Michel Pignolet de Montéclair (1667-1737) : Ouverture, Passepieds, Sommeil et courantes tirés de la Sérénade en trois suites de pièces pour orchestre
François Couperin (attr. à 1668-1733) : Cantate Ariane consolée par Bacchus
Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749) : Cantate Léandre & Héro
Battistin Stuck (1680-1755) : Cantate Héraclite & Démocrite
Les Chantres de Saint-Hilaire Sauternes :
Cécile Larroche, dessus
Guillaume Figiel Delpech, haute-contre
Michel Coppé, violon
Isabelle Duluc, violon et viole de gambe
Florian Abdesselam, hautbois
Barbara Bajor, basson
Benoît Bératto, violoncelle et violone
Benoît Fallai, théorbe
Takahisa Aida, clavecin et orgue
François-Xavier Lacroux, traverso et direction
1 CD, Hortus, 2021, 68’41
Une soirée chez le Chevalier de Chavoye ? Mais qui est-il donc ? Pierre-Jacques Payen, Chevalier de Noyan de Chavoye, Seigneur d’Avranches, Lieutenant des Troupes de Marine de Sa Majesté [Louis XV] à Trois-Rivières en Nouvelle France, chevalier de l’Ordre de Saint-Louis (1695-1771) fait partie de ses personnages à la destinée aventureuse digne d’un Corto Maltese des Lumières. Né à Montréal, fils d’officier, il s’engagea dans les troupes de la Marine en 1712, en gravit les échelons en devant lieutenant (1722) puis capitaine (1729). Il séjourné peu en France (en 1730) puis après la perte de la Nouvelle France. Il fut d’ailleurs embastillé de mars 1762 à décembre 1763, notamment pour sa reddition en 3 jours lors du siège de Fort Frontenac (du 25 au 27 août 1758) en raison d’une forte infériorité numérique.
Le Chevalier collecta des partitions lors de son voyage de 1730 à l’occasion duquel il découvrit son domaine normand de Chavoye, et présenta ses propositions quant à la conduite à tenir vis-à-vis des Amérindiens de la Nation des Renards. Retranscrites dans un recueil actuellement entre les mains d’un heureux collectionneur privé, les partitions permettent de recréer cette improbable soirée cultivée et musicale où Clérambault, Montéclair, Couperin le Grand, Stuck, ou encore Boismortier résonnèrent de l’autre-coté de l’Atlantique.
Trois cantates ont été ici sélectionnées, entrecoupées de quelques passages instrumentaux pour cet enregistrement évocateur, le premier du nouveau Centre de Musique Ancienne de Sauternes tout juste lancé, et contenant des œuvres rares dont une cantate profane inédite attribuée à François Couperin, dont on se demande bien pourquoi elle n’a pas été donnée dans sa version originale pour dessus et basse-taille, mais est ici transposée pour haute-contre (peut-être l’ensemble n’a t-il pas pu trouver de basse-taille ?). L’entreprise est méritoire, et recèle quelques beaux moments, tel le très noble et droit air lent « Pleurez mes tristes yeux » de Boismortier, accompagné des violons, flûte, et positif. Toutefois, l’on regrettera que les Chantres de Saint-Hilaire Sauternes n’aient pas davantage poli leur ouvrage, dont l’accompagnement instrumental terne et sans relief accuse hélas de nombreux problèmes d’intonations, approximations et décalages, d’autant plus perceptible dans ce choix de ces cantates en petit effectif. L’orchestre pâtit d’un manque de couleur, de fluidité, de théâtralité et de dynamisme qui reporte donc toute l’attention sur les chanteurs. Or, les deux solistes sont inégaux : Cécile Larroche fait valoir un dessus au médian agréable et à la diction soignée, malgré une relative monochromie et une tendance à laisser retomber trop vite les fins de phrases. Ainsi, dans la fameuse cantate de Clérambault, Leandre & Héro, en dépit de la tendresse touchante de l’air « Dieu des Mers », la soprano ne parvient guère à éclipser l’interprétation plus nuancée et vocalement plus riche de Sandrine Piau chez Hervé Niquet (Naxos), tandis que la « Tempeste des Vents déchaînés » manque de cohésion orchestrale et de précision dans les attaques des cordes. Guillaume Figiel Delpech au timbre éthéré et clair possède une tessiture qui sembleraient plus adéquate dans la musique anglaise pour contre-ténor du fait d’un registre de tête marqué, que dans celui de haute-contre à la française qui requiert de rester davantage dans le medium et de ciseler la prosodie. Aussi, la cantate de Couperin Ariane consolée par Bacchus, outre une relative déception devant une écriture somme toute assez convenue (l’œuvrette est-elle vraiment du Grand Couperin ? le doute est permis), souffre ainsi d’aigus tendus et d’une certaine verdeur. On saluera donc un enregistrement généreux mais inégal, au programme intriguant, et dont la spontanéité compense le caractère inabouti.
Sébastien Holzbauer
Étiquettes : cantates, François Couperin, Hortus, Louis Nicolas Clérambault, Sébastien Holzbauer Dernière modification: 7 octobre 2021