Rédigé par 15 h 17 min Musicologie, Regards

La Missa Salisburgensis de Biber

Cette messe monumentale va nous permettre de comprendre comment les compositeurs créaient leurs œuvres en tenant compte de l’acoustique particulière du lieu où elles allaient être jouées. En effet, la Missa Salisburgensis sert avant tout de marque de puissance du prince, rythmant la vie publique.

Distribution spatiale de la musique sacrée à grands effectifs

Nef de la Cathédrale Saint-Rupert de Salzbourg, avec les quatre tribunes au niveau transept –
© Salzburger Dom / Eva trifft. Fotografie, site officiel de l’office du tourisme de Salzbourg

 

[clear] Cette messe monumentale va nous permettre de comprendre comment les compositeurs créaient leurs œuvres en tenant compte de l’acoustique particulière du lieu où elles allaient être jouées. En effet, la Missa Salisburgensis sert avant tout de marque de puissance du prince, rythmant la vie publique. Ce type d’œuvres sacrées ou profanes, commandées à des artistes en vogue, faisaient appel à des effectifs impressionnants, sans compter les frais titanesques engendrés par la décoration, les gardes, les feux d’artifice, etc… La musicologue Patricia Ranum a montré qu’à l’occasion du Te Deum de Charpentier joué le 8 Février 1687, la musique constituait moins du quart du budget dépensé. Elle montre aussi que le cachet du compositeur/chef d’orchestre/interprète était finalement assez faible puisqu’il devait payer avec la somme qu’on lui allouait le salaire des instrumentistes et chanteurs.

La Missa Salisburgensis

La Missa Salisburgensis de Heinrich Franz Ignaz von Biber fut probablement conçue pour la célébration en 1682 du onzième centenaire de la fondation de l’archevêché de Salzburg. Le Prince-Archevêque demanda alors à Biber* d’écrire une œuvre fastueuse et rutilante; ce qu’il fit au-delà de toute espérance : 54 voix, 16 vocales et 35 instrumentales, divisés en 5   » coro  » et 2  » loco « . Violons, violes, flûtes, hautbois, cornets à bouquins, clarini, trompettes, trombes, trombones, timbales et orgue sont requis.

La cathédrale de Salzburg fut construite par Santino Solari. Le splendide édifice fut terminé en 1628. Sans s’attarder sur sa remarquable architecture, il est utile de noter la très forte réverbération due notamment à la coupole et les quatre tribunes pourvues d’orgues qui se situent à la croisée de la nef et du transept. Devant l’acoustique particulière de lieu, Biber a privilégié le choc des grandes masses chorales, ponctuées par la pompe des fanfares pour vents. Les passages solistes sont courts et l’essentiel de l’effet est obtenu grâce aux différents timbres des instruments (vents, groupes de cordes, continuo à l’orgue) ainsi qu’aux 5 chœurs qui se répondent. Fugues et imitations abondent.

Les gravures de l’époque comme celle-ci permettent alors de reconstituer la disposition des (nombreux) instrumentistes et chanteurs : les instruments du continuo sont disposés dans la nef avec les cordes (V) tandis que les chœurs sont placés sur les tribunes, en hauteur (I, II, II, IV). Il doit être noté que « coro » ne signifie nullement « chœur de chanteurs seuls »  mais que les instruments sont associés « colla parte ». Le compositeur obtient ainsi des effets saisissants, tout en limitant l’inconvénient lié au fort effet d’écho qui risque rapidement de brouiller les parties.                                                                                                                                                                

V.L.N. 

 

* certains ont avancé les noms d’Oracio Benevoli puis de Andreas Hofer mais il semblerait que la paternité de l’œuvre revienne bien à Biber.

Pour en savoir plus : http://www.coxt.freeserve.co.uk/acoustics_music.html 

Étiquettes : , Dernière modification: 22 janvier 2024
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