Rédigé par 20 h 04 min CDs & DVDs, Critiques

Une exploration magistrale des opéras du Prêtre Roux

Compositeur prolifique d’œuvres instrumentales, Antonio Vivaldi se flattait également (sans doute avec un peu d’exagération…) d’avoir écrit près d’une centaine d’opéras ! Moins d’une trentaine nous sont parvenus au moins partiellement, et comme il était d’usage à l’époque les productions nouvelles étaient parfois des compilations ou de simples remaniements d’œuvres antérieures.

Antonio VIVALDI (1678-1741)

Airs d’opéras et d’oratorios


Magdalena Kozená, mezzo-soprano

Venice Baroque Orchestra
Direction : Andrea Marcon

77′ 19, Archiv Produktion, Deutsche Grammophon, 2009.

[clear]Compositeur prolifique d’œuvres instrumentales, Antonio Vivaldi se flattait également (sans doute avec un peu d’exagération…) d’avoir écrit près d’une centaine d’opéras ! Moins d’une trentaine nous sont parvenus au moins partiellement, et comme il était d’usage à l’époque les productions nouvelles étaient parfois des compilations ou  de simples remaniements d’œuvres antérieures. Il n’empêche, cette production demeure impressionnante tant en volume qu’en qualité. En dépit du grand projet Vivaldi de Naïve et de l’Université de Turin, il existe encore relativement peu d’enregistrements d’œuvres intégrales disponibles. C’est donc le grand mérite de Magdalena Kozená que de nous faire découvrir des extraits méconnus, et de revisiter avec bonheur des airs plus familiers (comme les magnifiques arias d’Orlando Furioso).

Le timbre doux et cuivré de la mezzo, doté d’une projection stupéfiante dans les ornements, nous emporte ainsi avec un bonheur égal tant dans les airs de son répertoire propre que dans ceux écrits pour des altos masculins ou féminins. Sa capacité à restituer l’ambiance de l’œuvre à travers un simple air de récital, exercice toujours délicat, est impressionnante. Il est vrai qu’elle  s’appuie sur la direction inspirée d’Andrea Marcon à la tête du Venice Baroque Orchestra, qui sait nous plonger en quelques mesures dans les subtiles atmosphères musicales vénitiennes. Les cordes savent s’unir pour restituer la violence des airs de fureur (par exemple dans le “Sonno, se pur sei sonno” de Tito Manlio), ou scander la vengeance qui se prépare (“Armatae face et anguibus” de Judith Triumphans).

Les airs de fureur sont nombreux dans ce récital, et Kozená nous livre avec générosité ses possibilités dans ce répertoire exultant les pyrotechnies vocales. Le récital s’ouvre sur l’air de Tito Manlio précité, mais l’on peut aussi citer le “Misero sprito mio” d’Ottone in Villa, ou encore le vertigineux appel aux dieux infernaux “Lo stridor, l’orror d’Arverno” d’Orlando finto pazzo. L’aisance vocale indéniable, la projection puissante et naturelle semblent se jouer des difficultés vocales, sans que le caractère dramatique soit affecté par une musicalité superficielle. Le point culminant du genre est sans doute le magnifique “Nel profondo cieco mondo” d’Orlando Furioso, dont la noirceur est redoublée par la flamboyance de l’orchestre.

Mais Kozená a plus d’une corde à son arc. Les airs de douleur ou de lamentation sont interprétés avec émotion. On retiendra en particulier le très beau “Gelido in ogni vena” de Farnace, au legato soigné, dont la chanteuse déclare dans la plaquette qu’il s’agit de son air favori dans l’enregistrement. Mentionnons aussi les beaux ornements filés de “Andero, volero, gridero”dans Orlando finto pazzo.

Moments de sérénité dans ces atmosphères dramatiques, les airs d’espoir ou de réconciliation révèlent une Kozená apaisée (“Forse o caro” de Farnace, ou encore le recueilli “Mentro dormi Amor fomenti” de l’Olimpiade qui clôt le récital). Plus étonnant est le détour par les turqueries joyeuses de La Verita in cimento (La Vérité à l’épreuve) et ses deux airs (“Solo quella gancia bella” et surtout “Cara sorte di chi nata”, d’une fraîcheur primesautière), qui révèlent un aspect méconnu du répertoire du Prêtre Roux.

Mais le summum de ce récital est certainement le célèbre “Sol da te mio dolce amore” d’Orlando Furioso, véritable moment d’extase musicale. Après un prélude superbement exécuté par l’orchestre, Kozená nous ravit de la tendresse et de la sensualité de ses ornements délicatement filés, se livrant à un éblouissant duo avec les vents. Quasiment dix minutes de bonheur absolu !

Ajoutons que l’enregistrement est accompagné d’une plaquette avec une notice trilingue, un texte resituant chaque air au sein de l’œuvre et les paroles de chaque air.

© Deutsche Grammophon

Bruno Maury

Technique : prise de son équilibrée et dynamique.

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Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 11 juillet 2014
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