louvre optent pour une robustesse vive, les Surprises, fidèles à leur nom, peignent à grands coups de pinceaux des ébauches éclatantes et changeantes que Louis-Noël Bestion de Camboulas ouvre parfois d’un accord immense depuis son clavecin, sorte de clap introductif. On avouera que cette richesse frise parfois l’excès : changements confinant l’instabilité, lyrisme affleurant l’italianité défoulée, timbres surchargés nuisant à la ligne. Mais comme par miracle, les Surprises savent préserver l’éloquence du discours, grâce à l’inventivité de partitions très judicieusement sélectionnées, si bien qu’après bien des périples l’orchestre rentre au port.
Alors, oui, en prenant individuellement chaque pièce, l’on pourrait y trouver à redire ou à louer. L’on pourrait également se contredire, puisque les violons que nous trouvions trop peu présents dans les Caractères de la Danse s’avèrent magnifiques en amants languissants dans la Sarabande pour Junon extraite du Ballet de la Paix. Que les traversos liquides, à la transparence perlée de l’Air pour les plaisirs, paraissent d’une apesanteur enlevée tandis que les Tambourins, sautillants et populaires (qui ne sont pas sans rappeler les Witches). Qu’en revanche les Menuets, trop pressés et miniatures en deviennent de mignardes gouaches, d’une candeur juvénile trop discrète. Que les quelques passages vocaux trop brefs et souffrant du timbre un peu voilé dans le médian d’Etienne Bazola laissent sur leur faim. Mais nous répugnons à cette dissection et préférons retenir de cet opus un kaléidoscope jouissif et complice, à la manière d’un étourdissement embarquement à Cythère, d’une grâce pétillante.
Le concert à l’Hôtel de Soubise du 9 novembre 2013, à l’occasion de la sortie du disque, confirme cette impression d’étonnante vitalité, de débauche colorée et de jeux de timbres, aux contrastes sonores puissamment marqués et – encore – plus sanguins qu’au disque. De même, il rend compte d’un relatif désœuvrement dans les airs ou les passages plus lents, comme si le bouillonnement de l’ensemble cherche encore un sens dans les brumes rêveuses, lui qui excelle dans le mouvement.
Viet-Linh Nguyen
Technique : captation dynamique et fidèle.