Antonio VIVALDI (1678-1741)
Entre ombre & lumière
Stabat Mater RV 621
Concerto Il Gardellino pour flûte et orchestre n°3 op.10 RV 428
Airs d’opéra extraits de Bajazet, Il Giustino, Farnace Orlando furioso.
Sinfonia Al Santo Sepulcro RV 169
Caroline Champy Tursun, mezzo-soprano
Ensemble Baroque de Toulouse
Traverso et direction Michel Brun
La distribution digitale se fait sous la référence 372304 et sur l’ensemble des plates-formes de streaming ou achat en ligne, distribution physique dans un réseau de librairies partenaires.
« Les cimetières sont pleins d’escrimeurs médiocres. » s’exclame Octavien, dans la première saison de la série Rome, refusant de continuer ses laborieuses leçons de glaive avec son instructeur. Cette dure réalité s’applique à la production discographique foisonnante du Prêtre Roux, donc l’Ensemble Baroque de Toulouse a hélas choisi un florilège de « tubes » tous plus célèbres les uns que les autres pour sa deuxième production discographique, disponible à la fois sous la forme physique d’un élégant coffret (qui rappelle ceux d’Harmonia Mundi), et d’un livret dépliant de grand format illustré de notes de programme, de photographies, et de la biographie des artistes. Sous la houlette appliquée de Michel Brun, l’Ensemble Baroque de Toulouse offre un panorama vivaldien honnête à défaut d’être inspiré. Car si le premier violon de Christophe Geiller, grainé et agile fait valoir une belle ligne mélodique, si le mezzo charnu et plein de Caroline Champy Tursun s’adonne avec rigueur mais aussi instabilité aux arabesques du Stabat Mater, il manque cruellement à cette version à la fois un souffle, une spontanéité, une fluidité solaire ou un abîme doloriste. Hélas le « O quam tristis », à la fois surgonflé et poitrinant, entrecoupé de violons légers dessert les affects du texte. Le « Quis non posset » qui commençait bien s’égare dans une théâtralité tremblotante.
La pulsation courte, les articulations trop sèches ou retenues, le continuo discret, les timbres ternes laissent l’auditeur sur le chemin, mais au milieu du gué. Et ce dernier, pourri et gâté successivement par les rugosités brusques d’un Harnoncourt, par les célestes tendresses d’un Bowman, par l’équilibre sensible de Lesne, puis les bouillonnements boulimiques des Biondi, Antonini et autres Spinosi se demande si ce Vivaldi insuffisamment caractérisé, ni lyrique, ni mystérieux n’a pas su décider entre la lumière et l’ombre. Alors certes, l’on admire la grâce aimable de ce chardonneret délicat un peu pastel mais peu joueur (Il Gardellino). L’on se laisse prendre aux chromatismes de la Sinfonia Al Santo Sepulcro qui aurait gagné à bénéficier de tempi plus étirés et de couleurs plus sombres, et l’on prête une oreille distraite mais charmée à ces airs d’opéra un peu désincarnés et qui accusent un manque de moyens criant : le « Sposa son disprezzata » extrait de Bajazet réussit son introduction instrumentale, quoiqu’un peu monolithique mais une comparaison avec la fragile Vivica Genaux dans l’intégrale de Biondi (Virgin) rappelle la distance à franchir pour rejoindre ce monde chatoyant et moiré, à fleur de peau, frémissant, changeant et subtil. Voilà une digne ébauche, épanelure de moulure qui manque encore de relief, de contrastes et de mouvement. Paraphrasant Dumas, peut-être faut-il parfois oser sortir de la partition pour lui faire de beaux enfants.
Alexandre Barrère
Étiquettes : Alexandre Barrère, Muse : airain, Vivaldi Dernière modification: 22 décembre 2021